Quel avenir pour les partis politiques du Congo-Kinshasa?

Mardi 27 janvier 2015 - 09:15

Lorsque les partis politiques nous avaient été enseignés à l’université, le seul modèle que nous connaissions à l’époque au Zaïre était celui de parti unique, caractérisé par la pensée et les idées de son Président fondateur (PF pour les intimes), lequel dirigeait et le parti et le pays en excluant, de son vivant, toute possibilité de compétition ou d’alternance.

Depuis l’avènement du multipartisme, des centaines d’autres partis ont vu le jour, dirigés par d’autres fondateurs, qui n’envisagent nullement d’être remplacés malgré des statuts organisant, sur papier, les modalités de succession à leur tête.

Parmi les partis politiques créés dans la décennie 90, certains ont même déjà disparu du paysage politique sans que leurs fondateurs aient eu le temps et la capacité de jauger leur poids électoral, ni de rendre compte à leurs membres.

D’autres ont plus d’une fois changé de dénomination sous la direction des mêmes individus, au gré de l’opportunité du moment, tandis que pour des raisons de positionnement et d’absence d’idéal et d’idéologie, bon nombre d’entre eux se sont disloqués en plusieurs ailes opposées les unes contre les autres tout en se réclamant parfois et curieusement d’un même ancêtre politique (ex. les partis lumumbistes) ou en se retrouvant dans une plateforme dirigée par une même « autorité morale ».

Plusieurs de ces partis politiques existent depuis plus de quinze ans, sinon plus, sans être capables de s’implanter au-delà de la ville de Kinshasa ou des terroirs d’origine de leurs fondateurs, toujours les mêmes.

D’où, notre curiosité de savoir si les partis politiques congolais sont de véritables institutions capables de survivre à leurs fondateurs ou ce ne sont que des organisations opportunistes, invisibles sur terrain mais seulement actives en période électorale.
Nous avons choisi d’analyser le contenu de l’article 2 de la loi sur les partis politiques, pour tenter de faire un lien entre le fonctionnement des partis, la démocratie et la bonne gouvernance.
L’essence d’un parti politique

Machinalement, tout le monde sait dire que le but de tout parti politique est de conquérir et d’exercer le pouvoir. C’est ce qui ressort d’ailleurs des termes de l’article 2 de la Loi no04/002 du 15 mars 2004 portant organisation et fonctionnement des partis politiques, qui dispose:

« Aux termes de la présente loi, il faut entendre par parti politique une association des personnes physiques de nationalité congolaise qui partagent la même idéologie et le même projet de société, en vue de conquérir et d’exercer démocratiquement et pacifiquement le pouvoir d’État.

Les partis politiques concourent à l’expression du suffrage, à la formation de la conscience nationale et à l’éducation civique. »

L’analyse de cette disposition et sa confrontation aux réalités de notre pays suffisent à démontrer que la plupart de nos partis politiques n’existent que de noms.

Parti politique : une association des personnes physiques

Même si au départ l’idée à la base de sa création peut provenir d’une seule personne, ce qui est tout à fait normal, un parti politique est avant tout une association de plusieurs personnes, partageant un idéal commun et mettant ensemble leurs moyens matériels, financiers et intellectuels pour y parvenir. Tenant compte de la nécessité de l’équilibre provincial et de la diversité ethnique, le législateur a voulu que dans la composition de son équipe dirigeante, chaque parti reflète le caractère national :
Article 5 a) :

« Dans leurs création, organisation et fonctionnement, les partis politiques veillent :

a) à leur caractère national et ne peuvent ni s’identifier à une famille, à un clan, à une tribu, à une ethnie, à une province, à un sous-ensemble du pays, à une race, à une religion, à une langue, à un sexe ou à une quelconque origine, ni instituer toutes discriminations fondées sur les éléments ci-dessus; »

C’est ainsi qu’une fois enregistré, le parti politique cesse d’être présenté comme l’affaire de son fondateur tant en ce qui concerne son idéologie, son projet de société, son fonctionnement que ses stratégies pour la conquête et l’exercice du pouvoir. A ce titre, il n’est ni une propriété familiale de son chef, fondateur soit-il, ni des membres originaires de son clan ou de son ethnie ni encore moins de son principal pourvoyeur financier.

