Affaire Chebeya:Un fils de Fidèle Bazana entendu par la justice sénégalaise

Jeudi 4 juin 2015 - 10:19

Le jeune Guylain était à Dakar pour témoigner tout l’espoir que les familles placent désormais en la justice de ce pays pour faire la lumière sur cette affaire

Le fils de Fidèle Bazana, chauffeur et compagnon de lutte de Floribert Chebeya, a été entendu le mardi 2 juin dernier par le juge d’instruction en charge de l’affaire.

Cette interrogatoire intervient un jour après la célébration du cinquième anniversaire de l’assassinat de Floribert Chebeya Bahizire et Fidèle Bazana Edadi, respectivement directeur exécutif et membre de la Voix des sans Voix (VSV), et alors qu’une mission judiciaire a lieu au Sénégal en rapport avec cette affaire.

» Au cours de cette deuxième audition de parties civiles, Guylain Bazana est venu dire tout l’espoir que les familles placent désormais en la justice sénégalaise, seule à même de mener une enquête impartiale et indépendante dans cette affaire, afin que toute la lumière sur le double assassinat de ces deux éminents défenseurs des droits humains puisse enfin être faite « , note une source proche de la FIDH.

» Cette procédure au Sénégal suscite de grands espoirs chez les familles des victimes mais aussi chez toute la communauté des défenseurs des droits humains qui, à travers le monde, exerce son travail dans la plus grande insécurité.

La contribution de la justice sénégalaise à la lutte contre l’impunité des crimes les plus graves en Afrique est plus que jamais attendue « , ont déclaré les organisations congolaises membres de la FIDH.

Espoir sur la justice sénégalaise

Alors que les tentatives de faire la lumière sur le double assassinat des défenseurs des droits humains semblent bloquées en RDC, en raison d’une volonté manifeste de Kinshasa de protéger les plus hauts responsables, en particulier les commanditaires, les organisations congolaises membres de la FIDH saluent les efforts des autorités judiciaires sénégalaises et les appellent à poursuivre leur enquête dans cette affaire hautement symbolique.

En effet, depuis l’affaire Hissène Habré, c’est la première fois qu’une procédure en compétence extraterritoriale est initiée au Sénégal et cette étape constitue un signal fort et positif que la justice sénégalaise entend contribuer de façon substantielle à la lutte contre l’impunité des crimes les plus graves perpétrés sur le continent africain.

Rappel des faits

Convoqué, le 1er juin 2010, par le général John Numbi Banza Tambo, inspecteur général de la police nationale congolaise (IG/PNC), Floribert Chebeya avait été retrouvé sans vie le 2 juin 2010 au matin dans son véhicule, tandis que Fidèle Bazana était porté disparu.

A l’issue d’un procès marqué par de nombreux incidents, la Cour militaire de Kinshasa reconnaît, le 23 juin 2011, la responsabilité civile de l’État congolais dans l’assassinat de Chebeya, ainsi que dans l’enlèvement et la détention illégale de Bazana par plusieurs de ses agents et condamne 5 des 8 policiers accusés, dont 4 à la peine capitale et un à la prison à perpétuité.

Trois des condamnés à mort sont toujours en fuite, et trois policiers, dont l’instruction avait pourtant révélé le rôle dans la disparition de Fidèle Bazana, ont été acquittés.

Le 7 mai 2013, la Haute cour militaire, saisie en tant que juridiction d’appel, se déclare incompétente pour instruire des questions procédurales et décide de saisir la Cour suprême de justice, qui fait office de Cour constitutionnelle, ce qui a suspendu de fait la procédure judiciaire d’appel.
Le 21 avril 2015, après près de deux ans d’interruption, le procès en appel a repris devant la Haute cour militaire.

En première instance comme actuellement en appel, aucune procédure judiciaire n’a jamais été engagée par les autorités congolaises pour instruire le rôle joué par le général John Numbi, qui a depuis été remplacé à la tête de la police nationale, malgré l’existence de preuves et le dépôt de plaintes nominatives par les familles des deux défenseurs.

La FIDH et les familles des victimes ont décidé de déposer plainte avec constitution de partie civile, le 2 juin 2014, devant la justice sénégalaise sur la base de la loi sénégalaise dite de compétence extra territoriale du 12 février 2007 qui intègre en droit sénégalais la Convention des Nations unies contre la torture.

Selon cette disposition du Code pénal sénégalais, les tribunaux sénégalais peuvent juger toute personne suspectée de torture, si elle se trouve au Sénégal, même si la victime ou l’auteur du crime ne sont pas sénégalais et que le crime n’a pas été perpétré au Sénégal.

Cette plainte visait Paul Mwilambwe, l’un des responsables présumés dans l’affaire du double assassinat des défenseurs Floribert Chebeya et Fidèle Bazana, qui avait trouvé refuge au Sénégal.

Le 26 août 2014, la justice sénégalaise faisait suite à cette plainte en entendant, pour la première fois, les parties civiles, confirmant ainsi la plainte et ouvrant l’information judiciaire sur le double assassinat des défenseurs des droits humains, alors que l’affaire était bloquée en RDC.

Le 8 janvier 2015, Paul Mwilambwe, était entendu par un juge d’instruction sénégalais, avant d’être inculpé et placé sous contrôle judiciaire à Dakar.

Par Godé Kalonji Muk

 

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