Certificat Phytosanitaire à l’exportation du bois: l’Environnement dans l’illégalité ?

Lundi 15 février 2016 - 12:16

 

Dans un document que s’est procuré la rédaction de 7sur7.cd, rédigé par Alain Ikala Engunda, avocat et ancien Chargé de Mission adjoint du Fonds Forestier National, il se pourrait que le certificat phytosanitaire délivré par la Direction de la Gestion Forestière du Ministère de l’Environnement, après paiement d’une taxe, à tout exportateur de bois, relève plutôt de la compétence du Ministère de l’Agriculture. Ce qui confère un caractère illégal à ce document aussi longtemps que la situation ne change pas.

In extenso ce document :

Exigence phytosanitaire : Les exportations de bois de la RDC en danger.

Introduction
Avant toute exportation de bois, nous constatons que les exploitants forestiers en République Démocratique du Congo sont tenus d’obtenir, après acquittement préalable d’une taxe, un certificat phytosanitaire auprès de la Direction de Gestion Forestière (DGF) attaché au Ministère en charge de l’environnement.

Toutefois, après une analyse rigoureuse sur la question, nous sommes d’avis que :
• cette direction n’est pas habilitée à fournir le certificat phytosanitaire ;
• le certificat phytosanitaire fourni par cette direction n’est pas conforme à celle exigé par la réglementation.
Bases légales
Le certificat phytosanitaire découle de la Convention Internationale pour la Protection des Végétaux(CIPV), dont la RDC a adhéré depuis 4 mai 2015, et qui stipule en son article 5 que « chaque partie contractante prendra les dispositions nécessaires concernant la certification phytosanitaire, dans le but de garantir que les envois de végétaux, produits végétaux et autres articles réglementés exportés soient conformes à la déclaration de certification à effectuer en vertu du paragraphe 2 (b) du présent article » qui stipule que « les certificats phytosanitaires, ou leur version électronique si celle-ci est acceptée par la partie contractante importatrice, devront être libellés conformément aux modèles reproduits en annexe à la présente Convention ». Aussi l’article 4 de ladite convention précise que « chaque partie contractante s'engage à prendre les dispositions nécessaires pour mettre en place, dans la mesure de ses possibilités, une organisation nationale officielle de la protection des végétaux…. qui aura, notamment pour tâche de délivrer les certificats relatifs à la réglementation phytosanitaire de la partie contractante importatrice pour les envois de végétaux, produits végétaux et autres articles réglementés ».
En perspective à l’adhésion à la Convention Internationale pour la Protection des Végétaux, la RDC avait promulgué, en décembre 2011, la Loi n°11/022 portant principe fondamentaux à l’agriculture qui stipule, en son article 49, que «l’importation ou l’exportation des végétaux, produits végétaux, sols ou milieux de culture et agents de lutte biologique est assujettie à l’obtention d’un certificat phytosanitaire … ». Afin de mettre en œuvre cette disposition, ledit article rajoutait qu’« un décret délibéré en Conseil des ministres fixe les mesures de protection phytosanitaire ainsi que les conditions de délivrance du certificat phytosanitaire ». Certificat qui, selon l’article 3 (5) de ladite Loi, se définit comme un « document officiel conforme au modèle établi par la Convention internationale pour la protection des végétaux, attestant de l’état sanitaire d’un envoi soumis au contrôle phytosanitaire ».

