Ayant fait sien le principe général (universel) selon lequel « Il n’y a pas de crime, il n’y a pas de peine sans loi», en latin, « Nullum crimen, nulla poena sine lege », formule de la légalité des délits et des peines, le Congo-Kinshasa s’est élaboré depuis l’époque coloniale un Code pénal énumérant, définissant et réprimant tous les comportements jugés incompatibles avec son ordre social.
Pour le commun des mortels, le Code pénal peut être considéré comme un catalogue des comportements répréhensibles, avec des peines minimum et maximum attachées à chacun d’eux afin de permettre au juge d’en apprécier le dosage dans son jugement, selon le degré de gravité.
Peu importe qu’il soit désapprouvé sur le plan moral ou religieux, tout autre comportement non judiciarisé par le législateur est considéré comme normal, en vertu de l’autre principe selon lequel « Ce qui n’est pas interdit, est permis ».
Alors que les parlementaires élaborent les lois, c’est à la justice qu’est laissée la charge de les appliquer en interpellant et en sanctionnant quiconque les transgresse.
Avec l’évolution des mentalités, il peut arriver que la société finisse par trouver normaux certains comportements jadis non-conformes à la loi et à ses valeurs sociales. Ce qui est différent de l’attitude passive de la justice qui refuse d’examiner sans raison valable certaines affaires alors qu’elle en a la compétence.
Dans le premier cas, on parle de désuétude et, dans le second cas, de déni de justice. En termes encore plus simples, la désuétude désigne tout ce qui est démodé tandis que juridiquement, le déni de justice « est le refus par une juridiction de juger une affaire, alors qu’elle est habilitée à le faire. Par extension, le déni de justice peut être caractérisé par le retard excessif mis par les juges à statuer ».
A cause de plusieurs maux qui rongent la justice congolaise et qui ternissent son image, il est parfois difficile de distinguer avec exactitude les infractions tombées en désuétude de celles qui relèvent du déni de justice.
A l’aide de quelques infractions triées dans notre code pénal, le lecteur pourra apprécier la part de responsabilité de la société, des pouvoirs publics(les politiques) et du Pouvoir judiciaire dans la désuétude et comprendra comment le déni de justice perturbe davantage l’ordre public et accentue les tensions sociales.
1. Quand la désuétude inverse l’échelle des valeurs
Avec le temps et surtout du fait que ceux qui sont chargés de réprimer les infractions reprises dans notre Code pénal, certaines pratiques barbares et certains comportements qui heurtent encore les bonnes consciences ont tendance à s’imposer dans la société congolaise comme étant des valeurs.
Au nombre de ceux-ci, nous citons quelques-uns en les illustrant par des exemples.
-Les épreuves superstitieuses (art. 57 du code pénal)
« Seront punis d'une servitude pénale d'un mois à deux ans et d'une amende de vingt cinq à deux cents zaïres ou d'une de ces peines seulement, les auteurs de toute épreuve superstitieuse consistant à soumettre, de gré ou de force, une personne à un mal physique réel ou supposé, en vue de déduire des effets produits l'imputabilité d'un acte ou d'un événement ou toute autre conclusion.
Si l'épreuve a causé une maladie ou une incapacité de travail personnel, ou s'il en est résulté la perte de l'usage absolu d'un organe ou une mutilation grave, les auteurs seront punis d'une servitude pénale de deux mois à vingt ans et d'une amende de cent à deux mille zaïres, ou d'une de ces peines seulement. Ils seront punis de mort si l'épreuve a causé la mort ».
La prolifération des églises dites de réveil a amené certains « hommes de Dieu», spécialistes des « guérisons miraculeuses », à soumettre leurs fidèles à des pratiques consistant parfois à leur faire vomir des crapauds et des reptiles, à marcher sur eux ou à toucher des parties intimes des femmes sous prétexte de les délivrer des esprits maléfiques.
« Curieusement, ces superstitions, ces pratiques barbares, ne constituent pas des traditions anciennes en Afrique. Elles sont apparues récemment, il y a seulement quelques décennies. Certes, elles puisent leurs racines dans les croyances animistes ancestrales, mais comme l’explique une étude menée en 1999 dans la République Démocratique du Congo(RDC), +Autrefois, lorsqu’une personne était accusée de sorcellerie, le village lui faisait une cérémonie de désenvoûtement. Elle n’était jamais chassée de la maison, surtout lorsqu’il s’agissait d’un enfant+ ».
