
À l'occasion de la célébration de la journée mondiale de l'infirmière ce mercredi 12 mai 2021, la rédaction de 7SUR7.CD a échangé avec la directrice de Nursing (infirmiers) du Centre mère et enfant de Ngaba et point-focale VIH-tuberculose, Mamie Etondo Mangondo, sur ce qu'est devenue la profession infirmière aujourd'hui en République démocratique du Congo, son expérience, les défis qu'elle compte relever, mais aussi sur les attentes des infirmiers du nouveau ministre de la santé publique, hygiène et prévention, Jean-Jacques Mbungani.
7SUR7.CD : L'humanité célèbre ce 12 mai 2021 la journée de l'infirmière sous le thème " la profession infirmière, une voix faite pour diriger", parlez-nous de votre carrière ?
M.E. Mangondo : Ça fait dix ans que je preste au centre hospitalier Mère et Enfant de Ngaba, c'est le premier hôpital où j'ai commencé ma carrière à part les centres où j'ai eu à passer des stages professionnels. Je suis graduée à l'Institut supérieur d'enseignement technique médical (ISETM) et ma licence en santé communautaire. Je l'ai fait à l'Institut supérieur technique médical Kinshasa (ISTM) mais à part ça, il ya eu d'autres formations que j'ai faites par ce que je suis le point focal VIH- tuberculose, et je me suis spécialisée en VIH-tuberculose à travers différentes formations au pays et à l'extérieur du pays et aussi en ligne.
7SUR7.CD : Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées pendant vos dix ans de carrière ?
M. E. Mangondo : En tant qu'infirmière j'ai rencontré beaucoup de difficultés, c'est premièrement le milieu où on est (Ngaba), il y'avait plus de kulunas, on se faisait attaquer, on avait tout le temps peur de travailler. Et travailler dans un hôpital étatique, ce n'est pas facile parce que l'État n'a pas mis tout ce qu'il faut pour bien prendre en charge les malades. De fois, on a envie de prendre en charge les patients mais peut-être qu'il n'y a même pas des doigtiers. Nous voulons bien prendre en charge les malades mais nous ne pouvons pas et nous restons là à contempler les malades qui meurent. c'est une difficulté pour moi parce que nous sommes hors sermon sans le vouloir, il n'y a pas tout ce qu'il faut pour soigner les patients, il n'y a pas une très bonne collaboration, nous travaillons tous pour le bien d'un seul patient parce que moi seule en tant qu'infirmière, je ne peux pas prendre en charge ce patient là. Donc, il y a un corps qui doit travailler pour le bien-être de ce patient et ce corps doit s'entendre si c'est le contraire c'est une difficulté. L'autre difficulté pour moi, c'est le fait d'être femme, d'être infirmière et d'occuper un poste de commande (nommée nouvellement ). Je m'occupe des patients VIH-tuberculeux, beaucoup estiment que je ne dois pas être point focal parce que je suis infirmière et aussi que j'en bénéficie de la part des partenaires et ça a éte très difficile, il ya d'autres professions qui n'acceptent pas de voir une infirmière prendre en charge les patients sans pour autant être dirigée par une autre profession. Pour eux, c'est ce qui doit forcément se faire, ils n'ont jamais supporté cela, même dans ma propre profession, je reçois beaucoup de critiques des gens qui se disent que je fais au-delà de ce que ce que je devrais faire, c'est comme si je devrais être limitée. C'est ce qui m'a encore poussé d'aller plus loin, de me former pour démontrer aux gens que l'infirmière peut aussi le faire. Et cela crée parfois des confusions, certains m'appellent docteur Mamie.
7SUR7.CD : Quels sont les défis que vous comptez relever?
M. E. Mangondo : Je ne peux pas m'arrêter là parce que je n'ai pas encore atteint les objectifs, j'étais stagiaire, je suis devenue engagée à l'État, et cela m'a aussi permis de combiner avec mes études, ce qui aurait été difficile si je travaillais dans un hôpital privé. J'etais infirmière simple, aujourd'hui je suis devenue directrice de nursing et demain, je vais devenir ministre de la santé et j'y travaille.
7SUR7.CD : Comment analysez-vous la profession infirmière aujourd'hui au regard de la qualité du service rendu?
M. E. Mangondo : Si je dois faire une analyse de ma profession d'une manière générale, ça fait quand-même mal de voir des gens qui ont choisi eux-mêmes d'être infirmiers (ères) mais par après, ne savent pas pourquoi ils le sont. Nous ici nous les aidons à changer en les conscientisant, comprendre que si j'ai voulu être dans un hôpital étatique, c'est par mon propre choix, je ne peux pas tout le temps me plaindre, c'est vrai qu'on peut se plaindre d'être mal rémunéré etc. Mais cela ne peut pas affecter la prise en charge du patient, je ne peux pas associer la prise en charge du patient, et le traitement que nous subissons de l'État. Être infirmière, c'est se dire qu'est-ce que je peux faire pour ce patient, quel est le besoin de ce patient qui est perturbé que je dois soulager, que je dois prendre en charge mais aujourd'hui c'est qu'est-ce que ce patient a ? Qu'est ce qu'il me donne en retour si je lui offre mon service? hors je dois déjà connaître son besoin perturbé pour le soulager et en retour attendre quelque chose de l'Etat. C'est là où ça pose problème parce que l'État nous déçoit aussi, cela n'honore pas la profession et l'Etat connait ce problème. Parce que si quelqu'un n'est pas en bonne santé, il ne peut rien donner de bon parce qu'il faut que l'infirmière soigne avec d'autres corporations aussi mais s'il ya déjà l'inégalité, l'État a aussi sa part de responsabilité nous aussi. Faisons d'abord ce qui est notre part même si nous réclamons sans être entendu. Mais ne faisons pas des choses pour limiter la vie de quelqu'un parce que le dernier mot appartient à Dieu. On peut croire que le patient tend vers sa mort mais tant que Dieu n'a pas encore retiré son souffle de vie, nous devons faire quelque chose. Ce qui pousse certaines personnes ayant leur moyen à aller vers les hôpitaux privés
7SUR7.CD : Le ministère de la santé publique a aujourd'hui un nouveau patron, Jean Jacques Mbungani, qu'est-ce que vous attendez de lui au sein de votre secteur?
M. E. Mangondo : Qu’il améliore les conditions de travail des professionnels de soins infirmiers, qu’il veille à l’éducation et à la formation des instituts chargés de l’enseignement de cette profession, que l’Orde des infirmiers mette en place des critères rigoureux ou des tests à passer avant l’obtention d’un numéro d’ordre, non seulement qu’il s’implique mais trouve la solution sur la mécanisation des nouvelles unités et la prime des infirmiers.
Propos recueillis par Christel Insiwe