Reforme de la Cour Constitutionnelle : Pourquoi pas la société civile ! par Engunda IKALA

Mercredi 11 décembre 2019 - 08:20
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CONTEXTE

La démocratie ne consiste pas seulement à élire les dirigeants, elle implique l’application d’autres principes notamment le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales ainsi que l’indépendance de la justice. Concernant ce dernier point, d’ailleurs garantie par la Constitution en son article 149, son application permet de mesurer la place du droit et de la justice dans la société, le degré de démocratisation du système politique et le niveau atteint dans la construction de l’État de droit. L’absence de l’indépendance de la justice met en danger le respect des droits humains, des libertés fondamentales, la sécurité, la démocratie, et de façon générale l’Etat de droit. En RDC, les droits humains et les libertés fondamentales sont garantis par la Constitution dont la Cour constitutionnelle est la gardienne. Cependant, au regard de ces pratiques récentes ayant mis à mal son indépendance, il devient impérieux de prendre des dispositions pour renforcer l’indépendance de cette Cour et ainsi rétablir la confiance entre le citoyen et le pouvoir judiciaire.

PRINCIPE

Selon l’article 158 de la Constitution, la Cour constitutionnelle comprend neuf membres nommés par le président de la République, dont trois sur sa propre initiative, trois désignés par le Parlement réuni en Congrès et trois désignés par le Conseil supérieur de la magistrature.

PROBLEMATIQUE

Le principe fondamental qui permet de conclure à l’indépendance de la justice est celui de la séparation des pouvoirs entre les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. A cet effet, la Constitution note clairement en son article 149 que le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif. L’application de ce principe empêche qu’une seule personne ou un groupe de personnes concentre entre ses mains tous les pouvoirs de l’État et interdit toute intervention des pouvoirs législatif et exécutif auprès du pouvoir judiciaire contribuant fortement à l’indépendance de la Justice. 

Cependant, les dispositions de l’article 158 sus évoqué ne sont pas de nature à favoriser cette indépendance de la justice et sont de ce fait en désaccord avec le principe de séparation des pouvoirs. 

En effet, le fait que le Président de la République qui fait partie du pouvoir exécutif ait le droit de désigner trois juges de la Cour Constitutionnelle et le Parlement d’en désigner trois autres, constitue une intervention incontestable en amont des autres pouvoirs sur le pouvoir judiciaire. Les juges désignés par une personne ou un groupe de personnes restent, dans la situation de notre pays et dans l’imaginaire collectif, redevables envers cette personne ou ce groupe de personne. Cela est corroboré dans l’opinion nationale par certains des arrêts de la Cour Constitutionnelle rendus ces dernières années.

Il vous souviendra l’arrêt confirmant le report de l’élection présidentielle de 2016 par la Cour Constitutionnelle. Décision prise sans que soit atteint le quorum exigé par l’article 90 de la Loi n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle. Dans une actualité plus récente, il vous souviendra également la révision sur le fond de certains arrêts ayant trait au résultat d’élection législative pour cause « d’erreur matériel ». Pourtant, la rectification d’erreur matérielle, qui ne tend qu’à réparer les erreurs ou omissions matérielles (erreur sur le nom, erreur d’orthographe, erreur d’adresse) qui affectent un jugement ne peut pas aboutir à une modification des droits et obligations reconnus aux parties dans la décision déférée. 
Au regard de ces faits, nul ne peut croire, en ce jour, à l’indépendance de la Cour Constitutionnelle. Il est donc indiqué de trouver une solution visant à mettre fin à l’ingérence en amont du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif sur le pouvoir judiciaire. Il faut reformer la Cour Constitutionnelle comme le recommande la société civile et l’Union Européenne. 

RECOMMANDATION 

La solution envisagée, pour ma part, serait de réviser la Constitution afin de priver le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif du droit de désignation des juges de la Cour Constitutionnelle et de transférer ce droit à la société civile, à savoir l’Ordre National des avocats et les facultés de droit des universités publiques. Les avocats dans un cas et les professeurs ordinaires dans l’autre constitueront le corps électoral chargé de désigner, par élection, les membres de la Cour Constitutionnelle. Cette disposition devrait contribuer au renforcement, ne serait-ce qu’apparent, de l’indépendance de la Cour Constitutionnelle vis-à-vis du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif. 

Voici la proposition de révision de l’article 158 de la Constitution : 

Article 158 
La Cour constitutionnelle comprend neuf membres nommés par le président de la République qui sont désignés de la manière suivante :
trois par l’Ordre National des Avocats par élection de ses membres avocats ;
trois par les facultés de droit des universités publiques par élection de ses membres professeurs ;
trois par le Conseil supérieur de la magistrature par l’élection des membres
Le mandat des membres de la Cour constitutionnelle, de neuf ans, est non renouvelable.
La Cour constitutionnelle est renouvelée par tiers tous les trois ans. Toutefois, lors de chaque renouvellement, il sera procédé au tirage au sort d’un membre par groupe.
Le président de la Cour constitutionnelle est élu par ses pairs pour une durée de trois ans renouvelable une seule fois

DECISION 

Selon l’article 218 de la Constitution, « l’initiative de la révision constitutionnelle appartient concurremment au Président de la République, au Gouvernement après délibération en Conseil des ministres, à chacune des Chambres du Parlement à l’initiative de la moitié de ses membres, à une fraction du peuple congolais, en l’occurrence 100.000 personnes, s’exprimant par une pétition adressée à l’une des deux Chambres ». Ainsi, en tant que citoyen nous pouvons agir sous forme de pétition pour proposer cette révision au Parlement ou le Président de la République peut, à son niveau, nous épargner cela en proposant lui-même cette révision. A NOUS D’AGIR !