Prof André Mbata : La Constitution du 18 février 2006, « Nous, Peuple congolais » et le Président de la République Démocratique du Congo

Vendredi 22 février 2019 - 18:39
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Le lundi 18 février 2019 a marqué le 13e anniversaire de la Constitution de la République Démocratique du Congo (RDC) qui avait été adoptée par référendum du 18 au 19 décembre 2005 et promulguée par le Président de la République le 18 février 2006. A cette occasion, fidèle à une tradition instituée depuis le 10e anniversaire, l’Institut pour la Démocratie, la Gouvernance, la Paix et le Développement en Afrique (IDGPA) avait organisé une conférence sur le thème « Le Peuple et la Constitution ». Cette conférence qui avait eu lieu dans la Salle de Promotion de l’Université de Kinshasa (UNIKIN) avait été placée sous le patronage du Président de la République, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo. Compte tenu de son importance, votre Journal reprend ici un condensé de l’exposé du Professeur André Mbata Mangu, le directeur exécutif de l’IDGPA, qui était l’un des quatre intervenants lors de cette conférence.

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Pourquoi célébrer la Constitution ?
La Constitution est généralement comprise comme étant l’ensemble de règles et principes qui régissent l’organisation et le fonctionnement des pouvoirs de l’Etat et définissent les rapports entre l’Etat et les citoyens. Il s’agit de la loi fondamentale de l’Etat. Les autres lois tirent leur naissance de la Constitution et doivent s’y conformer sous peine de nullité.
L’on entend par contrôle de constitutionnalité celui qui est exercé pour vérifier si une règle ou un acte est ou non conforme à la Constitution en vue de sa validation ou de son invalidation. Ce contrôle peut être centralisé ou décentralisé. Il est centralisé dans la mesure où une seule institution a été établie avec pouvoir exclusif de juger de la constitutionnalité d’actes législatifs ou d’autres actes des gouvernants. Une telle institution est parfois politique, mais elle est le plus souvent judiciaire. Il est par contre diffus ou décentralisé lorsque plusieurs institutions sont compétentes. Cependant, le dernier mot en la matière revient à la Cour constitutionnelle ou suprême placée au sommet de toutes les autres juridictions.
Bien plus qu’un ensemble de règles et de principes, la Constitution traduit l’âme d’un peuple ou son esprit. C’est elle qui fonde l’Etat. Il n’y a pas d’Etat sans Constitution, qu’elle soit non écrite ou coutumière. La Constitution est sujette aux changements qui font qu’une constitution est rigide ou souple selon que ceux-ci sont soumis des conditions rigoureuses exorbitantes du droit commun ou aux mêmes conditions que les lois ordinaires.
La Constitution peut être l’œuvre du peuple ou de ses représentants, le constituant originaire ou dérivé. Le constituant dérivé ne peut jamais aller au-delà pour se donner les pouvoirs du constituant originaire auquel il est soumis.
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L’importance de la Constitution à la fois pour l’Etat, les pouvoirs publics et les individus est telle qu’elle ne saurait être banalisée par le peuple dans un Etat qui se veut de droit et démocratique même si les gouvernants dont elle limite les pouvoirs tendent à s’en écarter et les constitutionnalistes ne sont pas tenus en odeur de sainteté.
Après l’élection de l’opposant Felix Antoine Tshisekedi Tshilombo pour succéder à Joseph Kabila comme Président de la République, le 13e anniversaire de la Constitution méritait d’être célébré non seulement à cause de ce qu’elle est, mais aussi parce qu’elle intervient après que le régime ait échoué dans ses dernières tentatives tendant à la réviser afin d’obtenir un 3e mandat présidentiel pourtant interdit par l’article 220. Il coïncide avec l’alternance démocratique considérée comme l’une des préoccupations majeures ayant présidé à l’organisation des institutions.

La Constitution du 18 février 2006
Depuis son accession à l’indépendance en 1960, la RDC a connu une trentaine de textes constitutionnels dont quatre principaux.
Le premier texte constitutionnel d’envergure était la Loi fondamentale du 19 mai 1960 relative aux Structures du Congo-Belge qui établissait un régime parlementaire dans le cadre d’un Etat fédéral qui ne disait pas son nom. Proposée par le Gouvernement belge, adoptée par le Parlement belge, promulguée par le Roi des Belges et publiée dans le Moniteur belge, la Loi Fondamentale est considérée comme (ayant été) une loi belge sur le Congo.