Au Congo-Kinshasa, nous observons que l’association des personnes dont il est question dans la disposition sous analyse n’est souvent qu’une formalité servant à obtenir l’enregistrement au ministère de l’Intérieur.
Sur terrain et dans les faits, outre que plusieurs partis politiques ne sont visibles que dans les médias de coupage ou en période électorale, seule la personne du fondateur principal est connue et, comme conséquence dans bien de cas, c’est l’unique candidat ou l’unique élu de son parti et aussi le seul à s’exprimer au nom de celui-ci même s’il existe un porte-parole statutairement désigné.

Cet état de choses est, dans la plupart des cas, la conséquence du fait que c’est le fondateur principal qui sait ce qu’il cherche, qui recourt à la compagnie d’autres personnes juste pour la forme et qui dispose seul des moyens matériels et financiers pour atteindre son objectif : le positionnement personnel pour satisfaire ses besoins financiers et non la conquête et l’exercice du pouvoir d’Etat.

Idéologie et projet de société du parti

A l’instar des entreprises qui œuvrent dans la production des richesses (biens et services), les partis politiques se distinguent les uns des autres par leurs idéologies et par leurs projets de société, ce qui permet de situer les uns à droite ou à l’extrême droite et les autres à gauche ou à l’extrême gauche, au centre ou dans l’écologie.

Au Congo-Kinshasa, même les plus experts des politologues ne sauraient classifier avec certitude les partis politiques selon les modèles universellement connus et enseignés. Non seulement que l’idéologie n’a jamais été à l’ordre du jour lors de la création du parti mais elle n’est même pas dans les préoccupations des fondateurs, de leurs cadres et surtout pas de la masse militante. Pour preuve, il suffit de consulter les cartels des partis politiques ou d’observer les meetings des campagnes électorales pour s’en convaincre :

-Cartels des partis politiques

A la différence des pays où la démocratie est une réalité vivante et où généralement la bipolarité se construit en termes des partis de gauche et de ceux de droite, au Congo-Kinshasa c’est autour des individus, actuellement appelés « autorités morales », que se regroupent les partis politiques.

Ainsi, il y en a qui se créent ou qui adhèrent à la majorité présidentielle avec pour seul objectif annoncé, de soutenir le Chef de l’État.

A l’occasion des concertations nationales(7 septembre-5 octobre 2013), on a même entendu parler des regroupements du genre « Dynamique des partis politiques extraparlementaires de la Majorité présidentielle (DPE/MP) et de la Dynamique des partis politiques extraparlementaires de tendance kabiliste (DPE/TK), issue du démembrement de la première.

Ces exemples ne sont pas exclusifs au camp du pouvoir. Ils sont aussi légion à l’opposition où, pour mieux se positionner au regard des grands enjeux, plusieurs partis politiques, aux idéologies inconnues, se regroupent opportunément autour des personnalités tels qu’Etienne Tshisekedi, Vital Kamhere, Kengo wa Dondo…appelées aussi « autorités morales ».

A titre illustratif, nous pouvons citer la Majorité présidentielle populaire(MPP), la Dynamique Tshisekedi Président(DTP), l’UDPS et alliés, les Forces acquises au changement(FAC), Soutien à Etienne Tshisekedi(SET), l’UNC et alliés de Vital Kamhere, Opposition républicaine(OR) de Léon Kengo wa Dondo, l’Opposition politique extraparlementaire.

Ce qui peut paraître troublant et atypique pour tout chercheur en science ou en sociologie politiques, c’est que d’une part, autour d’une même autorité morale il se crée plusieurs plateformes antagonistes les unes envers les autres et, d’autre part, certaines de ces alliances sont idéologiquement contre nature en ceci qu’historiquement rien ne permet de les rapprocher.

