« Jupiter rend fou ceux qu’il veut perdre ». Cette sagesse tirée de la mythologie romaine ne serait-elle pas en train de se réaliser en RDC ? La cérémonie, hier mercredi à Kinshasa, de présentation de nouveaux matériels de la PNC (Police nationale congolaise) en a donné la preuve. Motivé par on ne sait quelle raison, le gouvernement met en place une véritable machine de répression dans la capitale. Qui en est la cible ? Seul le gouvernement en détient le secret. Au premier d’entre tous le vice-Premier ministre chargé de l’Intérieur et Sécurité.
Le vice-Premier ministre chargé de l’Intérieur et Sécurité mesure-t-il la gravité des déclarations qu’il a tenues, hier mercredi, à l’occasion de la présentation des matériels anti-émeute mis à la disposition de la Police nationale congolaise (PNC).
En toute solennité, le professeur Boshab - parce que c’est de lui qu’il s’agit - n’a pas caché l’objectif premier de cette première dotation à la PNc. Il s’agit, a-t-il dit, pince sans rire, de « réprimer» tous ceux qui vont s’opposer à la loi. Des « hors-la-loi» que ses services auraient, sans doute déjà fiché.
Que cette exhibition se passe à Beni dans le Nord Kivu, où plus d’un millier de Congolais ont été massacrés, on pouvait bien comprendre la déclaration va-t-en-guerre du VPM à l’Intérieur. Mais, quand de tels propos sont tenus à Kinshasa, il y a de quoi s’interroger sur les réelles motivations de celui qui s’est engagé à garantir la sécurité des biens et des personnes au sein du gouvernement dé la République.
De toute façon, le vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur et Sécurité, le professeur Evariste Boshab, a remis à la PNC des matériels roulants et équipements anti- émeute destinés à la gestion des foules lors d’éventuels troubles publics.
Ces matériels sont composés de cinq (5) véhicules à canon à eau, de cinq (5) véhicules blindés lanceurs de grenades lacrymogènes, des cartouches d’impact, des grenades assourdissants, des grenades lacrymogènes, des aérosols lacrymogènes, de cartouches explosives, des cartouches en caoutchouc, de fusils anti-émeute 38 mm, des lance-grenades anti-émeute multiple et des pistolets à impulsion électrique.
DES MATÉRIELS DE RÉPRESSION, DIXIT BOSHAB
«Aujourd’hui, la grande préoccupation, c’est à la fois de réprimer parce qu’il ne faut pas laisser la loi des hors-la-loi triompher sur la loi de la République et en même temps de faire en sorte que les droits fondamentaux du citoyen soient respectés. Voilà pourquoi ce matériel est important», a déclaré le ministre de l’Intérieur, après avoir remis les équipements au commissaire général de la PNC, Charles Bisengimana.
Evariste Boshab a expliqué que «la théorie de la baïonnette intelligente est d’application au sein de la police» congolaise. Et de prévenir : « La loi de la République va triompher face à la loi des hors-la-loi ».
Il a demandé au responsable de la police d’en « faire bon usage ». Selon lui, cette dotation est la preuve de la détermination du gouvernement congolais à « faire triompher l’état des droits ».
Le commissaire général de la PNC, Charles Bisengimana, qui a reçu ces équipements, a indiqué qu’« il s’agit d’un premier lot de matériels ». « Un deuxième lot plus important» est attendu prochainement.
Il y a cependant de questions qu’il faut se poser. Que la PNC se professionnalise en se dotant des matériels de nouvelle génération, on ne peut que s’en féliciter. Mais, il faut craindre que ces matériels ne soient détournés de leur objectif. Auquel cas, on n’est plus loin de bavures et de violations de droits de l’homme. Or en cette matière, la Cour pénale internationale (CPI), qui siège à La Haye, aux Pays-Bas, est trop attentive. Ceux qui se rendront coupables de graves faits réprimés par le droit international doivent donc bien réfléchir dans la manipulation des matériels anti-émeute acquis par le gouvernement. Sans doute les exécutants et les instigateurs ne seront pas épargnés en cas d’un usage disproportionné.
La dotation de ces équipements intervient au lendemain de la publication par e Bureau Conjoint des Nations unies aux droits de l’Homme (BCNUDH) en République démocratique du Congo le lundi 26 janvier de son rapport indiquant une « augmentation significative» de 64% des cas de violations des droits de l’Homme entre 2014 et 2015.
«En 2015, le BCNUDH a documenté 3877 violations des droits de l’Homme sur l’étendue du territoire de la RDC, ce qui représente une moyenne de plus de 323 violations par mois et une augmentation très significative de plus de 64% par rapport au nombre de violations enregistrées durant l’année 2014 (2 360 violations) », souligne ce communiqué.
Parmi les responsables de ces violations justement, le BCDUH pointe du doigt principalement les agents de la Police nationale congolaise, avec 888 violations soit 23%, et les militaires des FARDC, avec 847 violations, en hausse aussi par rapport à 2014.
Interrogé sur la publication de ce rapport, le vice-premier a remis en cause la méthode de comptabilité de statistiques de criminalité. « Ce rapport n ‘est pas contradictoire. Il n‘engage que ceux qui l’ont publié. Pour ma part, je donnerai mon point de vue dans les jours à venir parce que nous sommes en train d’analyser cas par cas. Il suffit qu’un militant de droit de l’homme qui se trouve à Kasumbalesa appelle la Monusco pour dire qu’on a arrêté les gens abusivement pour que ce cas soit comptabilisé. Disons que cette comptabilité-là ne rentre pas dans les méthodes d’établissement de statistique de criminalité », pense Evariste Boshab.
Par LP