Malgré les violences qui ont embrasé la capitale congolaise en janvier 2015, la MP et l’Opposition continuent à se regarder en chiens de faïence et les chances d’un vrai Dialogue semblent déjà s’éloigner.
12 mois viennent de s’écouler, jour pour jour, après les manifestations de rue qui avaient embrasé la ville province de Kinshasa et qui s’étaient poursuivies pendant trois jours en guise d’opposition des Congolais au vote de du projet de loi électorale qui voulait conditionner la tenue des élections à l’organisation d’un recensement général de la population.
Ces émeutes avaient ébranlé le pouvoir, au point d’obliger ce dernier à surseoir à cette conditionnalité qui de l’avis de nombreux Congolais, visait à justifier un glissement du règne de Joseph Kabila dont le second et dernier mandat expire constitutionnellement en novembre 2016.
Un an après ces émeutes, l’alternance démocratique tant réclamée par les Congolais est loin d’être acquise. Car, après avoir échoué dans la tentative de modifier de cette manière la loi électorale, le pouvoir finissant ne cesse de multiplier les manœuvres dilatoires, dans le seul but de pérenniser le règne de l’actuel Chef d’Etat.
La nouvelle stratégie de la MP pour conserver le pouvoir par tous les moyens consisterait, cette fois-ci, à priver la commission électorale nationale indépendante (CENI) des moyens logistiques et financiers dont elle a besoin pour organiser les scrutins. Une stratégie que l’Opposition congolaise, toujours déterminée à faire respecter la Constitution, ne se lasse pas de dénoncer.
Avec le dévolu jeté par le régime de Kinshasa sur le Togolais Edem Kodjo comme facilitateur du Dialogue finalement accepté par la Majorité au pouvoir, il faut craindre que ce forum finisse par perdre toute crédibilité vis-à-vis de l’Opposition congolaise qui redoute que ceci soit aussi une manœuvre dilatoire de la MP pour justifier un glissement du second et dernier mandat de Joseph Kabila.
Dans ce climat d’incertitude aggravée par le départ massif des partis du G7 qui a fragilisé la Majorité au pouvoir, le risque d’implosion.
Retour sur les journées folles de janvier 2015
Les organisations de la société civile de défense et de promotion des droits de l’homme dont Human Right Watch (HRW) et la Fédération Internationale des Ligues des droits de l’homme (FIDH) avaient documenté plusieurs cas dans lesquels des civils ont été tués par balles par les forces de sécurité du gouvernement congolais lors ‘ des manifestations violentes qui ont secoué Kinshasa, les 19, 20 et 21 janvier. D.ans son rapport, HRW a fait état de 36 tués.
Devoir de mémoire oblige, une manifestation, pour se souvenir de ces compatriotes est prévue ce mardi à Kinshasa.
Cette répression sanglante des opposants à la loi Boshab a été aussi marquée par des arrestations arbitraires à Kinshasa et en provinces.
Parmi les victimes de ces arrestations arbitraires figurent entre autres Jean Claude Muyambo, président national de SCODE et son secrétaire général, Cyrille Dowe. Ce dernier est accusé d’atteinte à la sureté de l’État pour avoir photographié les forces de sécurité pendant les émeutes.
Au nombre des arrêtés figure aussi Christopher Ngoy Mutamba, activiste des droits humains qui avait été impliqué dans la mobilisation de la population pour qu’elle participe aux manifestations. Agé de 50 ans, Christopher Ngoy Mutamba est toujours en détent4on à la prison centrale de Makala où il attend e jugement.
A Goma, les autorités ont arrêté une trentaine de personnes dont plusieurs dirigeants en vue de l’opposition, lors des manifestations le 19 janvier. Douze d’entre elles ont été remises en liberté provisoire le 21 janvier, mais trois aitres ont été transférées devant un tribunal pour enfants.
Il s’agit entre autres de Rubens Mikindo, président fédéral de l’UDPS/Goma et les membres du mouvement citoyen Lutte pour le Changement (Lucha).
Selon HRW, les autorités congolaises ont eu recours à une force illégale et excessive pour réprimer les manifestations qui avaient eu lieu à travers le pays le 19 janvier 2015.
A Kinshasa et en provinces, les manifestants protestaient contre le projet visant à modifier la loi électorale. Car pour de nombreux Congolais, ce projet de loi visait à permettre au président Joseph. Kabila de rester en fonction au-delà de la limite de deux mandats consécutifs que lui impose la Constitution.
Dans un communiqué publié une semaine après cette répression sanglante, Human Rights Watch confirmait que 36 personnes, dont un agent de police ont été tuées lors des manifestations à Kinshasa.
