Tribune - Pétition contre Mboso : La rationalité historique des élus à l’épreuve

Mercredi 15 septembre 2021 - 07:37
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Il est d’une évidence insoupçonnable que les institutions politiques en Afrique sont des plus instables qui soient. On peut les confier aux saints, ceux-ci finiront par devenir des démons. Et lorsqu’on les confie aux diables, ils finissent par passer pour des donneurs des leçons. 
Et aussi curieux que cela puisse paraître, l’instabilité des institutions politiques en Afrique procède de cette psychologie. Tout va mal lorsque ce sont les autres qui gouvernent. C’est la térrorisation de l’histoire et de la communauté. Et paradoxalement, tout va bien lorsque c’est moi qui gouverne.

En République Démocratique du Congo, l’histoire politique ne souffre pas d’actualités pouvant montrer à tort ou à raison, la permanence de l’instabilité institutionnelle. Chaque période de l’histoire politique de la RDC est traversée par certains faits qui interpellent non seulement la conscience, mais aussi et surtout le sens de responsabilité historique des acteurs en présence. 

Point n’est besoin de rappeler que les huit derniers mois de l’espace politique congolais restent marqués par le basculement de la majorité. Les congolais ont eu droit à un bouleversement politique sans précédent. Ce bouleversement politique a d’une part mis fin à la cohabitation FCC-CACH, et d’autre part instauré un nouveau vent impulsé par Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, l’Union Sacrée de la Nation.

Mais pour que cette vision naisse, il fallait à tout prix qu’il y ait des acteurs capables de la mettre en mouvement. C’est à ce moment précis que la Constitution congolaise dans ses subtilités, mettra en avant plan un homme d’expérience qui, à la faveur de l’âge, dirigera l’Assemblée Nationale de la République Démocratique du Congo : l’Honorable Mboso Nkodia Pwanga. Du bureau d’âge qu’il dirigera avec une sagesse à la fois politique et morale, il se verra bénéficier de la confiance du Chef de l’État, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, qui décidera de l’aligner à sa propre succession au perchoir de l’Assemblée Nationale. Une dure épreuve pour un politique bien connu de la RDC. Il a survécu les époques ; de Mobutu à Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, il est toujours présent. Parfois aussi absent. Et on veut le rendre aujourd’hui absent par une pétition visant sa déchéance. De quoi donner l’impression que Christophe Mboso ressemble à un Jésus qui, hier applaudi à Jérusalem en Roi, se verra quelques instants après, privé des privilèges liés à son statut. 

Mais pourquoi on en veut à Mboso ? Une question difficile, certes. Mais une analyse bien poussée peut nous permettre de penser qu’on en veut à Mboso parce qu’on refuse de lire l’histoire politique récente de la RDC dans ses séquences les plus rationnelles, les plus claires même aux yeux des analphabètes. Les éléments ci-après nous permettront d’apprécier de l’opportunité ou non de vouloir déchoir le speacker de l’Assemblée Nationale.

Quelques faits historiques

1° Mboso devient Président de l’Assemblée Nationale après le divorce politique entre FCC et CACH.

2° Mboso hérite d’une famille politique décomposée et recomposée, qui se dessine à l’Assemblée Nationale et permettra ainsi au Président de la République d’avoir une nouvelle majorité.

3° La démission du Premier Ministre Ilunga Ilunkamba va automatiquement imposer à l’Assemblée Nationale de travailler avec un gouvernement démissionnaire. En pareilles circonstances, partout au monde, les initiatives de contrôle parlementaire sont gelées pour éviter que le gouvernement à venir repose des actes de l’ancien.

4° Comme le consensus est généralement difficile en RDC dans la désignation des animateurs des institutions, plusieurs semaines se sont écoulées entre la nomination du Premier Ministre et la publication du Gouvernement central. Entre temps, les mesures restrictives dues à la COVID-19 font leur loi.
 
Au regard de ce qui précède, quelle opportunité ou non de juger Mboso sur un prétendu blocage du contrôle parlementaire ? Chercher à condamner Mboso ne serait-il pas une volonté bien affichée d’ignorer l’histoire ? 

Personne n’ignore que la session de mars à l’Assemblée Nationale est consacrée au contrôle parlementaire. C’est vrai. 
Personne n’ignore que la session de mars 2021 était mouvementée par les tractations de la formation du Gouvernement. C’est aussi vrai. Personne n’ignore que pendant la session de mars 2021, le pays a connu une troisième vague de COVID-19.

Pourquoi alors condamner Mboso ? A-t-il le pouvoir d’avancer le temps ? Non. 
Il nous semble que les initiateurs de la pétition devraient se rendre à l’évidence qu’on ne peut normalement juger un animateur d’une si grande institution de la République en se basant sur une période de plus ou moins 100 jours. 

Mboso connaît certes l’Assemblée Nationale, mais la connaissance de tous les enjeux en présence nécessite du temps. Mboso a droit à bénéficier de la compréhension d’une histoire dont nous sommes tous témoins, élus et peuple. Les élus pétitionnaires doivent comprendre que la confusion entre vitesse et précipitation est suicidaire pour la République.

André Léonard Bakapua