Pas étonnant dès lors que le Premier Ministre Lumumba ait été nommé par Baudoin 1er, le Roi des Belges. Trois mois après, avec sa révocation inconstitutionnelle par le Président Joseph Kasavubu suivie du coup d’Etat du Colonel Joseph-Désiré Mobutu qui neutralisait les institutions et imposait un gouvernement provisoire, le Collège des Commissaires généraux, la Loi Fondamentale avait cessé de l’être.
Le second texte sera la Constitution du 1er août 1964 dite « Constitution de Luluabourg », une constitution élaborée par les Congolais eux-mêmes et qui devait remplacer la Loi Fondamentale. Cette Constitution était la première à être adoptée par référendum en RDC. Elle avait mis en place un régime présidentiel et un Etat semi-fédéral. Elle sera suspendue par le coup d’Etat du Général Mobutu du 24 novembre 1965.
Le troisième texte constitutionnel instituera un régime pluraliste en remplacement du régime militaire issu du coup d’état. La Constitution du 24 juin 1967 sera la seconde à être adoptée par référendum après celle de 1964. Sous cette Constitution, la RDC devenait un Etat unitaire et adoptait un régime présidentiel devant fonctionner avec au maximum deux partis politiques. Elle subira plusieurs modifications. Même si toutes ces modifications seront considérées comme étant des « révisions », celle du 14 août 1974 instituant le Mouvement Populaire de la Révolution (MPR) comme un « Parti-Etat » était si profonde qu’elle cessait d’être une simple révision pour devenir une Constitution nouvelle. Avec la fin des partis uniques des années 1990, le pays sera régi par des constitutions transitoires successives jusqu’en 2005.
La Constitution du 18 février 2006 est la troisième Constitution adoptée par référendum. Cette Constitution prévoit plusieurs institutions. Selon l’Exposé des Motifs, les préoccupations majeures ayant présidé à l’organisation sont :
Assurer le fonctionnement harmonieux des institutions de l’Etat;
Eviter les conflits ;
Instaurer un Etat de droit ;
Contrer toute tentative de dérive dictatoriale;
Garantir la bonne gouvernance ;
Lutter contre l’impunité ; et
Assurer l’alternance démocratique.
Après des décennies de partis uniques, le pluralisme politique est enfin reconnu (Articles 6 & 8). L’institution d’un parti unique est interdite et érigée en une infraction imprescriptible de haute trahison punie par la loi (Article 7). La parité homme-femme est garantie dans les institutions (Article 14). La Constitution du 18 février 2006 assure le plus grand respect des droits de l’homme et des peuples, y compris les droits civils et politiques, les droits économiques, sociaux et culturels, ainsi que les droits collectifs. Elle prescrit également des devoirs aux pouvoirs publics ou à l’Etat ainsi qu’aux Citoyens. (Titre II)
Les pouvoirs publics ont le devoir de promouvoir et d’assurer par l’enseignement, l’éducation et la diffusion, le respect des droits de l’homme, des libertés fondamentales et des devoirs du Citoyen énoncés dans la Constitution. Ils ont également le devoir d’assurer la diffusion et l’enseignement de la Constitution, de la Déclaration universelle des droits de l’homme, de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et de toutes les autres conventions relatives aux droits de l’homme et au droit international humanitaire dûment ratifiées. (Article 45)
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S’agissant des Citoyens, leur premier devoir est de respecter la Constitution et de se conformer aux lois de la République. (Article 62) Ils ont le droit et le devoir sacré de défendre le pays et son intégrité territoriale face à une menace ou une agression extérieure.(Article 63) L’article 64 fait obligation à tout Congolais de faire échec à tout individu ou groupe d’individus qui prend le pouvoir par la force ou qui l’exerce en violation des dispositions de cette Constitution tout en faisant du renversement du régime constitutionnel une infraction imprescriptible contre la nation et l’Etat.