A en - croire l’Ongdh américaine, au moins 21 de ces victimes ont été tuées par balles par les forces de sécurité congolaises. En outre, le 22 janvier, au moins quatre personnes ont été tuées lors de manifestations dans la ville de Goma, chef lieu de la province du Nord Kivu.
Les forces de sécurité congolaises ont tiré sur des foules de manifestants avec des conséquences mortelles “, a déclaré Ida Sawyer, chercheuse senior sur a RD Congo à Human Rights Watch. Les citoyens devraient pouvoir exprimer leur point de vue et manifester pacifiquement sans craindre d’être tués ou arrêtés », déclarait Ida de HRW.
Nœud de la contestation
Le 17 janvier, l’Assemblée nationale a adopté un, projet de loi modifiant et complétant la loi électorale. Ce projet de loi conditionnerait l’organisation des prochaines élections à un recensement national, mesure qui serait susceptible de retarder considérablement les élections présidentielle et législative prévues pour 2016.
Le 23 janvier, après une semaine de protestations dans les rues, le Sénat a adopté une version amendée de ce projet de loi, établissant clairement que la tenue d’élections ne serait pas conditionnée à la réalisation d’un recensement et que le calendrier électoral fixé par la constitution serait respecté. S’il est ratifié et prend force de loi, cet amendement répondra à une des principales préoccupations des manifestants.
Des manifestations ont eu lieu dans de nombreuses villes du pays, y compris Kinshasa, Bukavu, Bunia, Goma, Lubumbashi, Mbandaka et Uvira.
À Kinshasa, les manifestations ont eu lieu les 19, 20 et 21 janvier aux alentours du Palais du Peuple, siège du parlement, et de l’Université de Kinshasa, ainsi que dans les communes de Bandalungwa, Kalamu, Kasa-vubu, Kimbanseke, Lemba, Limete, Makala, Masina, Matete, Ndjili et Ngaba.
De nombreuses manifestations ont dégénéré en violences après que des membres de la Police nationale congolaise et de la Garde républicaine, le service de sécurité de la présidence, eurent tiré sur la foule des cartouches de gaz lacrymogène et des balles réelles, note HRW.
Dans certains cas, les manifestants ont lancé des pierres sur les forces de sécurité et ont pillé et incendié des boutiques et des bureaux occupés par des personnes considérées comme des partisans du gouvernement.
Human Rights Watch a documenté plusieurs cas dans lesquels la police ou les militaires de la Garde républicaine ont emporté les cadavres des personnes tuées, dans une apparente tentative de supprimer les preuves de tueries. Les forces de la Garde républicaine ont également tiré sans distinction dans un hôpital, blessant gravement trois personnes, note HRW.
Les dirigeants de l’opposition avaient appelé leurs partisans à se mobiliser à partir du 19 janvier contre les propositions de révision de la loi électorale.
Ils les ont exhortés à ne pas se rendre à leur travail ou envoyer leurs enfants à l’école, mais plutôt à descendre dans les rues pour « sauver la nation en danger » et à appeler Joseph Kabila à quitter la présidence à la fin de son mandat, en 2016.
Internet et sms coupés
Dans la soirée précédant le début des manifestations, les autorités gouvernementales ont séquestré des dirigeants de l’opposition aux sièges de leurs partis à Kinshasa. Plusieurs leaders de l’opposition ont été arrêtés à Goma et à Kinshasa au cours des jours suivants. Tôt dans la matinée du 20 janvier, les autorités ont interrompu toutes les communications par Internet et par message texto à Kinshasa et dans d’autres régions de la RD Congo. Elles ont été partiellement rétablies le 22 janvier.
Plusieurs dirigeants de l’Opposition ont affirmé à HRW que leurs numéros de téléphone avaient été mis hors service
Le chef de la police nationale congolaise, le général Charles Bisengimana, a déclaré le 23 janvier à Human Rights Watch que 12 personnes, dont au moins un agent de police, avaient été tuées lors des manifestations à Kinshasa en début de semaine. Il a affirmé que la police avait ouvert une enquête sur les circonstances exactes de ces décès.
Les victimes oubliées
Un mois après ces événements, une fosse commune contenant les corps de plus de 400 personnes a été découverte à Maluku.
Des habitants de cette zone, des leaders de l’opposition, la mission de maintien de la paix des Nations Unies en RD Congo (MONUSCO) et des organisations de défense des droits humains, dont Human Rights Watch, avaient exprimé leurs inquiétudes au sujet de cette inhumation massive effectuée dans la nuit du 19 mars à la lisière du cimetière de Fula-Fula à Maluku, et à laquelle des forces de sécurité gouvernementales auraient participé.
HRW n’exclut pas que les corps enterrés dans cette fosse commune soient les cadavres des victimes de répressions sanglantes des manifestations du 19, 20 et 21 janvier 2015.
Par GKM