 
Analyse
Etant donné que le Décret portant fixation des mesures de protection phytosanitaire ainsi que les conditions de délivrance du certificat phytosanitaire n’est pas encore pris comme le prévoit la loi n°11/022 du 24 décembre 2011 portant principe fondamentaux à l’agriculture et que l’on ne peut créer un vide juridique préjudiciable aux exploitants forestiers, le principe de la continuité des services publics peut être ici applicable. Dans ce cas, ce sont les services chargés de la protection des végétaux du Ministère ayant l’Agriculture dans ses attributions qui doivent fournir le certificat phytosanitaire en vertu de l’article 28 du Décret n° 05/162 du 18 novembre 2005 portant réglementation phytosanitaire en République Démocratique du Congo qui stipule que « la sortie des végétaux, produits végétaux ou denrées alimentaires d’origine végétale ou minérale définis à l’article 3 ci-haut est conditionnée selon le cas par la détention d’un certificat phytosanitaire, de fumigation ou certificat de salubrité délivré par les services chargés de la protection des végétaux du Ministère ayant l’Agriculture dans ses attributions et attestant le bon état phytosanitaire des végétaux, produits végétaux ou denrées alimentaires d’origine végétale ou minérale. Le Ministère ayant dans ses attributions l’Agriculture détermine les conditions de délivrance du certificat phytosanitaire, de fumigation ou de la salubrité.»
Au regard de ces faits, force est de conclure que la Direction de Gestion Forestière (DGF) n’a pas compétence à délivrer le certificat phytosanitaire s’agissant des exportations de bois.
De plus, le modèle de certificat phytosanitaire délivré par la DGF ne correspond pas au modèle exigé de la Convention Internationale pour la Protection des Végétaux.
En effet, l’article 5 de ladite convention stipule que « chaque partie contractante s'engage à ne pas exiger, pour accompagner les envois de végétaux, produits végétaux ou autres articles réglementés importés dans son territoire, de certificats phytosanitaires non conformes aux modèles reproduits en annexe à la présente Convention »
A la lecture du certificat phytosanitaire actuellement délivré par la DGF, celui-ci ne mentionne ni le point d’entrée déclaré du produit exporté ni la disposition obligatoire suivante :
« Il est certifié que les végétaux, produits végétaux ou autres articles réglementés décrits ci-dessus ont été inspectés et/ou testés suivant des procédures officielles appropriées et estimés exempts d'organismes de quarantaine comme spécifié par la partie contractante importatrice et qu'ils sont jugés conformes aux exigences phytosanitaires en vigueur de la partie contractante importatrice, y compris à celle concernant les organismes réglementés non de quarantaine. »
En lieu et place de cette disposition, le certificat phytosanitaire émis par la DGF stipule plutôt que « les produits forestiers et ligneux, grumes ou bois transformés décrits ci-dessous ont été minutieusement examinés en totalité ou sur un échantillon représentatif le (date) par (nom de la personne), agent habilité de l’inspection phytosanitaire ou du Service de la Protection des produits forestiers. Ils ont été indemnes au moment de l’inspection de tout symptôme de maladie et de toute trace de la présence d’ennemies dangereux des cultures. L’envoie est estimé conforme aux règlements phytosanitaire actuellement en vigueur dans le pays importateur ».
Non seulement, cette disposition ne correspond pas au modèle prescrit par la convention Internationale pour la Protection des Végétaux mais elle a la prétention d’affirmer qu’elle est conforme aux règlements phytosanitaires actuellement en vigueur dans le pays importateur. En effet, le point d’entrée du produit (pays importateur) n’étant pas indiqué dans le certificat phytosanitaire émis par la DGF, il est impossible de savoir si le contrôle phytosanitaire effectué est conforme à celui du pays importateur.
Conclusion
Les conséquences néfastes d’une telle situation sont telles que, si les pays importateurs se rendent compte que le certificat phytosanitaire de la RDC s’agissant des exportations de bois est non seulement délivré par un service non compétent et qui en plus ne correspond pas au modèle prescrit, il y a des fortes chances que les exportations de bois en provenance de la RDC connaissent un coup d’arrêt en attendant cette régularisation.

En effet, à titre illustratif, l’article 13 de la Directive Européenne n° 2000/29/CE du Conseil en date du 8 mai 2000 concernant les mesures de protection contre l'introduction dans la Communauté d'organismes nuisibles aux végétaux ou aux produits végétaux et contre leur propagation à l'intérieur de la Communauté stipule que « les États membres prescrivent au moins pour l'introduction sur leur territoire des végétaux, produits végétaux en provenance de pays tiers le certificat phytosanitaire délivré conformément au modèle fixé à l'annexe de la Convention Internationale pour la Protection des Végétaux ».
Dans l’espoir que les autorités agissent en conséquence.

Maitre Alain Ikala ENGUNDA

 

Une affaire à suivre.

 

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