Enfin, la Constitution du 18 février 2006 est la plus rigide que le pays ait connue. Si la plupart de ses dispositions peuvent être amendées, la forme républicaine de l’Etat, le principe du suffrage universel, la forme représentative du Gouvernent, le nombre et la durée des mandats présidentiels, l’indépendance du pouvoir judiciaire, le pluralisme politique et syndical ne peuvent faire l’objet d’aucune révision constitutionnelle. Est également formellement interdite toute révision constitutionnelle ayant pour objet ou pour effet de réduire les droits et libertés de la personne ou de réduire les prérogatives des provinces et des entités territoriales décentralisées. (Article 220)

Nous, Peuple Congolais et la Constitution
Proposée par le Sénat, adoptée par l’Assemblée nationale et promulguée par le Président de la République, la Constitution du 18 février 2006 est une constitution congolaise même si elle a bénéficié de la contribution de plusieurs experts étrangers, comme c’est le cas de plusieurs autres constitutions.
Le constituant originaire, c’est Nous, Peuple Congolais, mais de quel peuple s’agit-il et qu’a-t-il voulu à travers cette Constitution? Le Préambule répond. Il s’agit d’un peuple Uni par le destin et par l’histoire autour de nobles idéaux de liberté, de fraternité, de solidarité, de justice, de paix et de travail, ce qui exclut toute unité autour des antivaleurs comme la haine tribale ou ethnique, la discrimination, l’injustice, les conflits et la paresse. Le peuple congolais entendait combattre l’injustice et bâtir, au cœur de l’Afrique, un Etat de droit et une Nation puissante et prospère fondée sur une véritable démocratie politique, économique, sociale et culturelle.
L’injustice est considérée comme l’un de plus grands maux avec des corollaires comme l’impunité, le népotisme, le régionalisme, le tribalisme, le clanisme et le clientélisme qui sont à l’origine de l’inversion générale des valeurs et de la ruine dans notre pays. La justice est une valeur cardinale qui vient en premier lieu dans la devise du pays Justice- Paix-Travail. (Article 1) Le Peuple congolais est également un peuple animé par une volonté commune de bâtir - et non de détruire -, au cœur de l’Afrique, un Etat de droit et une nation puissante et prospère, fondée sur une véritable démocratie politique, économique, sociale et culturelle. (Préambule)
Avec la justice rime l’Etat de droit. La Constitution stipule que la RDC est un Etat de droit  et comme un Etat de droit peut être aussi un Etat autoritaire, celui voulu par notre peuple est un Etat de droit indépendant, souverain, uni et indivisible, social, démocratique et laïc. (Article 1)
Dans la Constitution, le peuple congolais exprime sa détermination à sauvegarder et à consolider l’indépendance et l’unité nationales dans le respect de nos diversités et de nos particularités positives – en évitant ainsi celles qui sont négatives-, son attachement aux instruments internationaux et régionaux de protection des droits de l’homme et des peuples, sa volonté de voir tous les Etats africains s’unir pour promouvoir et consolider l’unité africaine pour offrir de meilleures perspectives de développement et de progrès socio- économique aux Peuples d’Afrique , ainsi que son attachement à la promotion d’une coopération internationale mutuellement avantageuse et au rapprochement des peuples du monde. (Préambule)
La souveraineté nationale appartient au peuple. Tout pouvoir émane du peuple qui l’exerce directement par voie de référendum ou d’élections, et indirectement par ses représentants. Aucune fraction du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice. (Article 5) Toutes les institutions de la République et tous les services publics n’ont été établis que pour permettre le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple tel qu’inspiré par le président américain Abraham Lincoln dans son discours historique prononcé au cimetière militaire de Gettysburg le 19 novembre 1863.
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Le Président de la République, le Gouvernement, l’Assemblée nationale et le Senat qui constituent le Parlement, ainsi que les Cours et tribunaux et les différents services publics ont pour mission de servir le peuple. Notre peuple n’entendait pas établir un gouvernement du Président de la République, des parlementaires, un « gouvernement des juges » ou des partis politiques – particratie -, mais plutôt une démocratie, le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple.
La négociation et la ratification des traités et accords internationaux, la révision constitutionnelle ou son interdiction pour certaine matières se situent également dans la logique du gouvernement du peuple, par le peuple, pour le Peuple.

Le Président de la République, la Constitution et Nous, Peuple Congolais
Le Président de la République est la première institution de la République (Article 68). Il est le Chef de l’Etat. Il représente la nation et est le symbole de l’unité nationale. Il assure par son arbitrage le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des institutions ainsi que la continuité de l’Etat. La Cour constitutionnelle congolaise avait donc erré en s’attribuant le pouvoir de « régulateur des services publics » qui revient au Président de la République et non pas à la Cour constitutionnelle comme clairement stipulé dans la Constitution béninoise de 1990.