C’est ainsi par exemple que dans le camp du pouvoir(MP), on retrouve côte-à-côte les lumumbistes et les anciens caciques du MPR, leurs anciens ennemis intimes, les fédéralistes (cas de l’Unafec) et les unitaristes, les socialistes et les démocrates, les chrétiens et les islamistes, les satanistes et les païens.

Dieu seul sait s’ils arrivent vraiment à harmoniser leurs vues afin de dégager une idéologie conciliatrice et/ou un programme de gouvernance, à défaut d’un projet de société commun, reflétant leur diversité si ce n’est la recherche de positionnement pour arracher les postes et se faire une santé financière. Qui, dans ce cas, peut affirmer que ces partis politiques sont indistinctement créés pour la conquête et l’exercice du pouvoir d’État tel que le dit législateur à l’article sous analyse?

-Thèmes et stratégies de conquête du pouvoir d’État : Depuis que se tiennent les élections « pluralistes », les thèmes de campagnes pour la conquête du pouvoir sont invariablement creux dans la bouche des propagandistes de la majorité des opérateurs politiques congolais, toutes tendances confondues.

L’absence, dans presque tous les partis politiques, d’une idéologie clairement définie pouvant servir de socle à l’élaboration d’un projet de société est une des causes principales.

En lieu et place, ce sont des promesses démagogiques ciblées, la jeunesse d’un candidat, son aura social ou son appartenance à une famille d’anciens dignitaires, sa réussite économique, son long combat dans l’opposition ou sa capacité à mettre un terme à la guerre de l’Est (cette guerre qui n’en finit pas) qui sont distillés avec le concours de la musique, de la bière ou de quelques cadeaux attirants pour courtiser les électeurs désabusés et naïfs.

N’étant pour la plupart implantés que dans certains quartiers de Kinshasa et dans les fiefs ethniques ou tribaux de quelques membres du directoire national, beaucoup de partis politiques congolais, dits alimentaires, mènent une campagne géographiquement réduite à l’espace ethnique ou tribal de quelques membres du directoire.

Faute d’avoir implanté le parti partout afin de lui donner son caractère national, de présenter des candidats dans toutes les circonscriptions ou tout au moins dans tous les chefs-lieux des provinces, districts et territoires, plusieurs acteurs politiques ont imaginé l’astuce fertile et payante consistant à créer des plateformes ponctuelles et opportunistes.

Celles-ci regroupent quelques dizaines de partis politiques leur permettant de faire croire, moyennant des tapages médiatiques(déclarations et points de presse radiodiffusés et télévisés), à la limite du chantage, qu’ils ont une base, qu’ils sont populaires et qu’ignorer leur existence serait un luxe que ne peut se permettre toute autorité morale soucieuse de compter sur un électorat démographiquement non négligeable.

En réalité, ces individus n’ont pas le poids sociologique qu’ils prétendent avoir ou que leur attribue la presse de coupage. Rien d’étonnant si au parlement plusieurs ténors de la scène politique congolaise sont les seuls élus de leur parti ou de leur plateforme.

Parti politique et formation de la conscience nationale et de l’éducation civique

Dans un pays comme le nôtre, où bon nombre d’électeurs sont analphabètes ou incultes, les partis politiques devraient s’intéresser en priorité à l’éducation citoyenne et à la formation de la conscience nationale, sans lesquelles les élections, mêmes libres et transparentes, seraient toujours biaisées.

Après plus de trente ans de parti unique, de distraction, de lavage des cerveaux et surtout de chants et de danses à la gloire du Guide, le peuple mérite mieux de la part des nouveaux leaders.

Non seulement qu’il y a déficit même de leadership mais ceux, nouveaux venus et convertis ou reconvertis de la scène politique, semblent n’avoir rien de consistant à proposer au peuple.

