Traque des FDLR : à quoi joue donc la Monusco ?

Jeudi 12 février 2015 - 07:57

A interroger le déroulé de la traque des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), il y a bien de quoi perdre son latin ou son swahili. Voici une opération qui était réclamée à cor et à cri par la Communauté internationale représentée par la Mission de l’ONU pour la stabilisation en République Démocratique du Congo (Monusco) mais qui démarre sur fond d’atermoiements, à première vue, inexplicables de la même mission onusienne.

Deux semaines après le déclenchement par les FARDC de cette traque, le 29 janvier dernier, des rebelles hutu rwandais, la Monusco se fait prier pour accompagner l’opération. Pis, elle multiplie des conditions pour agir. Et au cœur de la conditionnalité onusienne, la demande de la mise à l’écart de deux généraux congolais qui aux yeux de la Monusco seraient très peu recommandables.
Il n’en fallait donc pas plus pour que des observateurs avertis s’attèlent à relever ce qui apparait au mieux comme une grosse contradiction dans la dialectique onusienne et au pire comme une démission. D’abord à Kinshasa où on se demande bien depuis quand les deux généraux ont été ostracisés.

LE CAS « GENERAL SIKABWE » RESSEMBLE FORT A UN PRETEXTE POUR L’INACTION
Pour ne prendre que le cas du général Fall Sikabwe, qui a dirigé conjointement avec les forces de la Monusco l’opération qui a abouti à la liquidation du fameux Morgan en Ituri. A partir de quel moment est-il est devenu infréquentable d’autant moins qu’il n’existe dans aucun prétoire militaire du pays un dossier estampillé Général Fall Sikabwe. Le même qui a effectué plusieurs opérations réussies avec la même Monusco.
Il sied de s’interroger pour savoir comment on peut tout d’un coup demander au Gouvernement congolais d’écarter ce général contre lequel il n’y a aucun dossier judiciaire. Plus encore lorsqu’une source allègue que la Monusco détiendrait un rapport coupe-gorge contre lui. Mais ces griefs général n’ont pas été communiqués au Gouvernement congolais pour permettre à l’incriminé de présenter ses moyens de défense. Comment imposer à un Gouvernement un rapport dont il n’a pas été préalablement saisi ?
Si la Monusco avait agi dans ce sens, les choses se seraient présentées autrement. Et même alors, le Général Fall Sikabwe jouirait toujours de la présomption d’innocence aussi longtemps qu’il n’aura pas été jugé, il y a même en la matière une jurisprudence, Christine Lagarde, directrice du Fonds monétaire international. Elle a été mise en examen dans son pays la France pour des faits qui remontent à l’époque où elle était ministre des Finances. Mais cette mise en examen par la justice de son pays ne l’empêche pas de continuer à œuvrer comme patronne du FMI.
Ce n’est pas tout. Lorsqu’à cette hypothèque " généraux infréquentables " s’ajoutent les hésitations sur le front des contributeurs des troupes. Ici, après le déclenchement de l’opération contre les FDLR, les deux principaux pays contributeurs de troupes de la Brigade d’intervention de la Monusco, notamment l’Afrique du Sud et la Tanzanie (1000 hommes chacun) rechignent jusque là à s’engager dans la traque des FDLR. Pourtant ce sont eux qui étaient au devant des opérations contre le M23 qui ont abouti à sa neutralisation.
On sait que la Tanzanie est en froid avec le pouvoir rwandais depuis que le Président Jakaya Kikwete avait proposé l’option d’un dialogue entre Kigali et les FDLR. En ce qui concerne l’Afrique du Sud, les relations avec le Rwanda se sont détériorées à la suite de l’assassinat par des espions rwandais du colonel Patrick Karegeya, l’ancien directeur des services des renseignements extérieurs. Il y a aussi l’ affaire des tentatives d’assassinat du Général Kayumba Nyamwasa, ancien chef d’Etat-major de l’armée rwandaise réfugié en Afrique du Sud. On comprend dès lors que ces deux pays ne soient pas particulièrement motivés pour mener ces opérations de traques contre les FDLR.
Face à cette donne, des sources concordantes renseignent que la Monusco allait notamment remplacer les pays qui hésiteraient à engager leurs troupes. Une source diplomatique à Kinshasa affirme que le pays sur lequel la Monusco avait jeté son dévolu était l’Egypte, puissance africaine s’il en faut.
Mais curieusement, pendant que les yeux étaient rivés vers le Caire, l’on apprend que parmi les pays affectés par la réduction de leurs effectifs, il y aurait l’Egypte. Tout ceci pour dire que quelque part tout se passe comme si les instances onusiennes n’avaient pas envie de traquer les FDLR ou alors elles ne veulent pas s’en donner les moyens. Comme couvrir cette insuffisance, la RDC est curieusement présentée comme obstacle à cette opération.

UNE PRESENCE IMPOSEE PAR L’ONU EN 1994
Au fond il y a 20 ans que la genèse de cette affaire FDLR sentait déjà l’arnaque à mille lieux. Il y a deux décennies, la République du Zaïre d’alors recevait moult pressions pour accueillir plus d’un million de réfugiés rwandais. L’actuel président du Sénat Léon Kengo wa Dondo alors Premier ministre et l’actuel ministre du Tourisme, Elvis Mutiri wa Bashala, à l’époque chargé des réfugiés, savent quelles pressions le pays avait subies de la part du Conseil de sécurité des Nations unies pour les contraindre à l’entrée massive et sans contrôle des réfugiés rwandais.
Les missi dominici des Nations unies face aux hésitations somme toute légitimes du Gouvernement zaïrois à l’époque, étaient allés jusqu’à Cap Martin en France pour rencontrer un Mobutu déjà grabataire.
Conséquence, le maréchal autorisa cette entrée massive et le monde entier verra sur le petit écran l’entrée des millions des Rwandais dans les Kivu. Goma qui comptait à peine 150 000 habitants à l’époque dû recevoir 1.200 000 personnes. Bukavu qui était moins peuplé que Goma enregistrera près de 800.000 réfugiés. C’était le début de la catastrophe.
Voilà qu’aujourd’hui la Communauté internationale se comporte comme si la question FDLR avait été créée par la RDC et donc Kinshasa serait seul responsable de ce dossier. Alors que c’est bel et bien le Conseil de sécurité de l’ONU qui avait fait pression sur Kinshasa pour faire entrer ces millions des réfugiés dont des pans entiers de l’armée du régime déchu entrée avec armes et bagages.
Aujourd’hui, la RDC a donc le droit, et est en droit d’attendre de la même Communauté internationale son implication entière dans la traque des FDLR. En tout cas dans le départ de tous les groupes armés étrangers de son sol. Car ce n’est pas une situation voulue, mais subie à la suite des pressions de l’Onu. Didier KEBONGO