Le Président de la République est aussi le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire, et de la souveraineté nationale. (Article 69) A moins de vouloir trahir ou se rebeller contre le peuple souverain, les autres institutions et leurs animateurs doivent tenir compte du statut particulier du Président de la République.
La Constitution établit un régime de séparation des pouvoirs dans le cadre d’un régime mixte avec à la fois des traits du régime parlementaire et du régime présidentiel tout en demeurant fondamentalement parlementaire à cause de la responsabilité politique du gouvernement devant le parlement et la dissolution de celui-ci comme son corollaire que Maurice Duverger considérait comme l’élément fondamental du régime parlementaire.
Le Président de la République nomme le Premier ministre et les autres membres de son Gouvernement (Articles 78 et 90). Il participe à la définition de la politique de la nation qui est conduite par le Gouvernement (Article 91). Il communique avec l’Assemblée nationale et le Sénat qui sont les deux chambres du Parlement (Article 100). Il nomme et révoque les juges et les magistrats du parquet dans le respect de l’indépendance du pouvoir judiciaire. Il est le commandant suprême de la police nationale et des forces armées qui doivent être au service de la nation (Articles 83, 182 & 187). Il investit les Gouverneurs et Vice-Gouverneurs des Provinces. Dans certaines conditions, il peut dissoudre l’Assemblée nationale et les Assemblées provinciales. (Articles 148 & 198)
Agissant toujours au nom du peuple et dans son intérêt, il négocie et ratifie les traités et accords internationaux dont il garantit le respect. (Articles 69, 213) Il est cependant confiné dans un mandat (cinq ans renouvelable une fois) (Article 70) dont le nombre et la durée ne peuvent faire l’objet d’aucune révision constitutionnelle (Article 220). Il peut être mis en accusation, poursuivi, jugé, condamné et déchu par la Cour constitutionnelle pour cause de haute trahison lorsqu’il a violé intentionnellement la Constitution ou lorsqu’il a été reconnu auteur, coauteur ou complice de violations caractérisées des droits de l’ homme ou de la cession d’une partie du territoire national. (Articles 164-167)
Le Président de la République est soumis à des obligations envers la Constitution et envers le peuple. Ainsi, avant son entrée en fonction, le Président de la République prête serment devant la Cour constitutionnelle. Il jure solennellement devant Dieu et la nation d’observer et de défendre la Constitution et les lois de la République. (Article 74)
Représentant de la nation entière, le Président de la République ne saurait se comporter en chef de bandes ou de parti car il doit être au-dessus de tous pour servir le peuple souverain. C’est dans ce sens que les fonctions de Président de la République et de membre du Gouvernement sont incompatibles avec toute responsabilité au sein d’un parti politique. (Articles 96 & 97) Une telle incompatibilité aurait pu aussi être consacrée pour les Gouverneurs de Provinces et les membres des Gouvernements provinciaux, les mandataires publics, les ambassadeurs, et même pour les membres des bureaux des institutions telles que l’Assemblée nationale, le Sénat, les Assemblées provinciales et le Conseil économique et social.
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Sous la présidence de Félix Tshisekedi qui s’est engagé à aller plus loin que son prédécesseur Joseph Kabila dans la promotion de l’Etat de droit, le Président de la République devrait cesser d’être et de se comporter en « autorité morale » d’un parti ou d’un regroupement politique.
Invention du « génie politique » congolais assujetti à la politique du ventre, le concept d’autorité morale désigne un responsable politique qui œuvre dans une institution publique et cesse officiellement d’être responsable actif de son parti pour ne pas être déchu de son mandat. L’autorité morale est loin d’être un statut protocolaire car elle continue de diriger son parti. Il s’agit d’une fraude à la Constitution et même d’une violation constitutionnelle qui ne devrait plus être tolérée. On ne devrait plus jamais avoir un Président de la République, un Gouverneur ou Vice-Gouverneur de Province, un membre du gouvernement national ou provincial, un ambassadeur, un mandataire public ou un responsable de service public qui soit également une autorité morale ou un responsable d’un parti ou d’un regroupement politique.
La Loi sur le statut des anciens Présidents de la République élus devra être révisée pour avoir été malencontreusement étendue aux animateurs d’autres institutions comme les anciens Premiers ministres, les anciens Présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat ainsi que les anciens Premiers Présidents de la Cour constitutionnelle, du Conseil d’Etat et de la Cour de Cassation et les anciens Procureurs généraux près ces juridictions. Cette loi devrait également leur interdit d’être des « autorités morales » ou d’exercer des responsabilités au sein des partis ou regroupements politiques.