Sans idéologie ni projets de société alternatifs, ils se trouvent majoritairement confinés dans la capitale nationale, n’ayant pour activité principale que créer des plateformes ou adhérer du jour au lendemain à d’autres pour mieux se positionner, attendant les échéances électorales et comptant sur l’ignorance et la naïveté de la population pour aller la tromper de nouveau.

Alors que la grande majorité de la population vit sans électricité ou ne possède ni radio ni télévision, nos politiciens, toutes tendances confondues, passent leur temps à multiplier des déclarations et points de presse s’adressant à « la communauté tant nationale qu’internationale » pour vanter la croissance économique, sans impact social tangible(camp du pouvoir), à exiger le dialogue avec leurs adversaires pour la gestion consensuelle du pouvoir au lieu de se préparer pour une alternance démocratique au sein d’une opposition soudée et déterminée.

Combien sont-ils, les politiciens du pouvoir comme de l’opposition, qui se soucient d’informer régulièrement leurs électeurs sur les dangers permanents de balkanisation de la République à partir de l’Est, sur ses droits de choisir ses dirigeants et de les sanctionner par les urnes en tant que souverain primaire, d’entretenir le peuple sur les véritables enjeux de la guerre dont est victime le pays de la part de ses voisins et de leurs commanditaires occidentaux depuis 1996?

Il en est de même de nombreux thèmes ayant trait notamment au découpage territorial, à la décentralisation, aux droits de la veuve et des orphelins dans la succession, qui sont à la base de nombreux conflits, à l’identification des nationaux, etc.

S’agissant de l’identification des nationaux, à moins de deux ans des prochaines élections, toute la classe politique paraît s’accommoder de l’absence de cartes d’identité, interdites depuis 1997 par ce que le président Laurent-Désiré Kabila avait qualifié de « Conglomérat d’aventuriers » dénommé AFDL.

Conséquence, les cartes d’électeurs délivrées à ceux, Congolais et étrangers infiltrés, qui s’étaient fait enrôler pour les élections générales de 2006, sont les seules en circulation et continuent d’être utilisées comme cartes d’identité, même par les ministres, les sénateurs, les députés et les gouverneurs de province.

Ne sont-ils donc pas Congolais, ces dizaines de millions de compatriotes non enrôlés à l’époque ou ces millions d’autres qui continuent de naître chaque jour? En quoi consistent alors les rapports entre les leaders politiques et le peuple et de quelle manière les partis politiques concourent-ils à l’expression du suffrage et contribuent à l’évolution de la démocratie?

Fracture entre la classe politique et le peuple

En démocratie, les partis politiques et leurs leaders ont besoin de la confiance du peuple pour conquérir, exercer et conserver pouvoir. C’est l’adhésion massive de la population dans les partis politiques ou sa confiance en ses leaders qui font la force de ces derniers lors des élections et qui leur permettent de réaliser sans beaucoup d’obstacles leurs projets de société ou leurs programmes de gouvernance.
Tel ne semble pas être le cas au Congo/Kinshasa où les partis politiques ne servent qu’à positionner leurs leaders qui, au mépris de leurs bases, passent allègrement d’une plateforme à une autre de la même manière que les joueurs de football sont transférés d’une équipe à une autre pour jouer contre leurs équipes d’origine, pourvu qu’ils y trouvent leur compte et tant pis pour leurs anciens supporters.

C’est à ce jeu que nous ont habitués les politiciens depuis 1990, confirmant la conception populaire que se fait le commun des mortels, selon laquelle « la politique est l’art de mentir ».

De l’Union sacrée de l’opposition radicale(Usoral), on a vu certains rejoindre les Forces politiques du Conclave(FPC) puis s’exiler à l’arrivée de l’AFDL et s’éparpiller dans d’autres mouvements rebelles d’obédience rwandaise ou ougandaise, eux-mêmes transformés plus tard en partis politiques tantôt de l’opposition, tantôt de la majorité au pouvoir.