A cause du silence des victimes consentantes, ces ministres de Dieu ne sont jamais inquiétés par la justice, ce qu’ils font étant naïvement considéré comme normal et spirituel.
-L’outrage public aux bonnes mœurs (articles 175 et 176 du code pénal)
Article 175 : « Quiconque aura exposé, vendu ou distribué des chansons, pamphlets ou autres écrits, imprimés ou non, des figures, images, emblèmes ou autres objets contraires aux bonnes mœurs, sera condamné à une servitude pénale de huit jours à un an et à une amende de vingt-cinq à mille zaïres ou à l'une de ces peines seulement.
Sera puni des mêmes peines quiconque aura, en vue du commerce ou de la distribution, détenu, importé ou fait importer, transporté ou fait transporter, remis à un agent de transport ou de distribution, annoncé par un moyen quelconque de publicité des chansons, pamphlets, écrits, figures, images, emblèmes ou objets contraires aux bonnes mœurs.
Dans les cas prévus par les alinéas précédents, l'auteur de l'écrit, de la figure, de l'image, celui qui les aura imprimés ou reproduits et le fabricant de l'emblème ou de l'objet seront punis d'une servitude pénale d'un mois à un an et d'une amende de cinquante à deux mille zaïres ou d'une de ces peines seulement.
Quiconque aura chanté, lu, récité, fait entendre ou proféré des obscénités dans des réunions ou lieux publics devant plusieurs personnes et de manière à être entendu de ces personnes, sera puni d'une peine de servitude pénale de huit jours à un an et d'une amende de vingt-cinq à mille zaïres ou d'une de ces peines seulement ».
Article 176 : « Quiconque aura publiquement outragé les mœurs par des actions qui blessent la pudeur, sera puni d'une servitude pénale de huit jours à trois ans et d'une amende de vingt-cinq à mille zaïres ou d'une de ces peines seulement ».
Qu’ils résident au pays ou qu’ils soient de la diaspora, tous les Congolais sont quotidiennement victimes, sous plusieurs formes et à de degrés divers, d’actes d’outrages publics aux bonnes mœurs.
En effet, dans les rues de Kinshasa, il est devenu gênant pour les parents et pour quiconque considère la pudeur comme une des valeurs traditionnelles, de sortir en compagnie de ses enfants de peur d’affronter le spectacle « bipant » qu’offrent des filles à moitié habillées qui exhibent les parties corporelles jugées sacrées dans toutes les traditions congolaises.
Pour les mêmes raisons, beaucoup de parents n’osent plus regarder la télévision parce qu’à travers la musique congolaise dite moderne, toutes les chaînes, y compris la chaîne nationale, diffusent à longueur des journées des images des filles(dont certaines sont mineures) dansant presque nues ou soulevant par moment leurs lingeries pour offrir aux regards des téléspectateurs, parmi lesquels leurs propres parents, ce que la femme a de plus intime (ex. les images qui avaient circulé sur le Net montrant une danseuse de Tshala Mwana en Afrique de l’Est).
Nous n’en dirons pas plus des cinés de fortune qui projettent des films pornographiques auxquels assistent des mineurs aux côtés des adultes ou de ces terrains de jeu municipaux qui, la nuit tombée, se transforment en lieux de prostitution à ciel ouvert, sans réaction efficace des Bourgmestres.
Les nostalgiques Congolais de la diaspora, qui ont leur cœur en permanence au pays, ne sont pas non plus épargnés et ce, à travers les nouvelles technologies de l’information et de la communication et leurs réseaux sociaux (internet, facebook, youtube, etc.).
Quant aux jeunes, principalement ceux de la génération « Tchatcho » et «Ndombolo », ils n’y trouvent rien d’anormal d’autant plus que leurs congénères, qui ont choisi cette carrière d’ « artistes musiciens », et de danseurs pour braver le chômage et la misère, roulent carrosse ou s’achètent des maisons que des cadres universitaires ne peuvent se permettre d’acquérir jusqu’à leur retraite.
