Dossier Bukanga-Lonzo : voici la plaidoirie du doyen Nyabirungu qui liste une dizaine de violations de la procédure devant la Cour constitutionnelle

Jeudi 11 novembre 2021 - 15:07
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DOSSIER BUKANGA LONZO

Plaidoirie de Maître NYABIRUNGU mwene SONGA, du 08 novembre 2021, relative à l’incompétence de la Cour constitutionnelle à l’égard de l’ancien Premier Ministre MATATA PONYO
                                                                                                               Nous, de la Défense du premier cité,  l’ancien Premier Ministre MATATA  MPONYO MAPON, nous nous référons :
 
- à la requête n°2004/RMPI/000/PG.COUR.CONST/MOP/2021 aux fins de fixation d’audience signée par l’Officier du ministère public près la Cour constitutionnelle le 27 août 2021, et
- à la citation à prévenu signifiée au premier cité en date du 13 septembre 2021 pour sa comparution à l’audience du 25 octobre 2021 ;
 
 
§1er. NOTE LIMINAIRE SUR L’ETAT DE DROIT

Préambule de la Constitution

« Animé par notre volonté commune de bâtir, au cœur de l’Afrique, un Etat de droit et une Nation puissante et prospère, fondée sur une véritable démocratie politique, économique, sociale et culturelle ».
Voici les enseignements qui peuvent être tirés de ce passage du préambule :

1) Cela veut dire qu’à commencer par les juges, jusqu’au public, en passant par les parties à la procédure, nous tous, sommes portés par une volonté commune, celle de bâtir un Etat de droit.
 
2) Cette volonté commune est d’une importance telle que l’Etat de droit fait partie et est le premier élément de la définition constitutionnelle de la République démocratique du Congo :

« La République démocratique du Congo est, dans ses frontières du 30 Juin 1960, un Etat de droit, … ».

3) Cet Etat de droit est conscient de lui-même et se situe au cœur de l’Afrique. En d’autres termes, le Constituant a voulu que cet Etat de droit soit un modèle et un moteur pour l’Afrique, et l’Afrique est appelée à en témoigner.
Il s’agit d’une responsabilité librement assumée et dont nous sommes redevables devant l’Afrique et le monde.

Quelle peut-être la meilleure institution pour s’acquitter de cette responsabilité à la fois redoutable et exaltante que vous, la Cour constitutionnelle ?
Donc, c’est avec confiance que le Premier ministre honoraire se présente devant vous, dépositaires de la  Constitution et garant de l’Etat de droit.

Et c’est avec confiance que le Premier ministre honoraire et ses avocats, au nom du principe fondamental des droits de la défense, droit absolue et non-dérogeable selon la Constitution de la République démocratique du  Congo, en son article 61, point 5, c’est avec confiance, disons-nous, que nous allons présenter nos préalables pour un procès équitable à l’égard de notre client.

Avec déférence, nous ne pouvons perdre de vue que votre haute Cour est à son premier dossier R.P., et qu’elle ne perdra point de vue qu’elle commence à écrire une nouvelle page de l’histoire, une nouvelle page de son histoire pénale, qui sera glorieuse car elle aura été écrite sous le sceaux de l’équité, de la justice et de la vérité, piliers essentiels de tout Etat de droit.

§2. LES EXCEPTIONS RELATIVES A L’INCOMPETENCE DE LA COUR

Nous sommes dans  les années 1960.
Me NYMY, du Barreau de Kinshasa, comparaissant pour la défense devant la Cour militaire de Kinshasa………………………………………………………………………..
Aujourd’hui, notre droit a évolué, la science juridique a évolué et les animateurs de la science  juridique ont évolué.
On peut dire de votre Cour que, dans cette affaire, elle est incompétente, sans que cela vous offense.
Votre Haute Cour est incompétente, pourtant le Procureur Général persiste à soutenir le contraire.
Seulement à partir des intitulés des réquisitoires de l’officier du ministère public, n’importe quel juge raisonnable aurait pu constater leur caractère juridiquement insoutenable. Prenons les intitulés de ces réquisitoires, les  uns après les autres.