L’histoire de ces 25 dernières années est pleine d’exemples qui démontrent qu’aucune formation politique n’est épargnée par ce jeu de transfert, qui a vu les directoires de certains partis se vider presqu’entièrement de leurs premiers fondateurs et se recomposer avec de nouveaux venus, eux aussi à la recherche du positionnement.

Ce qui vient de se passer au MLC est révélateur de l’ambigüité des discours des leaders politiques, qui désorientent complètement leurs partisans.

L’entrée au gouvernement de quelques cadres de ce parti d’« opposition » confirme ce qui est dit ci-dessus au sujet de l’absence d’idéal, de vision et d’idéologie de la part de nos politiciens en même temps qu’est incompréhensible le règlement de cette crise interne par Jean-Pierre Bemba lui-même qui, de sa cellule à la CPI, est incapable de déléguer la gestion de son parti à ses collaborateurs demeurés sur terrain.

Cette situation nous pousse à nous interroger sur l’avenir des partis politiques congolais en dehors de leurs chefs charismatiques.

La survie des partis politiques au-delà de leurs chefs charismatiques

Si l’on se limite à lire leurs statuts et leurs règlements d’ordre intérieur, tous les partis politiques congolais sont crées pour durer dans le temps, avec des structures apparemment solides et des modalités de règlement pacifique et démocratique des conflits et des crises.

Sur terrain cependant, ces statuts et règlements d’ordre intérieur n’existent que pour la forme, les partis politiques étant en réalité gérés comme des patrimoines familiaux, dont l’héritage peut être administré par la seule personne désignée unilatéralement par le chef, revendiqué par ses héritiers biologiques ou carrément disparaître à sa mort.

A la lumière de l’analyse ci-dessous sur les réalités congolaises, presque tous les partis politiques sont susceptibles de connaître ce sort. A titre illustratif, nous avons choisi un échantillonnage de quatre « grands » partis que sont : le Palu, l’Udps, le Pprd et le Mlc.

Le Parti lumumbiste unifié(PALU)

De tous les partis politiques opérant au Congo/Kinshasa, le parti lumumbiste unifié (PALU) est le plus vieux, ses partisans ne cessent d’ailleurs de le clamer et d’en être fiers sans se poser beaucoup de questions sur son avenir en cas de disparition de son fondateur, Antoine Gizenga.

Créé en 1964, le Palu est dirigé depuis 60 ans par lui seul, qui se fait appeler « Patriarche ». Loin d’être un avantage, cette longévité à la tête du parti dont il n’est plus en réalité que véritable « autorité morale » constitue un danger lorsqu’il ne sera plus de ce monde.

En effet, pour bon nombre de ses partisans, pour la plupart ceux de son terroir, A. Gizenga est tout un mythe. Or, un mythe ne se remplace pas facilement et connaissant la gestion familiale de nos partis politiques, ses proches ne voudront pas que sa succession soit dévolue en dehors du cadre biologique, ce qui pourra entraîner le parti à l’éclatement.

Ce tableau s’était déjà présenté lorsque Mme Thérèse Pakasa s’était crue en droit de prendre la relève du patriarche, elle qui avait bravé la dictature mobutienne et subi toutes sortes d’humiliations pour implanter le parti pendant le long exil de son secrétaire fondateur.

« Pour elle, l'ancien Premier ministre, ployant sous le poids de l'âge, n'a plus les capacités physiques d'animer le parti: «Maintenant, il (Gizenga) dit qu'il est fatigué physiquement. Ce n'est que normal que je prenne les choses en main. Il ne peut pas forcer la nature ».

Elle appuie sa rhétorique en prenant pour preuve sa démission de la Primature pour raisons de santé et d'âge. Mais, que répond Thérèse Pakasa à la frange des membres du Palu, qui pensent que la succession ne devrait pas se passer ainsi ?

