Kinshasa, ville côtière déserte

Jeudi 18 février 2021 - 19:01
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7SUR7

Malgré que la ville de Kinshasa soit construite au bord du fleuve, les habitants de plusieurs de ses quartiers vivent dans une insécurité hydrique criante. À longueur de journées, on ne manque de voir des personnes avec des récipients en mains en quête de cette denrée, devenue quasiment rare à la rive gauche du fleuve Congo. Et pour certains  habitants qui sont véhiculés, ils sortent carrément avec des récipients chaque matin pour s'approvisionner en eau où ils peuvent en trouver.  Et cette situation s'est érigée en style de vie depuis plusieurs années, même dans certains quartiers huppés de la capitale. 

Pour Joel Bolongo, résidant de Binza-Pigeon, un des quartiers huppés de la commune de Ngaliema, deux semaines peuvent s'écouler sans qu'une goutte d'eau de la REGIDESO ne coule du robinet.

"Nous recevons l'eau deux ou trois fois par semaine, et ce n'est pas aussi régulier. Il arrive aussi qu'on passer une ou même deux semaines sans que l'eau ne coule. C'est vraiment un sérieux problème... C'est un problème qui date de longtemps, près d'une décennie. Donc, c'est vraiment compliqué à Binza-Pigeon", s'alarme-t-il.

Dans plusieurs quartiers périphériques, la population arrive à se desservir en eau potable par des voies autonomes, gérées par des associations ou des individus. C'est le cas de Francis Buhendwa, habitant du quartier Brikin, lorgnant le fleuve Congo, toujours dans la commune de Ngaliema, qui a pu faire creuser un puit dans sa parcelle pour subvenir aux besoins de sa famille en eau.

"Avec un portefeuille moyen, on recourt au système de puits de surface. Certains le laissent ouvert et d'autres qui ont un peu plus de moyens le protègent en renforçant la paroi en bas et au-dessus. Ils placent une pompe immergée ou un groupe hydrophore. Pendant la saison de pluie, j'ai 2.000 litres d'eau par colonne et pendant la saison sèche,  j'ai autour de 600 ou 700 litres d'eau par colonne, toutes les deux heures", raconte-t-il à 7SUR7.CD.

Et de continuer : "Vu que l'eau de la REGIDESO est quasiment inexistante, je suis complètement satisfait avec l'eau du puits. Et pour me rassurer de la qualité de l'eau, je me suis rendu à l'INRB pour une expertise. Ils m'avaient  demandé 150$, somme que j'avais trouvée excessive. Mais nous avions quand même interrogé quelques personnes du quartier qui utilisent ce système depuis longtemps, ils nous avaient témoigné qu'ils n'ont jamais eu aucun souci. Et malgré que l'eau passe par plusieurs filtres avant qu'elle n'atterrisse dans les récipients, nous utilisons quand même des comprimés aquatabs pour désinfecter l'eau contre certaines maladies hydriques courantes".

La qualité de l'eau, un autre souci qui tue à petit feu 

Que l'eau soit desservie par la Régie de Distribution d'Eau (REGIDESO) ou par des voies autonomes, il y a également un problème de qualité qui se pose dans tous les deux cas. A Kinshasa, il est difficile de circuler dans un quartier sans voir un tuyau de la Regideso troué, déversant ainsi de l'eau sur la voie publique. Pour Bertin Mbuya, sensibilisateur et analyste environnemental, plusieurs matières impropres à la consommation s'infiltrent dans l'eau que la population consomme à travers ces trous et qui tuent à petit feu.

"Un tuyau troué est capable d'engorger des dizaines de litres d'eaux usées contenant des milliers de coliformes fécaux, surtout lorsqu'il pleut. Beaucoup de maladies d'origine hydrique tuant à petit feu, tels que la typhoïde, le choléra, la dysenterie,  l'hépatite, la poliomyélite,...sont les plus souvent dépistées chez toutes les personnes qui consomment quotidiennement ces genres d'eaux polluées par les agents pathogènes", alerte cet analyste environnemental.

Notons que, d'après une étude publiée par la banque africaine de développement en 2015, les besoins en eau de la population de Kinshasa étaient estimés à 850.000m3 par jour, alors que la REGIDESO ne produisait que 550.000m3 par jour. Situation qui créait un déficit de plus de 300.000m3 par jour, sans tenir compte des populations qui vivent dans les zones non couvertes par la REGIDESO, qui avoisineraient 36% de la population kinoise. Selon toujours cette étude, ces besoins en eau potable des kinois seront de 1,2 millions de m3 par jour en 2027. Situation qui exige aux décideurs politiques d'avoir une vision holistique de la gestion de l'eau dans la capitale. 

Bienfait Luganywa