Le comportement actuel de l’ancien Président Kabila reconnu comme une « autorité morale » du Front Commun pour le Congo (FCC) constitue un sérieux rétropédalage au mépris de toute règle d’éthique politique requise par la Constitution. Un ancien Président élu devenu Sénateur à vie après avoir assumé pendant de longues années les fonctions de Chef de l’Etat ne devrait pas accepter de tomber si bas en devenant le chef d’un parti ou regroupement politique !
La Constitution prévoit par ailleurs :
Avant leur entrée en fonction et à l’expiration de celle-ci, le Président de la République et les Membres de Gouvernement sont tenus de déposer devant la Cour constitutionnelle, la déclaration écrite de leur patrimoine familial, énumérant leurs biens meubles, y compris actions, parts sociales, obligations, autres valeurs, comptes en banque, leurs biens immeubles, y compris terrains non bâtis, plantations et terres agricoles, mines et tous autres immeubles avec indication des titres pertinents. Le patrimoine familial inclut les biens du conjoint selon le régime matrimonial, des enfants mineurs et des enfants même majeurs, à charge du couple. Faute de cette déclaration, endéans les trente jours, la personne concernée est réputée démissionnaire. Dans les trente jours suivant la fin des fonctions, faute de cette déclaration, en cas de déclaration frauduleuse ou de soupçon d’enrichissement sans cause, la Cour constitutionnelle ou la Cour de cassation est saisie selon le cas. (Article 99)
L’obligation de déclaration écrite de patrimoine qui vise à promouvoir la bonne gouvernance et la lutte contre l’impunité devrait s’étendre aux parlementaires, aux juges et magistrats, aux Gouverneurs et aux membres des gouvernements provinciaux, ainsi qu’à tous les responsables des établissements et des services publics, avant leur entrée en fonction et à l’expiration de celle-ci.  La déclaration de patrimoine du Président de la République et des membres du Gouvernement, nouveaux et anciens, devrait être accessible au peuple congolais à travers sa publication au Journal Officiel et non pas seulement aux magistrats de la Cour constitutionnelle et à l’Administration fiscale !
Le Président Félix Tshisekedi ayant prêté serment et étant entré en fonction après la passation des pouvoirs avec Joseph Kabila le 24 janvier 2019 vers 15h, il devrait impérativement déposer une déclaration écrite de son patrimoine, de ceux de son conjoint, de leurs enfants mineurs et même majeurs à la charge du couple le samedi 23 février 2019 à 16h au plus tard. Il en est de même de l’ancien Président Joseph Kabila. 
L’occasion est ainsi offerte à Joseph Kabila de justifier tout le bien que ses partisans disent de lui et de prouver au peuple congolais qu’il est un homme qui respecte son serment, qu’il se sera conformé à la Constitution jusqu’au bout et que les milliards et les innombrables biens meubles et immeubles au pays et à l’étranger qu’on attribue à son épouse, à lui-même et à leurs enfants relèvent de la pure imagination de ses adversaires ou de ses ennemis.
Fini donc le suspens. Nous, Peuple Congolais devrions connaître dans la soirée de samedi 23 février 2019 non seulement la hauteur du patrimoine du nouveau Président de la République qui devrait être modeste, mais aussi la fortune acquise par l’ancien Président en comparant son patrimoine actuel à celui qu’il avait déclaré lors de sa réélection en 2011.
En ce qui concerne les anciens membres du gouvernement, ils ne sont nullement à l’abri étant donné qu’il n’y a pas prescription. Le temps écoulé ne couvre pas le crime. Ainsi, la Cour constitutionnelle ou la Cour de Cassation est compétente pour être saisie ou se saisir sans délais des cas des Premiers ministres Antoine Gizenga, Adolphe Muzito, Matata Ponyo, Samy Badibanga, Bruno Tshibala et des membres de leurs gouvernements respectifs qui n’auraient pas fait de déclaration écrite de patrimoine, auraient fait des déclarations frauduleuses ou qui seraient soupçonnés d’enrichissement sans cause à l’expiration de leurs fonctions !
Pour le Président Tshisekedi qui vient d’entrer en fonction et pour Joseph Kabila que l’on dit avoir finalement respecté la Constitution en renonçant à un troisième mandat, la déclaration écrite du patrimoine constitue un important test du respect de la Constitution et de loyauté envers le peuple congolais.