Sur un ton goguenard, elle rétorque : « Non, ces gens-là, il faut savoir qu'ils n'ont jamais lutté sur le terrain. Ils ont eu le gâteau sur un plateau. » (Source : Congonet radio, 16/7/2014, Gizenga : Coup d’État au Palu? http://congonetradio.blogspot.ca/2009/07/gizenga-coup-detat-au-palu.html

L’Union pour la démocratie et le progrès social(UDPS)

Quoi qu’on en dise, c’est le parti qui a fait le plus parler de lui au pays et à l’extérieur à cause notamment des conditions exceptionnelles de sa création, au plus fort temps du MPR, sans oublier la qualité de ses fondateurs (en majorité des parlementaires) ainsi que de leur idéal qui consistait à instaurer le bipartisme pour une alternance démocratique.

Malgré d’innombrables crises nées de la gestion des ambitions internes de ses dirigeants, ce parti est presque le seul de l’opposition qui est resté constant dans son idéal et dans son combat.

Après le départ, un après l’autre, de presque tous ses fondateurs originaires, l’UPDS ne donne pas l’impression d’envisager l’alternance interne pour laquelle elle se bat pourtant au niveau national.

Comme au Palu, E. Tshisekedi est un véritable mythe, appelé d’ailleurs «Sphinx de Limete » ou encore « Leader Maximo ». C’est malheureusement son incontestable charisme qui risque d’être à la base de l’éclatement du parti, du fait que lui-même ne donne pas l’impression de se trouver un dauphin aussi rassembleur et accepté par tous, dans l’intérêt du parti.

D’aucuns se souviennent de la dissidence née de son long séjour médical à l’étranger, qui avait vu une bonne partie de ses cadres organiser un congrès sous la direction de Beltchika (2009), dont les résolutions furent annulées par Tshisekedi lui-même avant d’organiser le tout premier véritable congrès du parti dès son retour au pays.

Depuis quelques mois, l’UDPS vit la même ambiance avec une autre crise majeure dont l’origine, largement médiatisée grâce à l’internet, est le fait pour certains de ses cadres d’avoir « de bonne foi » osé prendre en compte l’âge et l’état de santé du Sphinx pour proposer(sacrilège!) la désignation de son éventuel dauphin.

Pour cela il s’est créé deux camps antagonistes, se réclamant tous du même leader mais se diabolisant sans tenir compte des services rendus par les uns ni des sacrifices consentis par les autres. A l’allure où vont les choses, il est fort à craindre que l’UDPS disparaisse un jour avec son leader.

Le Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie(PPRD)

Ce à quoi beaucoup de gens ne font pas du tout attention, c’est que lorsque le PPRD fut créé en 2002, il n’était pas question de conquérir le pouvoir mais de donner à son initiateur, qui y était déjà, un instrument politique de gestion et surtout de conservation de ce pouvoir. Dans le contexte multipartiste qui existait déjà, c’aurait été une erreur pour lui de gouverner sans soubassement politique ou sans assises populaires.

On ne fait pas non plus attention à ce qu’en lieu et place d’un idéal à poursuivre, beaucoup de « politiciens » congolais préférèrent se mettre aux côtés du plus fort du moment plutôt que de perdre leur temps dans une opposition infructueuse et appauvrissante pour une hypothétique conquête du pouvoir. Depuis 2001, cet homme s’appelle Joseph Kabila.

En ratissant large pour donner au nouveau né politique l’image d’un parti s’étendant à grande vitesse aux quatre coins du territoire national, comme pour rattraper et dépasser ceux qui l’avaient déjà précédé sur terrain, le PPRD avait renfermé en lui les germes de sa destruction future.

En effet, comme la lourde et ardue tâche de conquête de pouvoir n’était pas à l’ordre du jour lors de sa création, la plupart des 200 fondateurs du parti s’étaient précipités à signer l’Acte constitutif avec pour principal objectif d’en tirer les avantages personnels : le partage du gâteau.

Il suffit de consulter la liste, disponible sur la toile, pour se rendre compte qu’à l’instar de l’AFDL de triste mémoire, le PPRD est un ramassis d’anciens de tous les « grands » partis de l’époque : Mpr, Udps, Uferi, Udi, Palu, Pdsc, Dcf..., en tout cas des gens qu’idéologiquement rien ne disposait à se mettre ensemble, sauf le pouvoir pour le pouvoir.

