La zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) suscite moult inquiétudes. Plusieurs experts pensent que le risque d’asphyxie de l’économie Congolaise est réelle. Ils préconisent notamment de la vigilance et de la dextérité lors de la mise en œuvre de cet accord pour préserver les intérêts supérieurs de la nation.
(Ci-dessous la tribune d’un expert parvenue à 7SUR7)
« La problématique de la Zone de Libre-Echange Continentale Africaine (ZLECAF)
En mars 2018, à l’instar de 53 autres États africains, la RDC avait signé l’accord qui doit permettre la création d’un marché continental de plus de 1,2 milliard de personnes pour un PIB cumulé de 2 500 milliards de dollars.
Cet accord ambitieux traçant une Zone de Libre Echange continentale Africaine (ZLECAF) doit faire de l’Afrique le plus grand marché unique au monde en réduisant les barrières douanières et en promouvant les échanges intra-africains.
La ZLECAF regroupera la zone tripartite de libre-échange, qui doit inclure le Marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA), la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) et la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC), avec d’autre part la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), l’Union du Maghreb arabe et la Communauté des États sahélo-sahariens
Le projet de loi portant ratification par la République Démocratique du Congo de l’Accord créant la Zone de Libre-Échange Continentale Africaine (ZLECAF) a été adopté, le vendredi 22 janvier 2021, à l’Assemblée nationale.
Cependant, depuis son adoption, plusieurs questions taraudent les esprits. La RDC est-elle prête à tenir la dragée haute et à relever le défi dans un contexte concurrentiel accru alors qu’elle a besoin de plusieurs réformes importantes en interne en vue de donner du tonus à une économie extrêmement extravertie ?
Dans son programme d’actions 2021-2023 présenté au Parlement le 26 Avril 2021, le gouvernement congolais a planifié de finaliser la stratégie nationale de mise en œuvre de la ZLECAF, d’adopter le tarif douanier démantelé par la ZLECAF et d’élaborer un guide sur les règles et le certificat d’origine. A scruter de près, le chantier est encore vaste dans la matérialisation de l’accord à l’échelle nationale.
Si le gouvernement s’est déployé, à travers la Direction des douanes et Accises (DGDA), à élaborer une liste des produits sensibles dont la position douanière pourrait évoluer au fur et à mesure de l’application de l’accord de libre-échange, il n’en demeure pas moins qu’un certain nombre d’obstacles doit être franchi en vue d’éviter toute forme de dumping et d’asphyxie de notre économie. L’un de ces défis majeurs est ostensiblement la question liée à la sécurité des personnes et des biens à l’Est du pays où visiblement nombre des pays voisins à la RDC ont des structures économiques plus solides, des législations plus souples et des problèmes sécuritaires moins accrus et récurrents que ceux du géant au cœur de l’Afrique. Ces voisins risquent d’avoir des dents plus longues que la RDC et la zone de libre-échange peut bien se transformer rapidement en un terrain de déstabilisation totale du pays, lui privant de facto des revenus importants.
A la sécurité, se greffe inéluctablement la problématique des importations frauduleuses à l’Ouest, au Nord, au Sud et à l’Est de la RDC. Aucun pan de ce pays n’est épargné par ce phénomène. Les Sociétés brassicoles, par exemple, perdent à l’Est du pays chaque année 200.000 Hl chacune à cause du trafic parallèle des boissons gazeuses et des bières en provenance des pays limitrophes. Même si l’Etat congolais avait pris des mesures drastiques de restriction d’importation pendant trois années consécutives, la fraude à grande échelle a la peau dure en RDC et n’a jamais été estompée au grand dam de ces grandes sociétés, contributrices importantes au budget national.
Force est de constater cependant que ces deux défis illustrent clairement la crainte que peut susciter l’application de la ZLECAF pour les entreprises congolaises en proie à une fiscalité oppressante, aux harcèlements de tout genre, au mauvais climat des affaires et à des frontières poreuses et insécurisées.
De ce fait, l’Etat doit mettre en place une stratégie soutenue par une série des réformes idoines en vue de la protection des entreprises locales sans compromettre l’esprit et la lettre de la ZLECAF. Cette dextérité digne d’un funambule exige beaucoup de compromis au plan national et international. La balle est donc dans le camp du gouvernement qui doit s’y employer avec la plus grande perspicacité. »