De la culture du divertissement à l’économie culturelle [ Tribune ]

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La République Démocratique du Congo, fort de ses plus de cent millions d’habitants et de sa diversité socio-ethnique est un vivier culturel. Si les qualités créatrices des congolais ne font plus l’objet d’aucun doute, avec des artistes et opérateurs culturels de renommée internationale, la culture reste un secteur perçu par une majorité des congolais comme un secteur du divertissement, voire de distraction.

Cette perception limite les investissements, ralentit les réformes et freine la structuration du secteur. Conscient de ce retard, le Gouvernement congolais, à travers le Ministère de la Culture, Arts et Patrimoine s’est engagé dans une série de réformes, dont l’adoption récente de la première politique culturelle nationale de la RDC depuis son indépendance et le Statut de l'Artiste.

Cette politique pose les bases pour une transformation de la culture en véritable levier de développement, générateur d’emplois, de valeur ajoutée et de richesses.

Cependant, la distance entre l’ambition et la matérialisation reste importante. Elle suppose une implication non seulement politique de l’État, mais également un engagement financier durable pour créer un cadre incitatif et des espaces de visibilité pour les créateurs et opérateurs culturels congolais, tout en favorisant des partenariats nationaux et internationaux.

Mais cet investissement fait aussi face à des obstacles liés aux perceptions d’une opinion publique encline à considérer les investissements dans le secteur culturel comme moins prioritaires face à d’autres besoins (sécurité, investissements sociaux, infrastructure etc.).

Le Gouvernement congolais, bien que conscient de la diversité des besoins, a intégré la nécessité pour la RDC, dans un contexte de conflit et plus globalement de diversification de son économie, d’intensifier les actions susceptibles de renforcer son soft power. Cependant, au-delà de l’impact de ces initiatives sur l’image et la perception générale du pays à l’international, il ne faut pas perdre de vue que l’objectif ultime ; à savoir, favoriser l’émergence d’une véritable économie culturelle.

Ceci suppose que la RDC, à l’instar d’autres nations, considère la culture comme une industrie à bâtir et ses produits, des matières premières à exporter au même titre que les ressources minières et minéralogiques.

Les culturels ne peuvent plus être seuls, l’État se doit de les encadrer et les accompagner. Pour se faire, la RDC pourrait s’appuyer sur les expériences d’autres pays à l’instar de la Corée du Sud.

La Corée du Sud constitue un modèle de référence dont l’expérience pourrait inspirer la RDC. L’État sud-coréen a posé très tôt une vision exportatrice de son contenu culturel (musique, cinéma, séries télévisées, jeux vidéo, animation etc.). Le gouvernement sud-coréen investit significativement dans la culture à travers un Plan de développement culturel estimé à 2,6 milliards de dollars en 2024, des appuis à la recherche et au développement culturel, l’incitation aux investissements étrangers et  des remboursements pouvant aller jusqu’à 25% des dépenses de tournages de films de plus de 5 jours avec un budget minimum de 300 000 USD par le Korean Film Council, ainsi qu’un budget substantiel alloué au ministère coréen de la culture, des Sports et du Tourisme.
Des mesures incitatives majeures ont influencé les progrès de la Corée du Sud dans ce domaine, notamment :

- le Content Industry Promotion Act qui encadre le soutien à la production et la distribution ;
- la Popular Culture and Art Industry Development Act qui protège les artistes, normalise les contrats et améliore les conditions de travail.

Grace à ce cadre juridique incitatif et la co-production, les industries culturelles sud-coréennes généraient 107 milliards de dollars de revenus en 2020, soit 6,5% du PIB. Des politiques publiques dynamiques ont contribué à l’émergence de nombreux talents, tout en faisant rayonner d’autres secteurs économique à l’instar du tourisme. Ceci a permis la transformation du soft power sud-coréen en véritable puissance économique.
Résultats et impacts : quelques success stories

1)    Squid Game (Série Netflix)

Le succès de cette production illustre la puissance de la stratégie sud-coréenne. 
Investissement initial : La saison 1 a coûté environ 21,4 millions de dollars

La valeur estimée pour Netflix :  s’élève à près de 900 millions de dollars.