Le Président de la République est certes le Chef de l’Etat et le représentant de la Nation, mais son serment l’oblige aussi « de ne se laisser guider que par l’intérêt général et le respect des droits de la personne humaine, de consacrer toutes ses forces à la promotion du bien commun et de la paix » et « de remplir, loyalement et en fidèle serviteur du peuple » les fonctions qui lui sont confiées.
En conséquence, un Président de la République ne doit pas se laisser guider par son propre intérêt, ceux des membres de sa famille biologique, de ses courtisans, d’un parti ou d’un groupement politique, mais plutôt par le bien commun. La dernière phrase de son serment signale clairement que le Président de la République n’est pas ou ne devrait pas être un « roi », un « raïs » à aduler, mais plutôt un « fidèle serviteur du peuple ».
Le Président Tshisekedi qui a promis le changement à son peuple ne peut réussir son mandat qu’en s’entourant des personnes mues par le même idéal et non les mêmes personnes aux mœurs légères ou des caciques de l’ancien régime à la base du bilan désastreux de son prédécesseur Joseph Kabila qui avait toujours regretté de n’avoir pas eu ne fut-ce qu’une dizaine d’hommes et de femmes qui auraient pu l’aider à changer le Congo.
S’agissant de la nomination tant attendue du Premier Ministre qui devrait être issu de la majorité parlementaire (Article 78), il sied de noter qu’une telle majorité n’existe pas. Du reste, la majorité parlementaire ne se décrète pas dans un restaurant, un bar ou une ferme, mais elle se constate au Parlement au regard du nombre des sièges obtenus.
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Le FCC, LAMUKA ou CACH n’ont été que des plateformes électorales, sans personnalité juridique et inconnues du Parlement où les Députés et Sénateurs ne sont identifiés que selon leurs partis et regroupements politiques. Un communiqué ou un acte d’engagement que l’on ferait signer aux dirigeants de ces plateformes en dehors du Parlement ne suffirait pas à les transformer en majorité parlementaire surtout lorsque plusieurs signataires ne sont pas eux-mêmes des Députés nationaux ou des Sénateurs et que la Constitution stipule que « tout mandat impératif est nul ». (Articles 101 & 104)

Le plus grand parti, le Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD) ne compte que 42 sur 500 Députés nationaux. Comme c’était le cas avec le MNC/Lumumba en 1960 qui avait le plus grand nombre d’élus sans pourtant détenir la majorité au Parlement, le Président Tshisekedi n’a pas d’autre choix que de désigner comme informateur une personnalité à qui il confiera une mission d’information en vue d’identifier une coalition. Loin de nous contredire, le communiqué et l’Acte d’engagement signés par les ténors du FCC et qui se réfèrent à une « coalition » de gouvernement visée par l’article 78 de la Constitution constitue un aveu de l’inexistence de la majorité parlementaire dans le chef même des membres du FCC réunis autour de leur « Autorité morale » !
Aussi, selon la logique du régime parlementaire qui sous-tend l’architecture institutionnelle, le Premier Ministre devrait provenir de la majorité parlementaire, plus spécialement de la majorité à l’Assemblée nationale qui approuve son programme et investit le Gouvernement (Article 90) car il n’est pas possible qu’une personne qui n’est pas membre du Parlement puisse se réclamer de la majorité parlementaire. La nomination des Premiers Ministres Gizenga, Muzito, et Matata s’était ainsi faite en violation de la Constitution.
En l’absence d’une majorité parlementaire à l’Assemblée nationale, la nomination d’un Premier Ministre sans passer par la désignation d’un informateur comme l’exigent les partisans de l’ancien Président Kabila serait un mauvais signal de la part du Président Tshisekedi quelques semaines seulement sa prestation de serment.
Il est important que même s’ils constituaient une majorité parlementaire, celle-ci n’imposerait pas un Premier Ministre au Président de la République qui garde un pouvoir discrétionnaire. L’article 78 l’oblige à consulter. Il s’agit d’un avis obligatoire, mais non conforme. Il peut ainsi exiger une liste des personnalités parmi lesquelles une seule sera nommée Premier Ministre.