A. REQUISITOIRE DU 28 AVRIL 2021

adressée aux Présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat
Sur quelle base juridique, sur quelle disposition de la Constitution ou de la loi, un Procureur Général près la Cour Constitutionnelle, DONT LA COMPETENCE PENALE EST  STRICTEMENT LIMITEE AU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE et au PREMIER MINISTRE EN FONCTION, peut-il oser requérir contre des parlementaires, en vue de leurs poursuites ou de leur mise en accusation ?

B. REQUISITOIRE DU 12 MAI 2021

L’officier du ministère public récidive et reprend les mêmes termes et le même intitulé et les mêmes destinataires.
C’est aberrant, c’est écœurant, c’est simplement triste : du 28 avril 2021 au 12  mai 2021, l’officier du ministère public n’a toujours pas su se ressaisir et persiste à poursuivre des parlementaires, sans foi ni loi, ni tout autre texte.
Et votre Cour, dont la compétence pénale se limite au Président de la République et au Premier ministre en fonction, saura arrêter au bon moment, et c’est le moment, une procédure qui ne peut, en aucun cas, prospérer devant elle.

Cependant, dans ce réquisitoire, l’officier du ministère public, dans un moment très court de lucidité juridique, écrit ce qui suit :

« En effet, le Sénateur MATATA PONYO MAPON n’est plus Premier ministre pour jouir des avantages prévus aux articles 166, al. 1 de la Constitution et 80 de la Loi organique du 15 octobre 2013 portant organisation  et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle ».

C. REQUISITOIRE DU 18 MAI 2021

L’officier du ministère public près la Cour Constitutionnelle lance un réquisitoire tendant à obtenir l’autorisation de poursuivre des Sénateurs Augustin MATATA PONYO MAPON et IDA KAMONDJI NASERWA. Deux Sénateurs cités, un seul au prétoire.
En tout état de cause, y a-t-il meilleure preuve que l’Officier du ministère public poursuit un Sénateur et non un  Premier ministre ?
Poursuivant un Sénateur, peut-il l’attraire à la Cour Constitutionnelle alors que celle-ci n’a des compétences qu’à l’égard du Président et du Premier ministre en fonction ? L’officier du ministère public a déjà répondu lui-même par la négative lors de son deuxième réquisitoire.
 
Vous aurez remarqué, Honorable Président, Honorables Membres de la Cour, que l’officier du ministère public est très fertile en réquisitoires, mais tous incohérents, contradictoires, confusionnistes et indéfendables sur le plan juridique. Nous sommes en face des monstres juridiques sans queue ni tête, créés délibérément par l’officier du ministère public, qui n’ont aucune raison d’être produits devant vous, et surtout qui n’ont aucune chance de prospérer devant cette haute Cour. La Cour se déclarera incompétente, au regard des articles 163, 164, 17, al. 2 et 62 de la Constitution, et 101, 102, 103 et 105 de la loi organique relative à la Cour constitutionnelle, soit 8 exceptions tirées des actes de violation de la Constitution et de la loi organique portant organisation de la Cour constitutionnelle.
 
I. Exception d’incompétence de votre Cour, tirée de la violation de l’article 163 de la Constitution
L’action publique engagée par l’officier du ministère public, l’a été en violation de l’article 163 de la Constitution, pourtant si clair et si explicite :

« La Cour constitutionnelle est la juridiction pénale du Chef de l’Etat et du Premier ministre dans les cas et conditions prévus par la Constitution ».

Où que l’on tourne son regard, et à part l’officier du ministère public, nous ne pouvons voir ni un Président de la République ni un Premier ministre dans cette salle. On est en présence d’un ancien Premier ministre.
En conséquence, votre Cour voudra bien se déclarer incompétente à l’égard de l’action publique engagée contre l’ancien Premier Ministre MATATA PONYO.
 
