Entre Joseph Kabila et Moïse Katumbi ça n’a jamais été le grand amour, désormais la rupture politique est consommée. En politique, il n’y a pas de hasard, surtout dans le calendrier où tout déplacement du chef de l’Etat est calculé. En décidant de se rendre à Lubumbashi avant-hier lundi 22 décembre, Joseph Kabila voulait dissuader Moïse Katumbi de faire un comeback triomphal dans sa ville, prévue de longue date pour hier mardi 23 décembre 14. Les services de sécurité ont même demandé au gouverneur d’ajourner son retour au motif que le chef de l’Etat était dans la capitale cuprifère. Fait de prince ! Mais c’est mal connaitre Katumbi qui, dans son bon droit, a décidé de défier Kabila. En atterrissant avec son jet privé hier mardi sous le coup de 11 heures (heure de Kinshasa) à l’aéroport de la Luano, Moïse Ka¬tumbi a délibérément choisi d’ignorer Joseph Kabila et ses sbires.
Entre les deux personnalités en désaccord, les Katangais ont choisi leur camp en réservant à leur Gouv un accueil monstrueux que de mémoire d’hommes cela ne s’était jamais produit. La ville de Lubumbashi était littéralement paralysée hier mardi alors que Kabila a été accueilli la veille dans l’indifférence totale. Lubum¬bashi avait l’air d’une ville festive une sorte de journée fériée. Du jamais vu au Katanga. Personne auparavant n’a jamais autant mobilisé foule comme Moïse Katumbi. La capitale cuprifère n’avait donc d’yeux que pour son champion de gouverneur. Certaines sources parlent de près de 1 million de personnes dans les rues et avenues de Lubumbashi venues accueillir et acclamer M. Katumbi. Ces mêmes sources indiquent que la « garde républicaine »a échoué dans la matinée a dispersé la foule qui attendait le président du Tout-Puissant Mazembe. La témérité des Lushois a eu raison de leur air menaçant et hautain. Le maire de la ville a été aussi mis à con¬tribution pour démobiliser la population en appelant les uns et les autres à vaquer à leurs occupations comme sin un mot d’ordre contraire et contraignant avait été lancé aux lushois.Rien n’y fit ! C’est de leur propre gré que les Katangais ont tout arrêté, donnant des allures de ville morte à Lubumbashi, pour accueillir leur gouverneur.
Tout a donc commencé aux environs de 11 heureslorsque sous un ciel gris et un peu nuageux le jet privé du président du Tout-Puis¬sant Mazembe a atterri à l’aéroport de la Luano. Au bas de la passerelle de son jet, un petit comité d’accueil constitué notamment de Sa¬lomon Idi (conseiller spécial du gouv) et du président de l’Assemblée nationale, Ga¬briel Kyungu Wa Kumwanza, qui s’empresse d’embrasser chaleureusement Moïse Ka¬tumbi. « Baba Wa Katanga » (surnom affectif des Katan¬gais donné à Kyungu) était visiblement heureux de voir Moïse Katumbi entier. Vêtu d’un pantalon jean bleue et d’une chemise tout aussi bleue surmontée d’une veste à carreaux, le populaire gou¬verneur du Katanga esquisse un sourire au contact de sa terre natale. Il sert de bras par ci et par là, tout le monde veut le toucher comme pour lui témoigner son affection, lui qui plus de 3 mois durant s’était absenté de sa prov¬ince pour guérir d’un empoi¬sonnement. Sur le tarmac de l’aéroport, M. Katumbi a eu droit à un mini bain de foule. L’aéroport s’était littérale¬ment arrêté. Tous les fonc¬tionnaires accouraient pour voir la silhouette du président du Tout-Puissant Mazembe. Après l’aéroport, le cortège du miraculé Katumbi, avec à ses côtés le vice-gouverneur Yav Tshibal, a pris la direc¬tion de la célèbre place de la poste où l’attendait une foule immense comme Lubum¬bashi ne l’avait jamais vue. En principe, de l’aéroport de la Luano jusqu’à la place de la poste il faut compter au moins 15 à 20 minutes. Le cortège de Katumbi a mis plus de 4 heures pour at¬teindre la mythique place de la poste. La foule, estimée à près d’un million qui pré¬cédait et suivait la jeep sur laquelle Moise Katumbi était juché, ralentissait la vitesse du cortège. Katumbi est une légende vivante en matière de popularité car les lushois sur son parcours scandaient des chants à sa gloire, le bé¬nissaient ou encore brandis¬saient des calicots avec des messages d’encouragement et d’affection. Certains étaient sur le balcon de leurs immeubles pour ne serait-ce que l’apercevoir. Moïse Ka¬tumbi avait tout le temps les mains levées pour le dire bonjour et merci en signe de reconnaissance. Forte mo¬bilisation de l’UNC de Vital Kamerhe, de Scode du Bâtonnier Jean-Claude Muyam¬bo, de l’ECT du ministre de la santé Flory Kabange Numbi et bien entendue de la société civile et des mouvements des jeunes du Katanga.
