Kasangulu : des avancées dans la lutte contre la déforestation

Mercredi 20 avril 2016 - 10:24

« Il y a des décennies, la forêt était signe d’abondance des produits alimentaires ici à Mvululu. Dans la forêt, on trouvait des champignons, chenilles, gibiers, fruits. Mais, au fur et à mesure que les paysans coupaient les arbres, on a constaté que de plus en plus les produits forestiers non ligneux devenaient  rares », rappelle Marie Louise KIDIATU BETOBONSO, Agronome A1 et animatrice au Programme quinquennal d’appui à la sécurité alimentaire dans les Diocèses de Kindu, Kisantu et Kongolo (PQ SECAL 3 K).

En effet, dans la localité de Mvululu, en Territoire de Kasangulu, Province du Kongo Central, tout comme ailleurs en RD Congo, le feu de brousse utilisé dans l’agriculture ou la chasse, ainsi que la coupe des arbres pour les bois de chauffage et la fabrication du charbon de bois ont sensiblement contribué à la déforestation.

La lutte contre la déforestation s’avère ainsi nécessaire pour faire face à ce phénomène aux conséquences incalculables pour plusieurs générations. Le Réseau Caritas est engagé dans cette lutte, notamment à travers le  Programme quinquennal d’appui à la sécurité alimentaire dans les Diocèses de Kindu, Kisantu et Kongolo (PQ SECAL 3 K), dans la poursuite du partenariat entre la Caritas Congo Asbl et Caritas Norvège, signé depuis novembre 2011. L’un des objectifs poursuivis par ce programme est justement la restauration de l’environnement local.

Pour le cas du Diocèse de Kisantu, 1.998 ménages agricoles en sont bénéficiaires à M’vululu, Ntampa, Kinsiona et Bana.

Des actions à impact visible

Dans le cadre de ce programme, et avec l’accompagnement de la
Caritas-Développement Kisantu à travers son Bureau Diocésain de
Développement (BDD),  4 pépinières de 15.133 plantules ont été
installées : 8.800 acacia, 800 mandariniers, 750 orangers, 3.803
cacia, 450 safoutiers, 500 « pentacleta ».
En outre, 6,2 ha d’agroforesterie (acacia + manioc) et 4,1 ha
d’acacia plein champ sont gérés dans 9 CVD (Comités Villageois de
Développement) de Kisantu (Mvululu et Kinsiona).
Par ailleurs, 1.598 ménages ont été sensibilisés sur l’importance du
reboisement, y compris les ayant droit et concessionnaires. De même,
966 ha de forêts ont été mis en défens et sont suivis régulièrement
par les services de l’Environnement du Territoire de Kasangulu.
Marie Louise KIDIATU est agronome dudit programme, pour l’axe de
Mvululu. Elle explique à la population l’importance de ce programme et
l’accompagne dans la réalisation des activités. « Nous avons analysé
l’impact de la déforestation sur la sécurité alimentaire. Et, dans le
cadre de notre programme, nous avons résolu d’instaurer le système de
reboisement. Parce que le reboisement permet de restaurer la forêt et
les terres dégradées, offrant des possibilités aux paysans d’y puiser
de quoi manger et d’être sédentaire», a souligné l’agronome.
Cette dernière rêve de prolonger ses études, former aussi son propre
foyer et avoir deux ou trois enfants. Elle a été trouvée le 16 mars
2016 en train d’ensacher les plantules d’acacia dans la pépinière de
la paroisse de Mère Theresa de Mvululu. Issue d’une famille de neuf
enfants dont trois filles, elle parle alors de l’ensachage dans des
pépinières où évoluent des arbres à chenilles, des acacias, des
plantes fertilisantes ou le « leucaena» que le programme vulgarise
dans différents sites. Le leucaena leucocephala, par exemple,
résistante au feu, est une légumineuse utilisée comme fourrage,
engrais vert, bois de chauffage, conservation des sols et améliore la
biodiversité. Il est utilisé en agroforesterie en association avec le
manioc, mais en cultures en bande ou intercalaire.
« Nous utilisons les acacias surtout dans le cadre des AGR (Activités
Génératrices des Revenus) de reboisement. Dans la contrée, les
populations exercent des activités de production de braise (charbon de
bois) qui les emmènent à couper les arbres. Et pour diminuer la
pression sur la forêt, nous travaillons sur le reboisement, en leur
amenant des acacias, qui sont des arbres à croissance rapide. Déjà à 5
ou 7 ans, l’arbre atteint sa croissance maximale et est valorisé pour
produire de braises », a renchéri Freddy Masakidi,  Coordonnateur de
terrain. Ce dernier estime qu’avec un hectare d’acacia âgé de 5 à 7
ans, ils peuvent produire entre 800 à 1.000 sacs de braise. « Ce qui
fait une bonne source de revenus. C’est pourquoi nous vulgarisons
l’acacia, surtout dans les terrains de savane », a-t-il ajouté.Une
illustration de la fôrêt de Mvululu, ici vers la localité de Luzumu.
C’est aussi le cas de l’arbre à chenilles, appelé Pentacleta
macrophila. Trois mois après leur préparation en pépinière, ils
peuvent être repiqués en plein champ, a relevé Freddy Masakidi. Et, au
bout de cinq ans, ces arbres atteignent une bonne taille et, grâce à
l’action des papillons, ils arrivent à porter des chenilles, denrée
très nutritive recommandée en nutrition. Il y a des paysans qui se
font beaucoup d’argent à ramasser ces chenilles, vendues sur les
marchés de Kinshasa et autres grandes agglomérations environnantes.Le
Président du Comité Villageois de Développement (CVD) Mika dans la
ferme Kiseyisa à Mvululu
Deux ans après le lancement dudit programme, les témoignages des
paysans sont éloquents et encourageants dans cette contrée. « Les
effets du reboisement sont visibles dans notre contrée. En outre, en
tant qu’apiculteur, nous produisons le miel de cet arbre (acacia),
lequel est de bonne qualité. Voilà pourquoi je continue à le planter
», a indiqué pour sa part, Patrice Ndongala, le Président du Comité
Villageois de Développement (CVD) Mika dans la ferme Kiseyisa à
Mvululu.
En fait, la   lutte   contre  la déforestation   est   devenue   un
enjeu   mondial,   pour   freiner  le réchauffement  climatique  et
la  perte  des  biodiversités dont l’humanité commence à subir les
conséquences. Elle contribue même à la réduction de la pauvreté. Car,
les forêts ont des valeurs qui permettent de répondre aux besoins de
l’homme et de la nature, estiment les Experts. Il s’agit notamment des
valeurs de subsistances et de survie pour les habitants locaux en leur
fournissant les bois, les produits alimentaires, les médicaments et
autres produits forestiers non ligneux qui permettent de diversifier
les sources de revenus de la population et créer de l’emploi à cet
effet.
Guy-Marin Kamandji