II. Exception d’incompétence de votre Cour, tirée de la violation de l’article 164 de la Constitution

« La Cour constitutionnelle est le juge pénal du Président de la République et du Premier ministre pour des infractions politiques de haute trahison, d’outrage au Parlement, d’atteinte à l’honneur ou à la probité ainsi que pour les délits d’initié et pour les autres infractions de droit commun commises dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions. Elle est également compétente pour juger leurs co-auteurs et complices ».

Et c’est parce qu’il s’agit d’un Président ou d’un Premier ministre en fonction que le Constituant, à l’article 167, al. 1er, a prévu qu’en cas de condamnation, le Président de la République et le Premier ministre sont déchus de leur charge, déchéance prononcée par la Cour constitutionnelle.
C’est encore parce qu’il s’agit  du Président de la République et du Premier ministre en fonction que, d’après l’article 167, al. 1er de la Constitution, pour les infractions commises en dehors de l’exercice de leurs fonctions, mais pendant qu’ils sont en fonction, les poursuites contre eux sont suspendues jusqu’à l’expiration de leurs mandats, de même qu’est suspendue la prescription.

Concrètement, l’officier du ministère public voudrait vous engager dans une impasse : en effet, en cas de condamnation, la Constitution vous demande de déchoir notamment le Premier ministre. Comment allez-vous procéder pour déchoir quelqu’un qui n’a pas qualité de l’être ? En d’autres termes, l’ancien Premier Ministre MATATA n’étant pas en fonction de Premier ministre, ne saurait, en aucun cas et en aucun moment, être déchu. Et si vous ne me croyez pas, essayez de le déchoir.
C’est dire qu’à son égard, cette disposition est sans pertinence. Il  ne s’agit pas ici de s’engager dans des interprétations stériles d’un texte qui ne reflète que des évidences : la déchéance ne concerne que le Président ou le Premier ministre en fonction, et l’ancien Premier ministre MATATA PONYO ne rentre pas dans cette hypothèse.
Aussi, votre Cour devra-t-elle constater et déclarer son incompétence à juger l’ancien Premier Ministre MATATA PONYO.

III. Exception d’incompétence tiré des articles 1er et 7 de la loi n°18/021 du 26 juillet 2018 portant statut des anciens Présidents de la République élus et fixant les avantages accordés aux anciens chefs de corps constitués.
Une autre preuve  irréfutable que l’article 164, al. 1er de la Constitution concerne un Président de la République ou un Premier ministre en fonction est la loi n° 18/021 du 26 juillet 2018 portant Statut des anciens Présidents de la République élus et fixant les avantages accordés aux anciens chefs de corps constitués.
En effet, l’article 1er de cette loi dispose comme suit :

« La présente loi fixe le statut des anciens Présidents de la République élus. Elle détermine les règles spécifiques concernant leurs droits et devoirs, le régime de leurs responsabilités, leur statut pénal ainsi que les avantages leur reconnus. Elle détermine également les avantages et devoirs accordés aux anciens Chefs de Corps constitués ». Bien  plus, l’article 7 de la même loi concerne le statut pénal d’un ancien Président de la République :
« Tout ancien Président de la République élu jouit de l’immunité des poursuites pénales pour les actes posés dans l’exercice de ses fonctions ».

Si la Constitution avait réglé les questions du statut pénal des anciens Chefs d’Etat et Premier ministre, et de la compétence de la Cour constitutionnelle à leur égard, non seulement elle l’aurait prévu expressément, mais aussi la  loi du 26 juillet 2018 n’aurait pas vu le jour. Elle est venue combler un vide juridique, un cas qui, jusque-là, n’avait pas été prévu.
Il faut constater, d’abord, que tant en incriminant, en sanctionnant qu’en édictant les règles de procédure, notamment aux articles 163 à 167, le constituant n’a jamais distingué le statut pénal de Président de la République et celui de Premier Ministre.
On peut regretter que le législateur, ayant constaté la nécessité de préciser le statut d’un ancien Président de la République élu, n’ait pas pensé à préciser celui d’un ancien Premier Ministre, en vue de sauvegarder la cohérence juridique et l’équité.