Message subliminal de Katumbi à Kabila lors du meeting
La procession Katumbi est finalement arrivée à la place de la poste pour le meeting peu avant 15 heures. Mais avant de l’atteindre la pro¬cession a fait une halte à la sortie de l’aéroport à la sta¬tion de péage où l’attendait une foule immense. Après avoir communié avec elle, le cortègeKatumbi a continué sa marche escargot vers le centre-ville. La foule était au rendez-vous si bien que cette place mythique n’a pas su la contenir. Moise Katum¬bi a été introduit par l’ancien gouverneur du Katanga, Ga¬briel Kyungu. Il a chauffé la foule comme il en a le secret en demandant à la Ceni de Malu Malu de faire vite pour organiser les élections enfin qu’on en finisse. Par 3 fois et en swahili, pour bien faire passer le message, Kyungu a demandé à Malu Malu les élections et ce rapidement alors que l’on sait que Kin¬shasa joue la montre avec la création tardive de l’Onip. Prenant la parole à la suite de Kyungu, M. Katumbi a tout de suite remercié la foule présente en particulier et les congolais en général pour avoir prié pour lui. Fa¬çon pour lui de confirmer son empoisonnement sans s’y attarder cependant. Populai¬re aux 4 coins de la Répub¬lique, Moïse Katumbi attentif aux malheurs de ses compa¬triotes a demandé à la foule d’observer une minute de si¬lence pour les massacrés de Béni au Nord-Kivu.
Mais le plus frappant dans le discours de moins de 10 minutes de Katumbi c’est qu’il n’a fait aucune allusion au chef de l’Etat pourtant présent dans sa ville. Signe que les temps changent, Ka¬tumbi ne lui a rendu aucun hommage. Ne lui a pas sou¬haité la bienvenue.
Il lui a cependant adressé un message subliminal sous forme de parabole qui en dit long sur les divergences et sur leur rupture. Evoquant la Coupe d’Afrique des Nations (CAN prochaine de 2014) en Guinée Equatoriale, il dit ceci : « premier pénalty Kidiaba accepte, deuxième pénalty truqué, Kidiaba ac¬cepte, est-ce que vous allez accepter un troisième penal¬ty ? A-t-il lancé à la foule ! Et la foule a répondu en choeur non. Allusion faite aux deux mandats présidentiels de Jo¬seph Kabila et la probabilité d’un troisième mandat au¬quel il est opposé. En fait les Katangais ont une culture de la parabole très futée pour faire passer des messages importants. Pour rappel, Kibassa Maliba,le lion du Ka¬tanga, bras droit d’Etienne Tshisekedi. En 1995 pour annoncer sa rupture d’avec Tshisekedi il usa de la parabole à la même place de la poste. Il avait eu ces mots : nous sommes une équipe nationale de onze joueurs où il y a un gardien, des défenseurs, des milieux des terrains et des attaquants notamment Kazadi, Bwanga ; mais il y a un joueur qui veut jouer à tous les postes. Il visait Tshisekedi. Et s’en suivit une rupture politique entre les deux personnalités de l’UDPS. Véritable tradition katangaise, Moïse Katumbi y a recouru pour dire non à l’éventualité d’un troisième mandat de Joseph Kabila.
Et pour cela, il a le soutien des Katangais car il a aus¬si comparé la foule venue l’accueillir à celle du Burki¬na-Faso disant même que celle de Lushi était plus que celle du pays des hommes intègres. Tout un message politique fort qui doit ré¬sonner désagréablement dans les oreilles de ses des¬tinataires! Ras-le-bol de la Kabilie, Katumbi a doncpris ses distances avec Joseph Kabila, c’est la leçon à tirer de ce meeting qui restera dans les annales pour sa mobilisation record et pour cette parabole footballis¬tique qui envoie un message politique sans équivoque au camp présidentiel. L’Histoire tourne alors que certains cherche à la manipuler. Elle finira par leur jouer des tours.
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