
Dans l'Est de la République démocratique du Congo, des organisations de défense des droits humains tirent la sonnette d'alarme sur des cas d'enfants qui sont de plus en plus aperçus au sein de certains groupes "Wazalendo", des milices locales formées pour, selon leurs dires, défendre les territoires ancestraux face à la résurgence de la rébellion du M23/AFC.
Cette situation est dénoncée comme une violation flagrante de la loi sur la protection de l'enfance et un crime de guerre, interpellant la responsabilité partagée des parents et des groupes armés. Ces "Wazalendo" opèrent aux côtés des Forces Armées de la RDC sur de multiples fronts. Cependant, la présence d'enfants est particulièrement visible.
Armes à la main, ils sont souvent postés aux barrages illégaux sur l'axe routier Butembo-Kasindi via Kyondo, dans le territoire de Beni, ainsi que sur d'autres axes au sud-ouest de Butembo, dans le territoire de Lubero. Accompagnés d'adultes, ils extorquent de l'argent aux passants, qu'ils soient à moto ou en véhicule.
Maître Muhindo Sikwaya Merveille, coordonnateur de la Convention pour le respect des droits de l'homme (CRDH) dans le secteur de Ruwenzori (Beni), confirme ces observations et appelle au respect des droits à l'enfance.
"Nous avons effectué des suivis sur les routes Kasindi-Kambo, Kambo-Karuruma et vers le village Kasaka. Il y a des enfants au sein des résistants Wazalendo recrutés aux alentours de Kirindera, Kavasewe, Kyandengi…", a-t-il dit.
Maître Sikwya insiste sur le fait que l'enrôlement d'enfants dans des groupes armés est une violation des principes fondamentaux du droit humanitaire international.
"Même si l'on est un résistant, une fois que l'enfant mineur porte une arme, vous portez atteinte au principe de guerre. On suppose donc que vous l'avez recruté de force", explique-t-il.
Le Programme désarmement, démobilisation, relèvement communautaire et stabilisation (P-DDRCS) reconnaît cette réalité, alerté par les structures de défense des droits de l'enfant. En juin 2025, le programme a interpellé la coordination des Volontaires pour la Défense de la Patrie (VDP) pour des actions de sensibilisation urgentes.
Cependant, la synergie des Wazalendo du "front grand nord" réfute ces accusations. Guy Ngabo, porte-parole adjoint de la synergie, a affirmé que tous les commandants de groupes reconnus par le gouvernement sont "suffisamment outillés" en matière de droit humanitaire international et qu'aucun de leurs groupes n'a "jamais été le premier à enrôler des enfants mineurs". Ngabo admet toutefois que "certains mineurs expriment le désir et la volonté de rejoindre les différents mouvements", mais soutient que ces enfants sont ensuite orientés vers les organisations de protection.
Pour Julienne Njila, chargée du service AFGA (Enfants Associés aux Forces et Groupes Armés) du PDDRCS, la présence d'enfants dans les groupes VDP est "intolérable" car leur place c'est à l'école.
"Si ces groupes armés sont fatigués, qu'ils rentrent à la maison, car la porte du PDDRCS leur est ouverte. Qu'ils laissent ces enfants. Leur place est à l'école", dit-elle.
Le Parlement d'enfants Butembo-Lubero souligne également l'irresponsabilité de certains parents comme une cause majeure de ce phénomène. Ngunza Joël, président de cette structure, fustige le fait que "certains parents ne remplissent pas correctement leurs devoirs". Malgré le contexte de crise sécuritaire et économique que traverse la RDC, Ngunza insiste sur l'importance de la protection de l'enfant.
"C'est vrai que nous sommes en crise économique, mais les droits des enfants doivent être priorisés. Cela ne signifie pas que les enfants puissent adhérer aux groupes armés", exhorte-t-il.
Des organisations de protection de l'enfance annoncent des campagnes de sensibilisation à venir auprès des chefs des groupes Wazalendo dans le grand nord du Nord-Kivu, espérant mettre un terme à cette pratique qui compromet l'avenir de toute une génération.
Alphonse Muderwa