Il n’est pas tard de combler une telle omission, soit par une législation nouvelle, soit par votre audace de faire évoluer les institutions en étendant, par analogie favorable à l’accusé, le statut pénal d’un ancien Président de la République à un ancien Premier Ministre.
N’oubliez pas que c’est en vertu de l’interprétation analogique favorable à l’accusé, que des notions telles que la légitime défense, l’état de nécessité et la contrainte irrésistible ont été, sans texte, bien accueillies, et pour toujours, dans le droit positif congolais.
Et le droit comparé, en tant que source auxiliaire de la détermination de la règle de droit applicable, nous renseigne sur le même phénomène de l’analogie in favorem :
« Il est un cas où l’interprétation analogique est ouvertement admise par la Cour de cassation : c’est celui où elle s’exerce en faveur du prévenu et n’aggrave pas son sort.

Ainsi, la chambre criminelle a généralisé les faits justificatifs, les immunités ou les causes de non-culpabilité que les textes avaient édictés dans des cas particuliers. Elle a étendu très tôt à l’abus de confiance, à l’escroquerie des signatures, l’immunité entre parents et alliés, édictée pour le vol par l’ancien article 380 du Code pénal. Elle a généralisé à toutes les infractions la justification par la légitime défense, et sous la pression des juges du fond, elle a généralisé la justification par l’état de nécessité. »
 
IV. Exception d’incompétence tirée de son caractère d’ordre public.

L’exception d’incompétence est le moyen dont le caractère d’ordre public est le plus nettement affirmé. 
Les règles relatives à la compétence des juridictions répressives, que celle-ci soit matérielle, territoriale ou personnelle, sont toujours d’ordre public.
Il en est ainsi, à plus forte raison, lorsque les règles de compétence sont posées par la Constitution.
La sanction de toute violation des règles constitutionnelles, c’est la nullité.

Votre Cour ne saurait recevoir des actions dont la base réside dans la violation de la Constitution.

Bien plus, en tant que moyen d’ordre public et impératif, votre haute Cour, à l’instar de tout autre juge, a l’obligation de le soulever d’office, c’est-à-dire de sa propre initiative, sans qu’il soit besoin de statuer sur d’autres moyens, et d’annuler notamment l’action publique vantée devant elle, en violation de la Constitution.
La Chambre criminelle de la Cour de cassation française a toujours jugé que la cassation devait s’étendre à toutes les parties, y compris celles n’ayant pas produit de mémoire, en cas de violation des règles d’ordre public, telles que, notamment, les règles sur la composition et la compétence des juridictions.

Au demeurant, la pratique montre que, de lorsqu’un moyen d’ordre public est caractérisé, la Chambre criminelle le relève d’office.
Pour toutes les exceptions d’incompétence soulevées, votre Cour se déclarera incompétente.
 
§3. EXCEPTIONS D’IRRECEVABILITE

Et si, par impossible, votre Cour devait se déclarer compétente - quod non -, l’action de l’officier du ministère public près votre Cour serait irrecevable.
A. Exception d’irrecevabilité de la présente cause devant votre Cour, tirée de la violation de l’article 166, al. 1er de la Constitution  et de l’article 80 de la loi organique relative à la Cour constitutionnelle
1°. L’article 166, al. 1er de la Constitution dispose comme suit :

« La décision de poursuite ainsi que la mise en accusation du Président de la République et du Premier ministre sont votées à la majorité de deux tiers des membres du Parlement composant le Congrès suivant la procédure  prévue par le Règlement intérieur.»
 
2°. L’article 80 de la loi organique relative à la Cour constitutionnelle dispose comme suit :
 
« La décision de poursuites et la mise en accusation du Président de la République ou du Premier Ministre sont votées à la majorité de deux tiers des membres du Parlement réunis en Congrès.»

