Aujourd’hui, l’attention de l’opinion congolaise et internationale va se focaliser sur la Haute cour militaire où reprend le procès de l’affaire auditeur général, ministère public contre les généraux de brigade Emery Goda Sukpa et Germain Katanga, le colonel Mateso, le lieutenant-colonel Masasi Drati, le capitaine Justin Ngole et les sieurs Floribert Ndjabu Ngabu et Mbodina Iribi Pitshou, tous poursuivis pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et participation à un mouvement insurrectionnel.
L’audience de ce vendredi 18 mars 2016, comme il faudrait le souligner, va se focaliser sur le débat de fond soulevé par la question posée aux conseils de la défense par le président de la chambre pénale, le général-major Jean Bivegete Pinga Solo. « Est-ce que Germain Katanga ne peut-il pas faire l’objet de poursuites
judiciaires pour d’autres faits ? »
A la dernière audience, l’OMP, le général-major Munkutu Kiyana Tim avait éclairé la haute cour sur ce qu’il considère comme de nouvelles charges relatives aux crimes de guerre et crimes contre l’humanité articulées contre ces seigneurs de guerre de l’Ituri. Pour lui, l’affaire contre Germain Katanga ne date pas d’aujourd’hui. Des dossiers existent, a-t-il martelé, précisant que pour le cas sous examen, on ne peut pas prétendre que le dossier déposé devant la Haute cour militaire ne contient aucun élément.
Evoquant l’article 1er du Statut de Rome, l’OMP a tenu à rappeler que la Cour pénale internationale est complémentaire des juridictions nationales. Et aucune disposition ne devrait être interprétée pour faire échapper les prévenus de poursuites judiciaires et favoriser l’impunité, comme stipulé dans le préambule du Statut de Rome.
Le général-major Munkutu Kiyana Tim avait rafraichi la mémoire de la cour en signalant qu’avant d’être transférés à la CPI, Germain Katanga et ses amis étaient logés comme des princes dans des hôtels luxueux à Kinshasa, non pas parce qu’ils étaient innocents après avoir soumis l’Ituri à feu et à sang, mais parce que la paix était encore fragile à l’Est. Le gouvernement devait gérer ces seigneurs de guerre avec tact et diplomatie. Surtout qu’après la mort des Casques bleus en Ituri, ils devaient être placés dans un régime particulier qui ne leur permettait pas d’actionner leurs réseaux. Il fallait alors s’assurer que l’équilibre instable n’allait pas entraîner l’embrasement de cette contrée, par des conflits armés.
L’OMP avait insisté pour que l’on fasse un distinguo entre des poursuites entamées avant le transfert de Germain Katanga à La Haye, et celles enclenchées après sa condamnation à la CPI, et celles articulées après avoir purgé sa peine. Car, on ne se retrouve pas devant le principe « non bis idem ». Le général-major Munkutu Kiyana Tim a conclu son intervention en révélant que l’élément déclencheur de la mise en accusation de Germain Katanga et d’autres seigneurs de guerre de l’Ituri, est l’assassinat de neuf Casques bleus de la
Monusco.
Répliquant à l’argumentaire de l’OMP, le collectif des avocats de la défense des prévenus est demeuré accroché à l’accord ad hoc signé par les responsables de la CPI et les autorités congolaises dans le cadre de l’exécution de la peine à laquelle Germain Katanga a été condamnée. Me Mazaba avait en outre versé au dossier, le document par lequel l’Etat congolais avait saisi le 8 mars 2004, la CPI pour mener des enquêtes sur les faits commis sur le territoire congolais. Fut également déposé une décision produite en 2009, par laquelle la Justice militaire déclarait formellement avoir clôturé définitivement les investigations sur le dossier de Germain Katanga. Et comme pour enfoncer le clou, Me Peter Ngomo a brandi quant à lui, une copie de la loi n°005/023 du 25 mars 2005 portant amnistie de certains chefs miliciens pour faits de guerre.
Le général-major Jean Bivegete avait alors invité la défense à commenter tous les documents apportés par les conseils de prévenus. Et dans ses contre-répliques, l’OMP soutient que le gouvernement congolais ne laissera jamais des crimes impunis en RDC. D’où sa détermination à éradiquer les luttes armées, et éteindre les conflits
armés qui ont longtemps endeuillé notre pays. Il n’y a pas d’acharnement particulier contre Germain Katanga, mais tout simplement la volonté de rompre avec le cycle infernal de rébellions à répétition et redonner espoir aux victimes qui réclament réparation de divers préjudices endurés.
Aujourd’hui, la haute cour va mettre dans la balance, d’un côté, les arguments de l’OMP et de l’autre, les moyens soulevés par la défense. Du choc de cette confrontation, jaillira certainement la lumière dont les membres de la HCM ont besoin pour fonder leur religion dans cette affaire.
J.R.T.