Malgré les déclarations volontaristes de Kinshasa et de l'ONU, le déclenchement de l'offensive destinée à mettre hors d'état de nuire les rebelles hutu rwandais, dans l'est de la République démocratique du Congo, risque de devoir attendre encore plusieurs semaines.
Un ultimatum donnait jusqu'au 2 janvier aux Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) pour déposer les armes et se rendre. Or le gros des troupes de cette milice est resté dans la brousse.
Pour le gouvernement congolais, "l'option militaire est devenue inévitable". "Les préparatifs militaires" de la Mission des Nations unies au Congo (Monusco) "ont d'ores et déjà commencé", a assuré l'ONU lundi, en soulignant que la question des rebelles hutu rwandais, dont plusieurs dirigeants sont accusés d'avoir participé au génocide de 1994 au Rwanda (800.000 morts selon l'ONU), ne pouvait "pas être résolue uniquement par des opérations militaires" mais nécessitait une "stratégie globale".
Notant que les FDLR n'avaient "pas complètement respecté, pour l'instant, les conditions imposées", le président sud-africain Jacob Zuma, dont le pays est particulièrement impliqué dans la résolution de la crise congolaise, a annoncé dimanche la tenue d'un sommet des chefs d’État d'Afrique centrale et australe, les 15 et 16 janvier à Luanda, pour "passer en revue la situation (...) et décider des mesures appropriées".
"Ce communiqué montre bien qu'il ne faut s'attendre à aucune action militaire avant la mi-janvier", note un expert régional sous couvert d'anonymat.
"On n'aura rien commencé à la fin janvier", estime pour sa part un officier occidental en poste à Kinshasa, doutant même que l'opération ait jamais lieu. Un diplomate européen va jusqu'à affirmer: "On n'y croit pas du tout".
Les FDLR - 1.500 à 2.000 combattants, disséminés dans les collines boisées de l'Est congolais, frontalier du Rwanda et du Burundi - commettent depuis des années, en toute impunité, de graves exactions contre les civils congolais et se livrent à de nombreux trafics (or, charbon de bois...).
Même si elle n'a plus lancé d'attaque d'envergure contre le Rwanda depuis les années 2000, la milice est toujours considérée par Kigali comme "la menace la plus grave" pour la paix régionale, tandis que Kinshasa suspecte son voisin rwandais de ne pas souhaiter voir disparaître ladite menace, prétexte à une intervention armée en territoire congolais.
- 'Dommages collatéraux' -
Même les soldats de la Brigade d'intervention de la Monusco - un corps de 3.000 hommes (Afrique du Sud, Tanzanie et Malawi) autorisé à utiliser la force de façon offensive pour permettre la neutralisation de la cinquantaine de groupes armés encore présents dans l'est de la RDC - "ne sont pas chauds" pour aller au combat, note l'expert régional.
"Pour de bonnes raisons", estime l'officier occidental, invoquant le risque élevé de "dommages collatéraux" compte tenu de la difficulté qu'il y aura à aller débusquer ces rebelles, qui ont fini par prendre souche et dont la plupart passent pour être plutôt bien intégrés aux communautés locales.
Le diplomate européen relève de son côté le risque de pertes élevées chez les Casques bleus, frein évident à l'offensive.
Se mêlent aussi des raisons politiques.
Officieusement, "on sait très bien qu'on ne peut pas utiliser le bataillon tanzanien de la Brigade d'intervention contre les FDLR", note l'expert régional. La raison serait le différend qui oppose le président tanzanien Jakaya Kikwete à son homologue rwandais Paul Kagame, le premier ayant plaidé à plusieurs reprises pour que le second négocie avec les FDLR - un véritable affront pour Kigali, qui refuse d'en entendre parler.
La Monusco répète régulièrement qu'elle n'a pas vocation à se substituer à l’État congolais, ni l'intention d’aller seule au front. L'ONU a d'ailleurs annoncé lundi que, contre les FDLR, la Monusco interviendrait uniquement en appui à l'armée congolaise, qui devra jouer "un rôle essentiel".
"Mais pour l'heure on ne sent pas une volonté farouche des plus hautes autorités congolaises" de passer à l'action, relève l'expert régional.
"Dans les faits, (les forces congolaises) font tout sauf du FDLR", note le militaire occidental. Selon lui, l'offensive lancée lundi par l'armée contre des rebelles burundais dans l'est, s'ajoutant à celle ravivée récemment contre des rebelles ougandais un peu plus au nord, pourraient être avancées pour justifier l'impossibilité d'ouvrir un troisième front contre les miliciens rwandais.