Il nous est difficile de comprendre que, face à une  telle clarté des textes, l’officier du ministère public cherche à créer la confusion, et notre devoir est de dénoncer son audace d’engager l’action publique sans texte, sans aucun respect des textes, c’est-à-dire, en violation de la Constitution et des lois de la République. Il défie le constituant, et en même temps,  met votre Cour dans une situation très embarrassante, à savoir : juger un Premier ministre sans voir gésir au dossier un vote à la majorité de deux tiers des membres du Parlement composant le Congrès décidant des poursuites ainsi que de la mise en accusation.
 
Votre Cour déclarera l’action publique irrecevable.

B. Exception d’irrecevabilité de la présente cause devant votre Cour, pour violation des articles 100 à 105 de la loi organique relative à l’organisation et au fonctionnement de la Cour constitutionnelle

Au cas où l’exception d’irrecevabilité de l’action publique de l’officier du ministère public sur la base de l’article 166, al. 1er de la Constitution ne serait pas comprise, le législateur lui-même, par sa loi organique, en ses articles 100 à 105, précise la procédure à suivre en cas d’infractions commises dans ou à l’occasion de l’exercice des fonctions de Président de la République ou de Premier ministre.

I. Irrecevabilité tirée de la violation de l’article 101 de la loi organique
Ainsi, à l’article 101, il est disposé comme suit :

« Si le Procureur Général estime devoir poursuivre le Président de la République ou le Premier Ministre, il adresse au Président de l’Assemblée Nationale et au Président du Sénat une requête aux fins d’autorisation des poursuites. L’autorisation est donnée conformément aux dispositions de l’article 166, alinéa 1er de la Constitution».

Au regard de ce texte, quelles sont, dans le cas d’espèce, les obligations qui pèsent sur le Ministère public ?
Cette question, l’officier du Ministère public ne se la pose pas, convaincu, sans doute avec beaucoup de bonne volonté, qu’être organe de la loi, c’est vivre au-dessus de la loi. Et pourtant, deux obligations précises pèsent sur lui :

1°. Produire ici la requête qu’il a adressée au Président de l’Assemblée Nationale et au Président du Sénat, aux fins d’autorisation des poursuites du Premier Ministre. Je ne dis pas ancien Premier Ministre, parce que l’officier du Ministère Public est convaincu que Monsieur MATATA PONYO est toujours un Premier Ministre en fonction ;
 
2°. Produire cette autorisation de poursuivre un Premier Ministre en fonction. On a beau chercher, mais, jusqu’à ce jour, et jusqu’au moment où nous parlons, il n’existe au dossier aucune autorisation émanant de ces deux Présidents du Parlement.

Il y a donc irrecevabilité tirée de la violation de l’article 101 de la loi organique relative à la Cour constitutionnelle.  
II. Irrecevabilité tirée de la violation de l’article 102 de la loi organique
A l’article 102,  il est disposé comme suit :
« Si le Congrès autorise les poursuites, l’instruction préparatoire est menée par le Procureur Général.
Les règles ordinaires de la procédure pénale sont applicables à l’instruction préparatoire.… ». « Si le Congrès autorise les poursuites ». Cette condition a-t-elle été remplie ? Non.

Au dossier, nous n’avons pas l’autorisation des poursuites du Congrès. Et pourquoi alors, et sur quelle base, le Procureur Général a-t-il mené l’instruction préparatoire ? Toujours ce même défaut de se croire au-dessus de la loi. Avec le risque permanent de la violer.
Dans ces conditions, votre Cour n’aura qu’à conclure à l’irrecevabilité de l’action   initiée par l’officier du Ministère Public.

III. Irrecevabilité tirée de la violation de l’article 103 de la loi organique
A l’article 103, il est disposé comme suit :

« A la clôture de l’instruction préjuridictionnelle, le Procureur Général adresse un rapport au Président de l’Assemblée Nationale et au Président du Sénat, éventuellement accompagné d’une requête aux fins de solliciter du Congrès la mise en accusation du Président de la République ou du Premier Ministre.
Dans le cas où le Congrès adopte la résolution de mise en accusation, le Procureur Général transmet le dossier au Président  de la Cour par une requête aux fins de fixation d’audience. Il fait citer le prévenu et, s’il y a lieu, les coauteurs et/ou complices
».

