Dans l’opinion, le cercle de sceptiques s’élargit sur l’indépendance vraie ou supposée de la Ceni. En cause, la double démission du président Apollinaire Malumalu et du vice-président André Mpungwe. La décapitation de cette institution citoyenne, qui étrenne la série de départs à tous les postes, rend hypothétique la tenue d’élections dans les délais prescrits par la Constitution. Cette déstabilisation presque planifiée profile l’ombre du glissement tant redouté.
Un vent violent souffle sur la Ceni (Commission électorale nationale indépendante). La démission de son président, M. l’abbé Apollinaire Malumalu, suivie de celle de son adjoint, le PPRD André Mpungwe, a mis à nu les graves distorsions qui minent la centrale électorale. A la Ceni, le climat est malsain. Il s’est profondément détérioré qu’on ne peut pas, dans ces conditions, prétendre à des élections libres et démocratiques à l’horizon 2016.
Des sources renseignent que d’autres départs sont attendus au sein de la Commission électorale nationale indépendante à telle enseigne que d’aucuns craignent que celle-ci ne devienne au bout du compte une coquille vide. A qui peut bien profiter cette situation d’impasse ? Suivez mon regard. Raison pour laquelle le doute persiste sur la capacité de la Ceni, en son état actuel, d’amener le peuple congolais à un processus électoral apaisé.
Il y a urgence à parer au plus pressé. Après les élections de 2006 et celles entachées d’irrégularités et autres ratés de 2011, la RDC n’a plus droit à l’erreur. Malheureusement, en 2016, date prévue pour la fin de la mandature en cours, les choses risquent de virer au vinaigre. Sur la scène politique, la suspicion gagne du terrain. La fronde de G7 a fait bouger les lignes au sein de la famille politique du chef de l’Etat. La toute récente nomination des commissaires spéciaux dans les 21 provinces nées du démembrement a plus que jeté de l’huile au feu.
Pendant ce temps, la centrale électorale s’est vidée de sa direction. On est en face aujourd’hui d’un bureau décapité où ne siègent que le rapporteur et son adjoint ainsi que le questeur et son adjoint. Des postes qui pourraient, eux aussi, être vidés à en croire les pressions qui sont exercées sur ceux qui les occupent. Quel crédit peut-on de lors accorder à une telle structure ? Rien qui vaille. La Ceni navigue à vue. C’est le moins que l’on puisse dire. Les conséquences dans la poursuite du processus électoral sont dramatiques.
FORTES PRESSIONS À LA CENI
Et, comme si la double démission de Malumalu et Mpungwe n’a pas totalement assouvi la soif de la Majorité, es pressions se multiplient pour obtenir la tête du questeur et d’un des membres de l’assemblée plénière. La Majorité reproche au questeur de la Ceni de ne s’être pas ouvertement désolidarisé du MSR dont il est issu, alors que pour l’autre, la MP a fustigé ses liens avec l’ARC d’Olivier Kamitatu.
Dans un communiqué datant du 31 octobre 2015 et signé par le secrétaire général adjoint de la MP, la famille politique du chef de l’Etat note qu’« à ce jour, le secrétariat général de la Majorité présidentielle constate que certains cadres issus de ces formations politiques (NdIr : le G7) continuent à occuper sans raison les postes qui reviennent à la Majorité présidentielle » « il s’agit, notamment, poursuit le communiqué, des membres du bureau de la Ceni qui ont été désignés conformément à l’article 10 de la loi organique du 19 avril 2013 modifiant et complétant la loi organique du 28juillet 2010 portant organisation et fonctionnement de la Ceni». Le secrétariat général de la Majorité présidentielle invite les membres de la Ceni qui se trouvent dans cette situation à « faire preuve de cohérence de leur choix politique et à libérer ces postes dans les meilleurs délais ».
Autant dire que le départ de Malumalu et de Mpunwe a ouvert une brèche qui est loin de se colmater. Pour le moment, c’est le questeur de la Ceni qui est visé. Dans le viseur se trouve également un membre de l’ARC qui continue de siéger à l’assemblée plénière de la Ceni sur le quota de la MP. A quoi mènent finalement toutes ces pressions ? La question alimente la chronique.
Dans une déclaration rendue publique le lundi 2 octobre 2015, la Commission africaine pour la supervision des élections (CASE) «s’inquiète de dernier développements de la situation à la Commission électorale nationale indépendante qui subit depuis quelques semaines, une vague de pressions politiques visant manifestement sa déstabilisation par les grandes tendances politiques de notre pays ». «Les démissions imposées ou ordonnées, note la CASE, par les composantes politiques viennent affaiblir le niveau d’indépendance de la Centrale électorale au point qu ‘elle s’en trouve gravement affectée (...) Il en est de même de la lettre signée en date du 31 octobre 2015 par le secrétariat général de la Majorité présidentielle dont les motivations visibles replongent le pays dans une nouvelle spirale de crise de confiance autour de l’institution de gestion des élections en République démocratique du Congo ».
Pour toutes ces raisons, la CASE rappelle tous les acteurs en présence « à l’ordre » afin que cessent toutes les pratiques susceptibles, craint-elle, de « fragiliser la machine électorale et les invite la sagesse dans la responsabilité qui leur incombe pour ne pas porter à eux seuls la responsabilité de la déstabilisation du pays ».
UN COMPROMIS S’IMPOSE
Le calendrier électoral global du 12 février 2015 ayant explosé en plein vol1 il devient urgent de pourvoir le plus rapidement ail vide en dotant enfin le pays d’un calendrier réaménagé. Dans la classe politique, le dossier n’a pas bénéficié du traitement requis. Tout le monde s’est perdu en conjectures, oubliant de penser à l’essentiel, mieux l’urgent.
Aujourd’hui, l’essentiel est de protéger le processus électoral d’une dérive. La classe politique, appuyée par le peuple, doit se mobiliser pour tirer le processus électoral du gouffre dans lequel on l’a volontairement entraîné.
La Ceni ne convainc plus. Décapitée, elle est devenue un monstre qui va s’agiter jusqu’à ce qu’elle se vide de tout son sang. Il faut tirer les conséquences de gros nuages qui obstruent le plan de vol de la Ceni. D’où le doute sur l’organisation dans les délais constitutionnels des élections, essentiellement les législatives nationales et la présidentielle.
Désormais, on est devant une alternative : soit on repart à zéro - ce qui paraît de plus en plus évident- soit on opte pour un compromis politique, incluant toutes les forces politiques et sociales du pays. On peut l’appeler dialogue ou autre chose, pourvu que cela arrive à sauver le processus électoral d’une déroute certaine.
Souverain primaire, le peuple semble être le dindon de la farce. Toutes les parties se réclament de lui mais personne ne fait de ses desiderata une préoccupation.
Que fait l’Opposition entre-temps’? Pas grand-chose. Divisée, incapable de se mettre d’accord sur une démarche commune, elle donne l’impression de rêver. Et pourtant, la machine électorale se grippe, ouvrant grandement la voie au glissement.
LE POTENTIEL