En s’attaquant systématiquement aux opposants - La RTNC, une église au «coin» du village

Lundi 18 avril 2016 - 14:53

De média public, traditionnellement considéré comme clé de voûte de la démocratie, la RTNC est devenue depuis un instrument au service des intérêts partisans du régime en place et de la désinformation. Pire, la majorité au pouvoir utilise la RTNC pour asseoir sa propagande contre les adversaires politiques de son autorité morale dans la perspective de la présidentielle de 2016. C’est une régression de 30 ans qui vide la mission de la RTNC de toute sa substance en devenant « une église dans un coin du village ». 

Le Potentiel

 

La démocratie c’est avant tout un Etat de droit. A quoi sert un droit si on ne peut pas en jouir véritablement? La Constitution de la République démocratique du Congo consacre le droit à l’information pour tous les citoyens Congolais. « Toute personne a droit à l'information », note l’article 54 de la Constitution dans son premier alinéa. Cette information à donner aux Congolais est censée être objective, impartiale, vraie et refléter le pluralisme d’opinions. Car, un peuple mieux informé et éduqué peut participer pleinement au développement de son pays.

La Radiotélévision nationale congolaise (RTNC) est pourtant loin de remplir pareille mission. L’ingérence politique a atteint son paroxysme dans cette chaîne publique qui ploie sous l’emprise du pouvoir politique. Au lieu d’être au service de toutes les tendances politiques qui représentent le souverain primaire dans sa diversité, ce média public passe depuis pour le porte-voix de seuls hommes du pouvoir.

Le fonctionnement de la RTNC au mépris du professionnalisme et de la déontologie. Elle est devenue un instrument de propagande du régime, instaurant la pensée unique et cultivant le culte de la personnalité. Conséquence : au lieu d’informer, la RTNC désinforme la population. Pire, elle enlève toute dignité à son personnel qui se trouve dans l’obligation de dire des contre-vérités là où la vérité est connue de tous.

Les faits ne sont pas sacrés à la RTNC

Un des exemples le plus éloquent de la désinformation sur la chaîne nationale est son rendu de la journée « ville-morte » organisée le 16 février dernier par l’Opposition politique pour réclamer la démocratie et le respect de la Constitution que les caciques de la Majorité présidentielle (MP) entendent confisquer pour imposer une présidence à vie à leur autorité morale.

Pour la RTNC, la journée du 16 février 2016 était une journée ordinaire où tous les services de l’Etat ont fonctionné normalement. Mensonge public ou de l’Etat. Faux reportages à l’appui, la RTNC a tenté de faire croire à ses téléspectateurs que les acteurs politiques de l’Opposition ont échoué dans leur opération.

Quid ? Pour réussir son coup, la Majorité présidentielle s’est arrangée pour accorder la parole sur la RTNC exclusivement à ses fameux communicateurs qui n’avaient pas en face d’eux des contradicteurs de l’Opposition. De la sorte,  le pouvoir a montré qu’elle veut bien contrôler l’opinion nationale. Mais c’est à ses dépens, car la population n’est pas toujours dupe.

Aujourd’hui, tous savent que les Congolais se moquent de la chaîne publique sur les réseaux sociaux. Pour ne prendre que le dossier « ville-morte », les images ont circulé sur Internet pour montrer des marchés publics quasi vides, des écoles totalement fermées.  Il en est de même des témoignages vécus, notamment des bus Transco qui circulaient sans passagers ou transportaient des militants de la MP pour tromper l’opinion.

A son grand dam et celui de sa parraine, la RTNC s’est rendu à l’évidence que c’est en vain que l’on s’acharne à violer un des principes sacrosaints du journalisme, à savoir : « les faits sont sacrés ».

Instrument de propagande du régime

Cet épisode de la journée « ville-morte » et sa relation par les médias publics est une illustration parfaite que la RTNC fonctionne en violation de la Constitution de la République qui dispose en son article 24 : « Les médias audiovisuels et écrits d'Etat sont des services publics dont l'accès est garanti de manière équitable à tous les courants politiques et sociaux. Le statut des médias d'Etat est établi par la loi qui garantit l'objectivité, l'impartialité et le pluralisme d'opinions dans le traitement et la diffusion de l'information ».

Au regard de cette disposition, l’on voit bien que le Parlement qui contrôle l’Exécutif et les entreprises publiques devraient en principe sanctionner ceux qui cautionnent de telles dérives. Cependant, suite au copinage entre le Parlement et l’Exécutif, toutes ces violations de droits fondamentaux des Congolais, en l’occurrence, le droit de l’information restent impunies.

En réalité, les médias publics congolais sont embrigadés par le PPRD et ses partis satellites. Les JT de la RTNC sont exclusivement aux couleurs du parti présidentiel, sinon à celles de ses alliés. Alors que les acteurs politiques et même ceux de la Société civile, hostile au glissement du mandat présidentiel ou à la violation de la Constitution, ne sont jamais invités dans les JT. Exception faite de l’émission « Deux sons de cloche ». Encore que l’émission n’est jamais en direct, une façon douce de contrôler les invités. Le reste des tranches horaires des programmes sont généralement à la gloire de la mouvance présidentielle, à tort ou à raison.  Une triste réalité pour un média qui fonctionne avec l’argent du contribuable congolais mais qui est placé au service d’un groupe d’individus.

L’UNESCO définit la radiotélévision de service public comme « conçue, financée et contrôlée par le public, pour le public. Elle n’est ni commerciale ni étatique, libre de toute ingérence politique et de toute pression de la part de forces commerciales. Grâce à la radiotélévision de service public, les citoyens sont informés, éduqués et divertis. Quand elle est garantie par le pluralisme, la diversité des programmes, l’indépendance éditoriale, un financement approprié, l’honnêteté des comptes rendus et la transparence, la radiotélévision de service public peut servir de clé de voûte de la démocratie ».

Obstruction à la démocratie

C’est clair que l’existence des médias publics  forts et indépendants est un facteur clé pour la liberté de la presse et la démocratie dans un pays comme la RDC. La RTNC devrait être un moyen d’expression essentiel pour la formation de l’opinion publique. C’est elle qui devrait placer les grands débats d’actualité sur le devant de la scène pour édifier l’opinion nationale sur les enjeux de l’heure. Hélas, la RTNC occulte souvent ces débats dans l’essentiel de ses émissions en « Prime time » pour ne pas mettre en mal le pouvoir.

Même les valeurs républicaines ont cédé la place aux calomnies, injures et autres diffamations à l’endroit, notamment des adversaires politiques. Surtout ceux qui ont exprimé des ambitions à la présidentielle de 2016. Et dire que tout ceci se fait sous la barbe du Conseil supérieur de l’audiovisuel au Congo (CSAC). Malgré son statut d’institution d’appui à la démocratie, donne l’impression d’être elle aussi inféodée. Preuve : elle laisse faire la RTNC et feint de voir tout le tort causé aux acteurs politiques de l’Opposition. Bref, le CSAC manque à sa mission de garantir l’égalité d’accès, le pluralisme de l’information, la neutralité de l’information de ce média public dans le respect de la liberté d’opinion.

Le CSAC laisse la RTNC devenir au jour le jour un danger pour la jeune démocratie congolaise. Au point qu’aujourd’hui, ce média est devenu une église dans un coin du village en lieu et place du milieu du village.