Parti au pouvoir, le PPRD est donc plus exposé que les autres à la gestion des ambitions internes, pas faciles à satisfaire d’autant plus qu’il faut tenir compte de nombreux autres partenaires de la majorité présidentielle et qui constituent des forces centrifuges.

Qu’adviendrait-il alors de ce parti si un jour Joseph Kabila n’est plus au pouvoir, lui que chacun a suivi personnellement pour ses intérêts, qu’on a à juste titre appelé « Autorité morale » et qui impose chaque fois cette autorité pour étouffer dans l’œuf tous les risques de dérapage?

Le Mouvement de libération du Congo(MLC)

Dans sa composition comme dans son objectif de départ, ce parti ressemble à une immeuble bâti sur du sable par des architectes disposant chacun de son plan et voué à s’effondrer dans un avenir pas lointain.

Créé en majorité par des mobutistes exilés et humiliés par une rébellion parrainée par le Rwanda, ce mouvement a bénéficié à son tour du parrainage ougandais pour chercher à reconquérir par les armes les privilèges perdus.

Une fois à Kinshasa et grâce au dialogue inter-congolais qui a mis sur pied le régime 1+4, la gestion des ambitions personnelles a conduit la plupart des premiers fondateurs, se voulant tous des stars politiques, à reprendre leur liberté pour fonder leurs propres partis ou carrément à emprunter les raccourcis que sont le PPRD et la Majorité présidentielle(tout chemin mène à Rome).

L’entrée au gouvernement dit de « Cohésion nationale» par trois autres hauts dirigeants du MLC ne peut surprendre que ceux qui pensent qu’au Congo/Kinshasa les politiciens se battent et crient fort pour autre chose que leur positionnement personnel.

Ce qui est plutôt à plaindre c’est cette tendance qu’ont tous les chefs des partis de diriger ceux-ci en maîtres absolus et de les considérer comme des éléments de leurs patrimoines domestiques. Malgré sa très longue détention à la CPI, c’est JP.

Bemba seul qui continue de diriger le parti et d’y régler toutes les querelles entre ses collaborateurs. Que deviendrait alors ce parti dans l’hypothèse, non souhaitée, où le Chairman serait condamné pour les faits dont il est poursuivi?

Conclusion

Soixante quatre ans après l’accession du Congo/Kinshasa à la souveraineté internationale, sa classe politique présente toujours l’image d’un enfant souffrant des troubles de croissance et à côté de qui il faut la présence permanente d’un adulte qui doit veiller à ce qu’aucune étape de son évolution ne soit escamotée.

C’est une classe politique déconnectée des aspirations profonde de la population et dont le parcours est caractérisé par d’éternels essais et erreurs, qui ramènent chaque fois le pays à la case de départ : les concertations, les dialogues, les transitions et les gouvernements d’union ou de cohésion nationale.

Les partis politiques, au lieu d’être des laboratoires d’idées, d’apprentissage démocratique, de formation de la conscience nationale et d’éducation civique, sont plutôt des cercles de promotion des ambitions personnelles où les plus malins, grâce à la maîtrise de l’art du vagabondage et de chantage, croient qu’ils sont les plus méritants.

Comme conséquences, beaucoup de compatriotes réellement méritants sont dégoûtés de la politique tandis que se creuse davantage le fossé entre les gouvernants et les gouvernés, le peuple étant convaincu que politique et mensonge riment ensemble.

Ce qui reste, c’est une véritable révolution des mentalités à tous les niveaux et un renouvellement radical de toute la classe politique. L’élite politique actuelle n’y étant pas arrivée et ayant ainsi montré ses limites et surtout son égoïsme, c’est au peuple lui-même d’opérer ces changements en enfantant en son sein une nouvelle génération d’hommes politiques. Si non, le pays court vers sa perdition.