De nos jours, des veillées mortuaires ou des funérailles sont devenues des lieux où des jeunes des deux sexes s’adonnent à cœur joie à des spectacles obscènes qui contrarient même les familles éprouvées mais qui sont paradoxalement applaudies par les foules en liesse.
Dans certains lieux de culte, des pasteurs font régulièrement face à des exhibitions provocatrices de leurs fidèles de sexe féminin qui les forcent à se rincer l’œil et qui, paradoxalement se disent « croyantes », comme tout Congolais.
Tout ceci se passe sous le nez et la barbe de la police, de l’Association des moralistes congolais (AMOC), impuissante, de la Commission nationale de censure, du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSAV) et surtout du bouillant Ministre de l’Information et de la Communication, toujours prompt à fermer les organes de presse et les médias appartenant aux adversaires politiques qui osent user de leur liberté d’expression garantie par la Constitution et les instruments juridiques internationaux.
Quoi de plus étonnant, dans la mesure où les mêmes autorités militaires, policières et politico-administratives trouvent du plaisir que leurs noms soient déclinés à travers cette musique immonde et perverse?
A Kinshasa, il est d’ailleurs plus facile pour un musicien que pour un professeur d’université, un médecin, un chercheur ou un investisseur congolais d’obtenir une audience chez un ministre.
-Dégradation des tombeaux (article 111 du Code pénal)
« Sera puni d'une servitude pénale d'un mois à un an et d'une amende de vingt-cinq à cinq cents zaïres quiconque aura détruit, abattu, mutilé ou dégradé : des tombeaux, signes commémoratifs ou pierres sépulcrales; des monuments, statues ou autres objets destinés à l'utilité ou à la décoration publique ».
Dans toute leur diversité, les traditions congolaises protègent jalousement les tombeaux de ceux qui nous précèdent dans l’au-delà, car en Afrique les morts ne sont jamais morts.
Ceux qui, comme nous, ont eu le privilège de connaître la campagne dans leur vie, savent qu’à cause d’une tombe ancestrale, un conflit sanglant peut opposer des clans ou des villages entiers.
Malheureusement, cette paix et ce repos éternels tant souhaités à nos morts ne peuvent plus leur être garantis à cause de la cupidité des dirigeants territoriaux d’une part, et du fait du renversement de l’échelle des valeurs d’autre part.
Pour ne parler que de la ville de Kinshasa, où les cimetières de Kintambo et Kimbanseke par exemple ont été « officiellement » fermés depuis très longtemps, on continue d’y enterrer des morts, sur base des permis d’inhumation délivrés par l’Hôtel de ville, en détruisant les anciennes tombes et en jetant les ossements de ceux qui y avaient précédé.
Il y a quelques années, le prestigieux Cimetière de la Gombe, à Kinshasa, donnait l’image désolante. En plein centre ville, il était même devenu, au vu et au su de toutes les autorités politiques, administratives, policières et judiciaires, un lieu où les enfants et les couples de la rue se donnaient rendez-vous pour satisfaire aisément et sans frais leurs instincts charnels.
Comment et avec quels arguments convaincre ces enfants de la rue de respecter les morts et les tombeaux alors que les autorités politiques et administratives ne se gênent pas d’enfuir dans des fosses communes des centaines de corps de leurs concitoyens sans se donner le moindre souci de les identifier et de leur offrir une sépulture digne pour le repos de leurs âmes?
2. Le déni de justice, méthode utilisée pour écraser les faibles
Le refus pour une juridiction d’examiner une cause dont elle est saisie et dont elle est compétente fait partie des réalités judiciaires congolaises. Comme on peut s’en douter, c’est malheureusement l’actuelle Cour suprême de justice qui donne le mauvais exemple de déni de justice.
Deux cas ont retenu notre attention et méritent d’être exposés étant donné qu’ils concernent des recours en annulation introduits par des magistrats révoqués en 1998 et en 2009.
