Nord-Kivu : suspect retour en force des rebelles ADF

Lundi 28 décembre 2015 - 11:21

Crédités de plusieurs attaques meurtrières dans la ville de Beni et sur l’ensemble du territoire du même nom entre septembre 2014 et mars 2015, avec à la clef plus de trois cents victimes, les rebelles ougandais de l’ADF semblaient pratiquement anéantis par les FARDC jusqu’en octobre dernier. Curieusement, depuis le mois de novembre, ils ont repris du poil de la bête, semant de nouveau la mort à tout vent.

Le retour en force de cette force négative parait fort suspect. Plusieurs organisations de la société civile du Nord-Kivu imaginent plusieurs hypothèses, notamment l’infiltration de l’ADF par d’anciens combattants du M23 en repli stratégique en Ouganda et au Rwanda, l’appui des troupes régulières des armées rwandaise et ougandaise à leurs activités de déstabilisation de l’Est du pays mais aussi des membres des forces négatives internes, sans oublier des complicités au sein des FARDC. Bref, les rebelles ougandais ne pouvaient pas tout seuls, relancer les hostilités contre les troupes congolaises, manifestement mieux équipées, motivées et déployées sur le terrain.

Réduits depuis le début de l’année 2015 aux opérations de guérilla, les éléments ADF se permettent de plus en plus des attaques directes contre les positions des FARDC qui ne cachent plus rien de leur volonté d’affrontement. Cela parait d’autant suspect qu’en même temps, de l’autre côté des frontières congolo-ougandaise et congolo-rwandaise, Kampala et Kigali ont cessé de se plaindre de la nocivité de leurs mouvements rebelles. Pourquoi ces forces négatives, accusées de tous temps de vouloir déstabiliser les régimes de Yoweri Museveni et de Paul Kagame, n’osent-elles presque jamais attaquer les militaires et villageois ougandais ou rwandais ? Qu’il s’agisse des combattants ADF ou FDLR, leurs cibles privilégiées restent les villageois et les soldats congolais.

Corrélation entre élections et insécurité ?

Ainsi qu’on le sait, 2016 va être une année hautement électorale en République Démocratique du Congo, avec une forte probabilité d’organisation d’élections jumelées « présidentielle et législatives nationales ». Ces scrutins sont si sensibles qu’ils donnent lieu, une année avant leur tenue, à un long bras de fer entre les forces politiques et sociales désireuses de conserver le pouvoir et celles qui tiennent à le conquérir. Dans un camp comme dans l’autre, l’on prétend militer pour des élections libres, démocratiques, transparentes et apaisées.

Mais lorsque l’on analyse les données du blocage du processus électoral, l’on note que les deux camps s’entre-accusent de ne pas vouloir aller aux élections. Curieusement, l’insécurité est en train de monter en force au Nord-Kivu, au Sud-Kivu et même en Ituri, à la veille de l’entrée du pays dans la fameuse année électorale. Avec des éléments ADF et FDLR qui semblent capables de frapper partout à l’Est et à tout moment, il serait impossible, le moment venu, de procéder à la moindre opération électorale (enrôlement des électeurs, déploiement des kits électoraux, formation d’agents électoraux, localisation des bureaux de vote), etc. Le décor en préparation est celui de sabotage des scrutins.

Plusieurs experts électoraux n’ont-ils pas signalé la disparition de plusieurs millions de cartes d’électeurs mises en circulation en 2011 par la CENI (Commission Electorale Nationale Indépendante) ?

S’il y a des décideurs ou des acteurs politiques, de la Majorité comme de l’Opposition, hostiles au renouvellement des mandats des élus de 2006 et 2011, ils trouveraient naturellement leur compte dans la situation d’insécurité à l’Est que viennent recréer les ADF et les FDLR. Mais à qui profiterait la non-tenue des scrutins présidentiel et législatifs nationaux ou leur renvoi à des dates anticonstitutionnelles ? La question reste posée. La réponse est à chercher dans les agendas de ceux qui se battent, sous des dehors de démocrates, pour la conservation ou la conquête du pouvoir. On note, avec regret, que c’est depuis 1994 que tout parait fait pour éradiquer l’insécurité en Ituri, au Nord-Kivu et au Sud-Kivu, sans que ces contrées du grand Congo et leurs populations civiles ne retrouvent une paix durable.

  Kimp