RDC : La problématique de la compétence de la Cour Constitutionnelle en matière de déchéance d'un député pour cause de dissidence (Tribune de Me Mukendi)

Lundi 18 mai 2020 - 18:08
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La Cour constitutionnelle est-elle investie de prononcer la déchéance d’un député pour cause de non-reconnaissance de la légitimité de l’autorité ou de l’organe dirigeant du parti ou du regroupement politique dont il est membre et qui avait porté sa candidature à une échéance électorale?. Le cas considéré ne relève-t-il pas du juge administratif et ne tient-il pas au préalable de forme et de procédure?. Les lignes qui suivent rencontreront ces préoccupations.
  
En effet, la déchéance dont question est une sanction pour non-respect des conditions requises pour l’exercice d’un droit, en occurrence le mandat parlementaire. Cette sanction est prévue à l’article 110 de la constitution.

D’ores et déjà, il faille dissiper le malentendu selon lequel toute sanction prévue par la loi fondamentale serait du ressort de la cour constitutionnelle, en ce compris celle qui touche au mandat électif. Cette thèse est intenable et non-vérifiable, car les compétences juridictionnelles sont toujours d’attribution et organisées par la constitution ainsi que par les lois de la République. 

A cet effet, l’article 110 sus évoqué ne désigne pas l’autorité habilitée à prononcer la déchéance d’un député qui venait de quitter le parti ou le regroupement politique. D’ailleurs, en énumérant les dispositions constitutionnelles qui siègent les compétences de la cour constitutionnelle, l’article 42 de la Loi-organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la cour constitutionnelle ne fait pas allusion à cette disposition. Cela est apodictique étant donné que la dissidence n’est pas un élément d’appréciation de la régularité ou de la sincérité d’une élection encore moins un acte soumis au contrôle de constitutionnalité, matières dévolues au juge constitutionnelle.

En outre, il convient de distinguer la notion de déchéance pour dissidence ou démission au sein d’un parti ou d’un regroupement politique de la déchéance prononcée en cours de législature. En vertu de sa compétence en matière électorale, la Cour constitutionnelle peut déchoir un député pour toute cause d’inéligibilité non-constatée lors des contentieux des candidatures ou de résultats. Par ailleurs, le fait qu’un député ait quitté le parti ou le regroupement politique par démission volontaire ou par adhésion à une autre formation politique peut être une source de conflit entre le membre concerné et les dirigeants du parti ou du regroupement politique en cause. Naturellement, ce conflit consiste en la revendication des droits et avantages que le membre démissionnaire tenait grâce à son appartenance à la formation politique. Tel est le cas d’un député démissionnaire qui s’obstine de renoncer à son siège alors que légalement ce dernier appartient à la formation politique auteur de la liste électorale.

En tant que tel, ce conflit est dévolu au Tribunal de Grande Instance du lieu de résidence de membres intéressé ou du siège de parti en cause, conformément aux dispositions de l’article 32 de la Loi n° 04/002 du 15 mars 2004 portant organisation et fonctionnement des partis politiques.

Il sied de signaler tout de suite qu’au point de vu prétorien, cette attribution était reconnue à la Cour suprême de justice, section administrative, suivant les dispositions de la Loi n° 001/2001 du 17 mai 2001 portant organisation et fonctionnement des partis et regroupements, abrogée. Semblablement, bien que votée sous le régime de non-éclatement des ordres judiciaires, la loi de 2004 ci-haut évoquée ne méconnait pas cette compétence administrative.

Après l’éclatement des ordres judiciaires, les juridictions de l’ordre administratif ont repris leur autonomie vis-à-vis des juridictions de l’ordre judiciaire ainsi que vis-à-vis de la Cour constitutionnelle à tel point que seules les juridictions administratives sont censées trancher les contentieux dévolus à l’ancienne section administrative de la Cour suprême de justice.
Cependant, pour ce qui est du litige opposant les dirigeants des partis et regroupements politiques à leurs membres, la Loi organique n° 16/027 du 15 octobre 2016 portant organisation, compétence et fonctionnement des juridictions de l’ordre administratif, ne détermine pas expressément la juridiction administrative devant y statuer.

C’est de l’interprétation de son article 104 de cette loi organique qu’on réalise que cette compétence a été attribuée au Tribunal administratif, juge pouvant prononcer la déchéance d’un député pour cause de démission de son parti ou de son regroupement politique.
Par contre, la situation de la démission volontaire diffère totalement de la revendication de la direction d’un parti ou d’un regroupement politique, appelée communément la paternité d’un parti ou d’un regroupement politique.

Dans la pratique, réunis au sein d’un organe statutaire, les membres d’un parti politique peuvent réitérer ou retirer la confiance en leurs dirigeants. Dans le second cas, souvent les dirigeants déchus ne s’avouent pas vaincus. Il y nait un conflit interne, les uns taxant les autres des dissidents et vice-versa. Cette question de fait ne peut fonder le juge, constitutionnel soit-il, à prononcer la déchéance d’un député qui venait à appartenir à un camp qui s’estime avoir régulièrement usé de son autonomie de volonté.

Il faut pour ce faire, que le juge administratif en l’espèce le Tribunal administratif, siégeant sur base de l’article 112 de la loi de 2016 précédemment évoquée, se prononce préalablement à propos de la désignation des dirigeants protagonistes. Ces sont les membres qui resteront loyaux au camp succombant qui devraient être regardés comme des dissidents et, le cas échéant être déchus. Ne pas procéder de la sorte serait une violation de la volonté des membres coulée dans les statuts leur parti ou regroupement politique, par conséquant la violation de la loi. 

Me MUKENDI Fiston