Constitution du 18 février 2006: Cap vers le futur
Toute Constitution est révisable même si toutes les matières constitutionnelles ne le sont pas. Au 13e anniversaire de la Constitution congolaise, il importe d’épingler certaines d’entre-elles qui peuvent prochainement faire l’objet d’une révision sans énerver le contenu des dispositions intangibles expresses (Article 220) ou implicites de la même Constitution.
De prime abord, le peuple congolais étant aussi dans la Diaspora, l’article 10 sur l’exclusivité de la nationalité devrait être amendé afin de reconnaître à chaque Congolaise et à chaque Congolais le droit d’acquérir une nationalité étrangère sans perdre sa nationalité congolaise d’origine.
D’autre part, la révision constitutionnelle du 20 janvier 2011 avait ramené l’élection présidentielle au suffrage universel de la majorité absolue à la majorité simple avec comme conséquence la suppression d’un second tour. (Article 71) Il en résulte que le Président de la République peut être élu avec 8 millions des voix alors que la population totale dépasse 80 millions, soit environ 10e de celle-ci. Quand on tient compte d’une participation électorale d’environ 40% lors des élections du 30 décembre 2018, le Président de la République aura été élu par moins de 5% de la population. La consolidation de l’Etat de droit démocratique requiert ainsi que le Président de la République soit élu à la majorité absolue qui laisse la voie à un second tour, ce qui passe par une révision constitutionnelle qui rétablirait l’article 71 dans son contenu d’avant la révision du 20 janvier 2011.

En outre, pour combattre la corruption à ciel ouvert qui s’observe au lendemain des élections présidentielles et législatives du 30 décembre 2018, les articles 104 et 198 pourraient être amendés pour que les Sénateurs, les Gouverneurs et Vice-Gouverneurs des Provinces soient prochainement élus directement au suffrage universel comme les Députés nationaux et provinciaux et non plus au second tour par les Assemblées provinciales.
Dans le souci de servir le peuple souverain, la RDC sous le Président Tshisekedi devra négocier et ratifier de nouveaux traités et accords internationaux, spécialement ceux qui concernent les droits de l’homme, la démocratie et les élections. En effet, il est inadmissible que des dirigeants d’une République qui se veut démocratique, qui professaient la bonne gouvernance et se disaient engagés pour le respect des droits de l’homme sous la présidence de Joseph Kabila se soient abstenus de ratifier des instruments importants comme la Charte africaine de la Démocratie, des Elections et de la Gouvernance et la Convention africaine pour prévenir et lutter contre la corruption. La RDC pourrait aussi adhérer au Mécanisme africain d’évaluation par les pairs (MAP) mis en place dans le cadre du Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique (NEPAD).
Un important instrument à ratifier parmi tant d’autres est le Protocole relatif à la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples. Avec la ratification d’un tel instrument et le dépôt de la déclaration prévue à son article 34 (6) pour permettre aux individus et aux organisations non-gouvernementales de saisir directement la Cour en cas de violation des droits par l’Etat congolais, on éviterait le ridicule aux politiciens et aux avocats congolais comme ceux qui ont fait honte du pays en annonçant leur décision de saisir la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples ( afin d’obtenir la « vérité des urnes » !) alors même que la RDC n’a pas ratifié le Protocole ni déposé une telle déclaration.
Enfin, avec une seule révision constitutionnelle pendant ses 13 ans d’existence, la Constitution du 18 février 2006 a déjà eu le mérite d’exister plus longtemps que toutes les constitutions congolaises antérieures et ce, malgré les menaces de tout genre émanant des tambourinaires du pouvoir présidentiel. Bien plus, de par son contenu, la protection des droits, les devoirs de l’Etat, la séparation des pouvoirs, et les mécanismes de sa protection, cette Constitution est la plus importante dans l’histoire politique du pays en dépit de la pratique qui en a parfois été faite. Elle est faite pour durer même si certaines retouches s’avèrent nécessaires.
Expression de la volonté et âme du peuple congolais qui l’avait adoptée par référendum, elle doit être respectée et défendue par toutes et par tous. « Le Peuple d’abord », slogan de campagne d’Etienne Tshisekedi qui va l’accompagne tout au long de son mandat est un appel à la vigilance citoyenne et au contrôle citoyen permanent et en même temps une interpellation du Président Félix Tshisekedi afin qu’il se comporte en loyal et « fidèle serviteur du peuple » en toutes circonstances de lieu et de temps, selon les termes du serment qu’il a prêté solennellement « devant Dieu et la Nation ».