2.1. En réponse aux recours en annulation introduits par des magistrats révoqués irrégulièrement en 1998, sur de fausses propositions du Conseil Supérieur de la Magistrature et sans preuves des griefs collectivement et indistinctement mis à charge de tous les magistrats, la CSJ avait qualifié le décret présidentiel d’acte de gouvernement et prétendu qu’elle était incompétente à statuer.
Ce qui est totalement faux car un décret (équivalent d’une ordonnance) n’est rien d’autre qu’un acte réglementaire comme tout autre et qui n’échappe pas au contrôle de légalité.
Nous en voulons pour preuve, l’ordonnance signée par le Président Mobutu le 12 mars 1986, qui retirait à l’Association sans but lucratif dénommée Témoins de Jéhovah la personnalité civile au motif que ses activités troublaient l’ordre public.
Dans son livre « L’affaire des 315 magistrats de Kinshasa, une purge néo mobutiste », Jean-Pierre Kilenda Kakengi Basila écrit ceci : « On se souviendra que, dans un passé récent, la même Cour suprême de justice avait annulé pour excès de pouvoir une ordonnance présidentielle qui avait retiré la personnalité civile à l’association sans but lucratif les « Témoins de Jéhovah » pour n’avoir pas motivé sous l’angle de trouble à l’ordre public qui lui était imputée.
La Cour s’était déclarée compétente pour connaître de cette requête en annulation sans exciper de la théorie de l’acte de gouvernement à caractère politique ».
Ce n’est qu’à la faveur de l’Accord global de Sun City que les magistrats infortunés purent reprendre le chemin des Palais de justice. Entre temps, certains parmi eux étaient morts de crise ou de misère tandis que d’autres avaient assisté impuissants à la dislocation de leurs foyers ou à la perversion de leurs enfants.
Ce qu’il convient de retenir dans l’attitude des Hauts magistrats, c’est qu’ils venaient d’être promus, sans le concours du Conseil supérieur de la magistrature, pour remplacer leurs prédécesseurs massivement mis à la retraite anticipée. Il y avait là leurs postes à protéger face au Président de la République qui venait de leur offrir ce cadeau.
A propos de ce déni de justice qui saute aux yeux, Kilenda (p.141) enchaîne : «En s’abritant derrière la théorie de l’acte de gouvernement à caractère politique qui n’a pas sa place dans les rapports juridiques entre l’État et les fonctionnaires de justice dont la situation statutaire est régie par une loi prescrivant leurs droits et leurs devoirs, la CSJ a volé malhonnêtement au secours du Pouvoir exécutif désemparé par la monstruosité de son acte décrétal en rébellion contre toutes les normes internationales et nationales en vigueur en matière disciplinaire et judiciaire ».
« Il suit de la jurisprudence antérieure sus évoquée en ce domaine et dont elle a rompu la constance sans motif plausible que la Cour Suprême a offert une bouée de sauvetage à l’exécutif avec des arguments fallacieux ».
2.2. Les 96 autres magistrats révoqués en 2009 et qui n’ont pas eu la chance de connaître un règlement politique semblable à l’Accord global de Sun City continuent désespérément d’attendre une hypothétique clémence du Président de la République, plus sourd que jamais à leur situation.
Car, en coulisse, les Hauts magistrats que nous contactons nous laissent entendre que c’est une affaire compliquée, que seul le Président de la République peut dénouer.
En parlant de la sorte, ces magistrats oublient d’invoquer, en ce qui les concerne, le caractère politique, plutôt que légal, de leurs propres nominations et promotions qui n’ont pas été filtrées et proposées par le Conseil Supérieur de la magistrature, seul organe constitutionnellement et légalement habilité à le faire.
2.3. Le déni de justice, c’est le plus souvent aussi la pratique consistant pour les Procureurs de retarder sans juste motif la fixation, devant les juridictions compétentes, des dossiers déjà instruits; pour les chefs des juridictions de retarder inutilement la fixation de la date d’audience et pour les juges de rendre plus élastique le délai de prononcé des affaires prises en délibéré.
