MARCHE DU 26 MAI : PARI GAGNÉ POUR L’OPPOSITION

Vendredi 27 mai 2016 - 08:11
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Hier jeudi 26 mai, la police a chargé et dispersé des manifestants dans les rues de Kinshasa et de la plupart des villes du pays. Ces heurts démontrent, une fois de plus, que la majorité au pouvoir est tombée dans le piège de l’Opposition en recourant à violence pour disperser des foules qui marchaient pacifiquement. C’est donc un pari gagné pour les organisateurs qui ont poussé le pouvoir à la faute. Bilan : mort d’hommes à Goma et plusieurs blessés ailleurs.

Le Potentiel

 

En initiant la marche de jeudi, les organisateurs, à savoir la Société civile et l’Opposition (Dynamique de l’Opposition, Front citoyen, etc.) poursuivaient des objectifs précis : appeler au respect de la Constitution, à un calendrier électoral qui tienne compte des délais constitutionnels, d’une part ; dire non au glissement, à l’arrêt de la Cour constitutionnelle et aux massacres de Beni, Butembo, Lubero et Rutshuru, d’autre part.

Si à Kinshasa, l’autorisation a été obtenue, ailleurs, le refus était catégorique. Mais le jour « j », la population s’est mobilisée partout. Voilà qui explique les incidents malheureux enregistrés entre les manifestants et la police et dont le bilan fait état de deux morts à Goma et plusieurs blessés dans la capitale ainsi que dans d’autres villes du pays.

 

Film des événements

Des tirs de gaz lacrymogènes et jets de pierre, c’est le scénario vécu, hier jeudi 26 mars à Kinshasa, entre les manifestants de l’Opposition et les éléments de la Police nationale congolaise. Après un parcours commencé pourtant sans incident au siège du MLC sur l’avenue de l’Enseignement, à Kasa-Vubu, c’était le retour à la case départ pour les partisans de l’Opposition. C'est-à-dire devant les sièges des partis politiques de l’Opposition à Kasa-Vubu, avant finalement d’y être dispersés.

Les heurts entre les manifestants et la police ont eu pour cause l’itinéraire de la marche. Selon le gouvernement provincial, les manifestants ont dépassé le cordon qui avait été imposé. Par conséquent, la police était obligée d’intervenir. Premier couac : devant la maison Schengen sur l’avenue de la Libération, ex-24 novembre. « Les Forces de l’ordre se sont retrouvées devant deux tendances, deux catégories de marcheurs. La première catégorie est composée des marcheurs qui n’ont pas respecté l’itinéraire tracé par l’autorité politico-administrative. Et la deuxième catégorie, ce sont les marcheurs qui ont essayé de respecter le tracé défini par l’autorité et, ceux qui ont été dispersés dans la première catégorie se sont joints à la deuxième catégorie. La police était obligée d’utiliser les moyens classiques pour les disperser », a indiqué le ministre provincial de l’Intérieur Emmanuel Akweti.

En revanche, du côté de la Dynamique de l’Opposition, la police a failli à sa mission. Joint au téléphone, le député UNC Claudel-André Lubaya a réagi en ces termes : « Il s’agissait d’une déferlante populaire qui venait de différentes directions. Il revenait à la police de les converger. La police aurait pu, tout simplement, canaliser ceux qui venaient de tous les coins vers le point de chute. Elle a fait une dispersion inutile de la population. Nous déplorons les morts et les blessés et exigeons la libération de ceux qui sont appréhendés ».

Controverse Opposition-Hôtel de ville

En termes de mobilisation et de bilan, c’est la controverse. Les sources policières parlent de 2 000 manifestants à Kinshasa. 35 policiers blessés dans la capitale. Pour le modérateur de l’Opposition, Albert-Fabrice Puela, il y a eu plus de 200 000 manifestants à Kinshasa provenant de tous les coins de la capitale. Une démonstration de force qui revêt toute sa signification. Human Rights RDC chiffre 26 manifestations, 9 manifestations interdites, 59 personnes arrêtées, 1 personne et 1 policier tués, 4 personnes blessées. Parmi les blessés à Kinshasa, figure la secrétaire générale du Mouvement de libération du Congo (MLC) Eve Bazaiba touchée à la jambe.