L’action de l’officier du Ministère Public sera déclarée irrecevable, car aucun document exigé par la présente disposition organique ne gît au dossier :
- Ni le rapport du Procureur Général au Président de l’Assemblée Nationale et au Président du Sénat, à la clôture de l’instruction préjuridictionnelle ;
- Ni une requête aux fins de solliciter du Congrès la mise en accusation du Premier Ministre ;
- Ni la résolution de mise en accusation du Premier Ministre adoptée par le Congrès.
 
Ainsi,  dès le départ, c’est-à-dire maintenant, la requête aux fins de fixation d’audience doit être déclarée irrecevable.
 
C. Exception d’irrecevabilité de la présente action devant votre Cour, tirée de la violation de l’article 17, al. 2 de la Constitution et du principe général du droit selon lequel « nullum judicium sine lege ».

En effet, notre Constitution, en son article 17, al. 2 dispose comme suit :
 
« Nul ne peut être poursuivi, arrêté, détenu ou condamné qu’en vertu de la loi et dans les formes qu’elle prescrit ».

En disposant ainsi, le législateur suprême n’a fait que confirmer le principe de la légalité de la procédure contenue dans la maxime latine « nullum judicium sine lege », et qui veut que toute procédure soit nulle, qui n’a pas respecté les formes prescrites par la loi.

Le caractère équitable du procès suppose la légalité de la procédure. L’exigence de  de légalité de procédure pénale relève en effet de l’exigence de procès équitable. « L’exigence de la légalité de la procédure constitue l’un des aspects les plus fondamentaux de l’exigence d’un procès équitable ».
 
En violant de manière répétée les règles de compétence et de procédure expressément prévues par la Constitution et la loi, l’action publique initiée par l’officier du ministère public, ne mérite qu’une sanction : l’irrecevabilité pour violation du principe de la légalité  de la procédure pénale et des exigences d’un procès équitable.
 
D. Exception d’irrecevabilité de la présente action devant votre Cour, tirée de la violation de l’article 62 de la Constitution
L’article 62 de la Constitution dispose ainsi :

« Nul n’est censé ignorer la loi.Toute personne est tenue de respecter la Constitution et de se conformer aux lois de la République ».

La présomption de la connaissance de la loi est une présomption simple, c’est-à-dire qu’elle peut être renversée par une preuve contraire ou pour une raison vraisemblable.
Par contre, lorsqu’il s’agit d’un professionnel de la loi, et, à plus forte raison, de l’organe de la loi, la présomption devient irréfragable, et toute erreur de droit dans son chef est une faute professionnelle grave, un dol ou une intention délibérée de violer la loi.
Dans le cas d’espèce, l’intention de violer la loi, à commencer par la loi suprême, est, dans le chef du Procureur Général près la Cour constitutionnelle, manifeste et délibérée, vu son caractère répétitif, persistant, et sans aucune repentance à aucun stade de la procédure.
Pour l’organe de la loi, applicateur de la loi de par sa fonction, ayant l’obligation de la respecter et de la faire respecter, la sanction la plus appropriée, dans le cas d’espèce, est de déclarer irrecevable son action publique initiée et conduite en violation intentionnelle de la Constitution et des lois de la République.
 
 
 
A CES  CAUSES,
 
Sous toutes réserves généralement quelconques ;
Plaise à la Cour ;
De dire recevables et totalement fondés les préalables ainsi développés par le plaidant, en conséquence :
- A titre principal, se déclarer incompétente à examiner la présente action,
• Frais comme de droit ;
- A titre subsidiaire, décréter l’irrecevabilité de la présente action ;
• Frais comme de droit ;
 
Et ce sera justice. 
 
                                                 Fait à Kinshasa, le 08/11/ 2021
 
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