Effets sur l’économie sud-coréénne : Selon un rapport de Asia Matters for América , l’investissement de Netflix en Corée du Sud grâce notamment à la série  Squid Game a créé 16.000 emplois à temps plein. La Korea Trourism Organization a indiqué que les recherches pour les voyages touristiques en Corée du Sud ont augmenté de 40% dans certains pays après le succès de la série.

L’investissement cumulatif de Netflix en Corée du Sud a rapporté au pays 4,7 milliards de 2015 à 2020.  

En conséquence, Netflix s’est engagé à investir 2,5 milliards de dollars supplémentaires dans l’industrie culturelle sud-coréenne. Avec plusieurs centaines de millions de vue par saison sur la plateforme, la série Squid Game a contribué à établir l’image de marque de la Corée du Sud à l’échèle mondiale tout en générant des revenus substantiels pour son économie.

2)    BTS : plus qu’un phénomène, un exemple de diplomatie économique

Le groupe BTS incarne la Soft power sud-coréenne dans sa forme la plus aboutie. Ce groupe de jeunes artistes produits par la société HYBE, a généré des retombés économiques considérables grâce à son succès mondial. 
Le groupe chaque année plus de 3,5 milliards à l’économie sud-coréenne.

Le groupe est également responsable de l'exportation de biens de consommation d'une valeur de 1,1 milliard de dollars pour l'économie coréenne, notamment des vêtements, des produits cosmétiques et des produits alimentaires, ce qui représente environ 1,7 % du total des exportations de biens de consommation .
Avant COVID-19, environs 7% des touristes visitant la Corée du Sud affirmaient avoir visité le pays à cause de BTS .

3)    KPop Demon Hunters
Ce film d’animation a été le numéro 1 des vues mondiales de la plateforme Netflix cumulant plus de 325 millions de vues et 541,8 millions d'heures de visionnage à la fin de sa diffusion initiale de 91 jours.

Ce film, ainsi que ses produits dérivés dont la musique (K-pop), l'animation, les jeux vidéo et autres contenus numériques est un modèle d'intégration technologique et culturelle qui résulte sur des produits variés. Ces exemples démontrent comment des mesures incitatives et des appuis directs du gouvernement à travers notamment la Korea Content Creative Agency ont permis à la Corée du Sud d’évoluer de l’expérience de dragon asiatique connue pour ses marques de voitures, téléphones et produit électroménagers (Hyundai, Samsung ou LG), vers un monstre de l’économie culturelle dont l’influence ne connait plus aucune frontière. Cette évolution ne tient pas au hasard, mais constitue le résultat direct d’une politique assumée et d’un investissement constant, moderne et sans excuses.

En conclusion, la Corée du Sud démontre que la culture peut devenir un levier de développement majeur à condition d’être gouvernée comme un secteur économique et pas comme une simple vitrine ou un simple divertissement.

Les réformes engagées par le Gouvernement congolais à travers son ministère de la Culture, Arts et Patrimoine, sont alimentés par une ambition similaire qui combine planification stratégique, innovation juridique et coopération internationale.

Ces réformes portées par le gouvernement congolais au travers du Ministère de la Culture, Arts et Patrimoine sont les fruits d’une conviction que la RDC, fort de son potentiel culturel et artistique est en mesure de transformer ce dernier en véritable levier de développement ainsi qu’un moteur économique et stratégique porté par la loi, les politiques publiques ambitieuses, la technologie et la coopération.

Nous croyons que la RDC a le potentiel de faire émerger de nombreux talent et, à travers eux, faire apprécier la touche culturelle congolaise au-delà de ses frontières.

Ceci justifie le soutien sans réserve et selon les moyens du ministère de la Culture, Arts et Patrimoine aux initiatives qui apportent les preuves que la culture congolaise est non seulement un puissant instrument de soft power, mais aussi un produit d’exportation à part entière susceptible de révolutionner l’économie congolaise.

MAINTENONS LE CAP !
Tribune du Ministère de la Culture, Arts et Patrimoine
Sur l’économie de la culture 
et la nouvelle vision du rayonnement congolais.

 

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