Pour rappel, le début de la manifestation à Kinshasa a été marqué par l’arrivée de principaux leaders au siège du MLC, aux alentours de 11 heures locales. Drapeaux et fanfares étaient au rendez-vous. « Je suis Beni » était un des slogans repris sur des banderoles et scandés. Quelques drapeaux de l’UDPS d’Etienne Tshisekedi ont également flotté dans le lot.

Le cortège d’environ un millier d’individus au départ grossissait au fur et à mesure qu’il avançait sur le boulevard Triomphal. C’est le face à face police-manifestants devant la maison Schengen qui a donné un autre tournant à cette marche annoncée pacifique. Repoussés à coups de gaz lacrymogènes et des tirs d’armes, les manifestants se sont reconstitués au rond point de l’avenue des Huileries et ont poursuivi leur marche jusqu’au point de chute sur l’avenue de l’Enseignement. Là aussi, la police les a rejoints et dispersés à coups de gaz lacrymogènes.

L’itinéraire tracé, selon l’Hôtel de ville, reprenait le siège du MLC comme point de rassemblement, le boulevard Triomphal, l’avenue de la Démocratie (Huileries) et le terrain de football de l’avenue Wangata en face de l’hôpital général de Kinshasa. De là, une délégation devrait embarquer dans un bus pour déposer un mémorandum à l’immeuble du gouvernement.

Entre-temps, la capitale de la RDC a connu globalement une journée timide. Dans l’avant-midi, plusieurs écoles, boutiques et établissements privés étaient fermés.

Tension dans d’autres villes

A Kananga et Tshikapa, des escouades de la police déployées à travers les coins sensibles ont réussi à étouffer la marche interdite par les autorités urbaines. En dépit de la brutalité déplorée, les opposants ont réussi à déposer leur mémorandum à la Monsuco Kananga. Dans ce document, ils compatissent avec les compatriotes de Beni et rejettent le dernier arrêt de la Cour constitutionnelle. A Tshikapa, sept combattants de l’UDPS ont été interpellés et acheminés dans les locaux de l’ANR, selon la Dynamique.

A Goma, où le maire de la ville avait également interdit la manifestation, la tension était perceptible. Des témoins ont signalé des regroupements, des barricades, avant la dispersion. La police parle d’un accident qui a provoqué la mort d’un civil et dément avoir tiré à l’arme automatique. Selon le gouverneur Paluku, un policier en faction devant une coopérative financière aurait été agressé par un homme qui a cherché à s’emparer de son arme. L’homme a été tué.  Julien Paluku dément également la manifestation et parle des badauds qui avaient posé des pierres sur les voies et des affrontements ont commencé quand ce groupe a tenté d’avancer vers le centre-ville. Pourtant, l’Opposition parle des arrestations de ses combattants. Autre incident signalé à Butembo où la police était déployée très tôt sur les places pour empêcher les rassemblements. Selon la Société civile locale, un accident s’est produit dans un mouvement de panique, un véhicule civil a heurté un jeune homme à moto qui est décédé. A Beni, la ville était à l’arrêt. Les quelques tentatives de rassemblement ont été dispersées.

A Bunia, le regroupement a été dispersé sans incident.  A Kisangani, un important dispositif policier a été planté tôt le matin devant les domiciles de certains leaders locaux. Le rassemblement a été dispersé, en dépit du respect de l’itinéraire par les manifestants. A Bukavu, la manifestation autorisée s’est déroulée sous un encadrement policier.

 

A Mbandaka, dans l’Equateur, un rassemblement a été dispersé et plusieurs personnes brièvement interpellées. A Lubumbashi, la police a été déployée tôt pour empêcher toute tentative de rassemblement.