C’est de cette situation, qualifiée de « manquement à l’exigence déontologique de diligence », que le Premier président de la Cour d’appel de Kinshasa a parlé récemment, le 29 octobre 2015, à l’occasion de la rentrée judiciaire :
« Certains juges accumulent des délais déraisonnables dans les affaires de justice; tandis que pour des crimes internationaux, aucune Cour d’appel n’a encore rendu de décision en cette matière. C’est pourquoi, nous avons tenu à rappeler les délais de prononcé des jugements et arrêts dans différentes matières. Mais face au non respect de ces délais par les magistrats du siège du ressort de la Cour d’appel de Kinshasa/Gombe, la résignation n’est pas de mise. Le chef du ressort que nous sommes, ne pouvait s’accommoder d’une situation de lenteur qui contribue à ternir l’image de la justice ».
« Dès lors il nous revient de rappeler que le législateur n’a pas démissionné de ses responsabilités, car il existe des lois qui ligotent en quelque sorte les juges pour vaincre leur lenteur. Les conséquences du non respect des délais ont été rappelées pour placer chaque acteur devant ses responsabilités ».
Ce que les profanes de la justice devraient retenir de ce discours, c’est qu’en réalité les juges ont pris l’habitude de trier les dossiers qui leur sont financièrement favorables et ceux pour lesquels ils sont instrumentalisés par le Pouvoir politique, au détriment de ceux qui ne font pas leur affaire. D’où, la lenteur dénoncée par ce Premier Président correspond parfaitement à la définition du déni de justice telle que présentée ci-dessus.
C’est ainsi qu’à l’exception de certains dossiers qui sont vite expédiés pour écraser un adversaire gênant (cas de Bertrand Ewanga), d’autres sont inutilement gelés, surtout lorsque les charges ne sont pas consistantes, pour simplement réduire une catégorie de justiciables au silence.
Nous pouvons citer les cas de Christohper Ngoy et de Jean Claude Muyambo, tous deux arrêtés et détenus sans jugement depuis janvier 2015 à l’occasion des manifestations populaires contre la loi électorale.
Avocat de profession, J.C. Muyambo l’a bien compris en attaquant devant la Cour suprême de justice les magistrats qu’il accuse notamment de déni de justice.
« L’Association congolaise pour l’accès à la Justice(ACAJ) salue l’ouverture, le 30 octobre 2015 à Kinshasa, devant la Cour suprême de justice, du procès qui oppose le bâtonnier Jean-Claude Muyambo, président du parti politique de l’opposition dénommé +Solidarité congolaise pour le développement(SCODE)+, à quatre magistrats pour dol et déni de justice ».
« L’ACAJ constate qu’effectivement, il y a non seulement des actes de déni de justice, mais surtout d’un dol caractérisé par la mauvaise foi, des artifices et des manœuvres qui ont été employés par lesdits magistrats dans le but de donner une valeur juridique apparente à la décision de traduire Muyambo devant un tribunal de jugement d’une part; et de lui priver la liberté de mouvement en dehors des conditions prévues par la loi en la matière, d’autre part ».
3. Constats et propositions de remèdes
Pour mériter n’importe quelle charge publique au Congo/Kinshasa, il est souvent exigé aux candidats de fournir l’attestation de bonne conduite, vie et mœurs ou un extrait de casier judiciaire que l’on peut malheureusement se procurer en 24 heures moyennant espèces sonnantes et trébuchantes.
Quelle valeur probante et juridique accorder à ces documents dans un pays où des parents vivent de la perversité de leurs enfants, où d’autres se délectent des spectacles obscènes et où les noms des dirigeants politiques sont mêlés à des œuvres musicales véhiculant ces obscénités?
Quel est finalement l’avenir de ce pays qui perd chaque jour ses repères moraux et où le Pouvoir judiciaire, chargé de réguler indistinctement les comportements de chacun, dépouille le code pénal de sa substance et administre une justice sélective tant en ce qui concerne les infractions à examiner que les personnes à juger ?
Que reste-t-il encore du code pénal congolais face à toutes ces situations qui favorisent artificiellement la désuétude et le déni de justice ?
