Un rapport du ministère du Budget coïncide avec le discours choc de Minaku : Comment Matata détourne l’argent

Mercredi 16 septembre 2015 - 10:28

Quand le speaker de l’Assemblée nationale évoque une évaluation du gouvernement, l’annexe explicative des dépenses par institution et ministère l’atteste: la Primature a fait des dépassements de plus de 200% à fin juin 2014. Elle a dépensé plus que nul autre. Pendant la même période, d’autres institutions et ministères stratégiques ont reçu des miettes sur leurs propres crédits: moins de 30% pour la Défense nationale, environ 15% pour l’Intérieur et Sécurité, moins de 15% pour le Plan, moins de 10% pour l’Industrie.

Des députés nationaux épinglent le Premier ministre pour avoir consommé plus d’argent que prévu pour la Primature à fin juin 2014. Alors que le budget voté par elle pour l’exercice 2014 s’arrêtait à CDF 27,8 milliards, la Primature a bousillé CDF 29,3 milliards à fin juin 2014. Un dépassement de plus de 200% avant même la fin de l’exercice. «C’est un détournement. Rien d’autre», concluent les députés dont les affirmations sont vérifiables et consultables dans le document n°5 du rapport du ministère du Budget sur l’exécution de la Loi de finances 2014, notamment l’annexe explicative des dépenses par institution et ministère.

Les députés tiennent cette nouvelle faute du Premier ministre pour un casus belli.
Alors que pareil dépassement n’a jamais reçu l’aval de l’autorité budgétaire -l’Assemblée nationale-, les élus se demandent à quoi ont servi les CDF 1,5 milliard de surplus, dans quelle rubrique ou le budget de quelle institution la Primature les a défalqués et d’où sont venus les fonds ayant servi au fonctionnement du Cabinet du Premier ministre pendant le second semestre 2014, d’autant plus que la Primature avait épuisé sa part de budget bien avant la fin de l’exercice. Sous le sceau de l’anonymat, un député PPRD estime que cette dénonciation contribuera certainement à éveiller les consciences des gestionnaires et l’opinion, désorientées par certaines formules financières, saura comment la gestion du pays par le Premier ministre laisse à désirer à certains égards. L’élu s’est même amusé à comparer l’exécution des crédits budgétaires en faveur d’autres institutions et ministères. Il est arrivé à la conclusion selon laquelle la Primature a dépensé plus que nul autre. En effet, pendant la même période, d’autres institutions de l’Etat sont restées dans la fourchette prévue. Cas de la Présidence de la République: CDF 63,1 milliards reçus à fin juin 2014 sur des allocations totales de CDF 98,4 milliards. Exemple de l’Assemblée nationale: CDF 101,7 milliards exécutés à fin juin 2014 sur CDF 168,5 milliards votés pour toute l’année. Même tendance côté Sénat avec CDF 25,7 milliards reçus à fin juin 2014 sur un total de CDF 51,7 milliards. Les miettes, c’est pour le reste. A commencer par le Pouvoir judiciaire, moins bien traité avec seulement CDF 28,7 milliards décaissés en sa faveur à fin juin 2014 sur un budget annuel de CDF 126 milliards, soit moins de 25%. «Dans ces conditions, comment s‘attendre à un bon fonctionnement de nos juridictions d’ordre judiciaire et des meilleures performances de la part de nos magistrats?», s’inquiète pour sa part un élu UDPS.

TVA: énorme gâchis
Mêmes des ministères réputés stratégiques ont vécu la même situation que le Pouvoir judiciaire.
Le tableau synthèse des crédits budgétaires par administration renseigne, par exemple que le ministère des Affaires étrangères s’est contenté de CDF 13,9 milliards à fin juin 2014 sur un total annuel de CDF 40,1 milliards. Les diplomates en ont pour leurs grades. Avec eux, le personnel du ministère de la Défense nationale : CDF 123,5 milliards sur CDF 426,6 milliards votés pour l’ensemble de l’exercice 2014. Le tableau n’est pas non plus reluisant pour le ministère de l’intérieur et Sécurité: CDF 24,4 milliards exécutés en sa faveur fin juin 2014 sur une dotation annuelle de CDF 116,7 milliards, soit moins de 15%. Quand le Plan n’a reçu que CDF 7 milliards contre CDF 46 milliards prévus pour toute l’année, soit moins de 20%, l’Industrie CDF 1,6 milliard sur un total annuel voté de CDF 37,7 milliards, soit moins de 10%. Quiconque s’intéresse à cet exercice, peut plonger dans les chiffres et se faire une idée de la portion que Matata Ponyo a réservée à chacun de ses ministres, pourtant appelés à être jugés, chacun, selon ses performances. Pendant ce temps, des sources crédibles rapportent que le Premier ministre a suggéré aux responsables de réduire le train de vie des institutions en 2016 quand la Primature a pris l’habitude de faire des dépassements grossiers et de consommer au-delà du budget lui alloué. Drôle de charité. Etrange manière de concevoir la bonne gouvernance. Clair que cet habit du chef du gouvernement l’expose sous le feu des critiques. Un autre dossier toxique suscite des remous. Il concerne le niveau des recettes publiques en baisse constante. Le pays est passé du doublement des recettes sous Antoine Gizenga et Adolphe Muzito à un régime de stagnation voire de régression, affirment des financiers, précisant que les budgets votés depuis 2012 ne sont exécutés qu’à 50%. Coïncidence: le speaker de l’Assemblée nationale Aubin Minaku a presque corroboré ces affirmations mardi 15 septembre à l’ouverture de la session budgétaire: la TVA collectée par la DGI est entièrement utilisée pour rembourser la TVA payée à la DGDA à l’entrée du territoire national. Le gâchis est énorme d’autant plus que la TVA était censée multiplier par trois les recettes générées par l’ancienne ICA. Un autre expert raille la croissance dont sa vante Matata, assurant qu’elle est exclusivement minière et exportée. Comme lui, d’autres argentiers défenseurs de cette thèse ne s’expliquent pas comment jadis le pays réalisait des recettes de près d’USD 800 millions rien qu’avec la production annuelle de 450.000 tonnes de cuivre de la GECAMINES mais ne parvient guère aujourd’hui à atteindre USD 200 millions alors que la production de cuivre frôle la crête d’un million de tonnes. Conséquence: le budget de l’Etat pour l’exercice 2016 sera le même que le budget 2015 ! Matata mange-t-il déjà son pain noir? Les applaudissements qui ont sanctionné le discours du speaker Minaku mardi en disent long sur le danger que représente désormais la reddition des comptes pour le Premier ministre, visiblement étrillé en direct.

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Par Achille KADIMA MULAMBA

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