C’est pourquoi nous suggérons :
-Au futur gouvernement
De financer une étude multidisciplinaire regroupant en trois sous-commissions des sociologues, des moralistes, des juristes (magistrats retraités et en fonction), des chercheurs en Droit pénal, des criminologues et des spécialistes de la gestion des ressources humaines. Ces spécialistes seront chargés de chargés de :
- revisiter le code pénal congolais afin d’en recenser toutes les infractions et délits tombés naturellement en désuétude à cause de l’évolution des mentalités;
- proposer, à l’intention du législateur, les délits et les infractions dont les peines méritent d’être actualisées à la hausse du fait qu’ils incarnent et protègent nos valeurs sociales et identitaires;
- étudier l’évolution statistique de la criminalité dans le but de dégager, province par province, la tendance criminelle des faits couramment examinés devant les juridictions congolaises;
- élaborer (nous sommes disposé d’y apporter notre modeste contribution) un profil des compétences spécifiques au pouvoir judiciaire. Ce document contiendra, comme dans la plupart des pays avancés, la description du poste à pourvoir, les tâches attendues, les compétences à réunir, les critères objectifs à remplir pour le recrutement, la promotion et l’évaluation du rendement.
-Au futur Pouvoir législatif
En contre partie des pouvoirs exorbitants dont les magistrats disposent sur les justiciables, et pour éviter qu’ils n’en abusent, une loi devra été votée faisant du déni de justice, jusque là une faute disciplinaire (article 47 de la loi portant statut des magistrats), une infraction à charge du coupable comme cela est le cas en droit belge et français.
Ainsi, outre les sanctions disciplinaires à infliger au magistrat fautif par le Conseil supérieur de la magistrature, les victimes du déni de justice auront l’occasion de se constituer parties civiles pour réclamer à ces derniers des dommages et intérêts pour les préjudicies subis.
En France, « La Loi no 2007-1787 du 20 décembre 2007 sur la simplification du Droit a caractérisé le déni de Justice par la circonstance que les juges ont refusé de répondre aux requêtes ou ont négligé de juger les affaires en état et en tour d’être jugées. Ce même texte précise que l’État est civilement responsable des condamnations en dommages et intérêts qui sont prononcées à raison des faits de déni de justice sauf son recours contre les juges qui s’en sont rendu coupables ».
-Au Conseil supérieur de la magistrature
De revenir aux plus vieilles bonnes habitudes de veiller à l’évaluation annuelle du rendement des magistrats. C’est impérativement, d’ailleurs, de ce rendement que doivent dépendre les propositions objectives de promotion à un grade supérieur et de nomination à des postes de commandement.
Cette évaluation consistera pour les chefs de juridiction d’établir le ratio entre les dossiers reçus et ceux pris en délibéré et entre ceux-ci et ceux ayant abouti à un jugement sur le fond.
Pour les chefs des parquets, l’évaluation consistera notamment à faire le même exercice entre les dossiers attribués et ceux instruits, entre ceux-ci et ceux classés sans suite ou fixés devant les juridictions compétentes, de même que le nombre de réquisitoires et d’avis rédigés respectivement en matières pénale, civiles, commerciales ou du travail.
Il y a lieu de signaler que pour éviter d’étaler publiquement leur incompétence devant les justiciables et les avocats, beaucoup de magistrats du parquet trouvent souvent des excuses pour fuir les audiences et se faire remplacer par leurs collègues. C’est connu dans tous les Palais de justice du pays.
Conclusion
Par la faute et avec la complicité de ceux qui nous dirigent, les Congolais sont en train d’assister à la liquidation systématique de tout ce que les ancêtres leur ont légué comme patrimoine.
Comme si ça ne suffisait pas de voir l’intégrité du territoire national être constamment menacée et les ressources naturelles profiter aux pays voisins qui en sont naturellement dépourvus, c’est maintenant le tour de nos valeurs sociales, fondement de notre identité.
Que va-t-il nous rester de cette identité si ceux, les magistrats, qui sont chargés de la protéger par les sanctions du Droit pénal ont choisi de simplement écraser leurs concitoyens et de ne s’intéresser qu’aux affaires qui font leur bonheur ?
Ensemble (classe politique, intellectuels et société civile), il est temps qu’on se réveille et qu’on se remette en question pour redresser notre pays en perdition. Le Pouvoir judiciaire mérite pour cela l’attention de nous tous pour relever ce défi.
(*) Juriste&Criminologue