Les fournisseurs locaux de la République démocratique du Congo (RDC) ne sont pas au bout de leurs peines, le gouvernement n’ayant servi que quelques « privilégiés » dans les 90 millions USD inscrits respectivement dans les exercices budgétaires de 2013 et 2014 d’une dette intérieure estimée entre 1,3 et 4,3 milliards USD.
Et sur le montant exact de cette dette, les violons ne s’accordent d’ailleurs pas, le président de la Fédération des entreprises du Congo (FEC), Albert Yuma, affirmant que « l’encours de la dette intérieure est de plus d’1,3 milliard de dollars américains ».
Alors que, selon le député Bulambo Kilosho et ancien DG de la Direction générale des recettes administratives et domaniales (DGRAD), « le stock de la dette intérieure était de 301 milliards de FC en 2011 et se chiffre à ce jour à près de 4,3 milliards USD ».
Devant l’Assemblée nationale et le Sénat réunis en Congrès le 23 octobre 2014 au palais du peuple à Kinshasa, le président Joseph Kabila Kanange avait instruit le gouvernement du Premier ministre Augustin Matata Ponyo d’«élaborer un plan de programmation, budgétisation et procéder au paiement de la dette intérieure certifiée en vue de la relance des emplois dans les Petites et Moyennes entreprises ».
« Un appui substantiel et additionnel à la relance du secteur privé »
Sur cette question ultra sensible de la dette intérieure, le président de l’Assemblée nationale, Aubin Minaku, est d’avis que « le gouvernement doit progressivement budgétiser le paiement de la dette intérieure en faveur des entreprises dont les créances ont été certifiées ».
En effet, soutient-il, « le paiement de la dette intérieure donnerait sans doute un appui substantiel et additionnel à la relance du secteur privé ».
« Si on paie ne fût-ce que 30% de cette dette, ni le taux d’inflation ni le taux de change ne seraient stables. Je suppose qu’on fera un tirage au sort pour savoir qui sera payé », explique le président de la FEC.
Expatriés « bien branchés » et Congolais « influents » ont été servis
En 2009, le gouvernement du Premier ministre Adolphe Muzito avait effectué un dépassement de 502% dans le paiement de la dette intérieure.
« Même dans le rang de la majorité, on s’en était ému. C’est juste un petit groupe d’expatriés bien branchés dans la sphère politique et quelques Congolais influents qui ont été servis », », appelle-t-on.
Les instructions du président Kabila
Compte tenu de la portée historique du discours du président Joseph Kabila devant le Congrès le 23 octobre 2014 en rapport avec les recommandations issues des Concertations nationales organisées à Kinshasa du 07 septembre au 05 octobre 2014, nous publions ci-après l’extrait relatif à la situation économique de la RDC.
« En matière économique, les Délégués aux Concertations nationales ont fait un état des lieux sans complaisance.
Le diagnostic établi confirme notre vision d’accorder une place de choix à la promotion des Congolais, en vue de l’émergence d’une classe moyenne nationale. Ce changement permettra de générer des ressources capables de répondre aux impératifs de pacification du territoire national, de restaurer l’autorité de l’Etat et de satisfaire les besoins sociaux. Cet accroissement de ressources facilitera aussi la marche du pays vers le statut d’Etat émergent.
Dans cette perspective, les défis à relever sont multiples. Il s’agit principalement des défis structurels et opérationnels en vue de promouvoir le développement économique, financier et celui du secteur productif en se focalisant sur un secteur privé et le partenariat public-privé capable de remplir la fonction de principal moteur de croissance économique.
A titre d’exemple, les défis ci-après méritent d’être mentionnés :
. le caractère extraverti de notre économie ;
. l’inadéquation entre l’évolution positive des indicateurs macroéconomiques et le vécu quotidien des Congolais ;
. l’insuffisance des instruments de contrôle et de régulation économique ;
. la nécessité d’accroître le niveau d’exécution budgétaire ;
. la nécessité de promouvoir une classe moyenne congolaise ;
. les difficultés d’accès au crédit ;
. l’impératif de rationaliser le système fiscal ;
. la lutte contre la corruption, le détournement des deniers publics et le coulage des recettes.
Afin de répondre à ces préoccupations, il me paraît indispensable d’intégrer des indicateurs susceptibles de mesurer de façon réaliste le niveau de vie des populations, afin d’établir l’adéquation entre la stabilité du cadre macroéconomique et le vécu quotidien des Congolais pour que les sacrifices consentis ne soient pas vains.
Ainsi, je préconise que soient prises notamment les mesures ci-après :
. Organiser les Etats Généraux des agriculteurs et des paysans ;
. Réformer le système fiscal ;
. Poursuivre l’évaluation et la certification des ressources minières, forestières, halieutiques et en hydrocarbures ;
. Accélérer la mise en place du Conseil Economique et Social ;
. Restructurer la Cour des Comptes ;
. Elaborer un plan de programmation, budgétisation et procéder au paiement de la dette intérieure certifiée en vue de la relance des emplois dans les Petites et Moyennes Entreprises ;
. Accélérer la mise en forme de toutes les réformes prévues dans le secteur des finances publiques ;
. Evaluer la réforme du portefeuille de l’Etat et élaborer une nouvelle feuille de route ;
. Consolider le climat des affaires par le respect scrupuleux de la loi sur les marchés publics et parachever le processus de la mise en œuvre du droit OHADA ;
. Finaliser la loi sur la Caisse Nationale de Péréquation ;
. Appliquer de manière rigoureuse le principe de l’exercice exclusif du petit commerce par les nationaux ;
. Promouvoir l’implication obligatoire des congolais dans la sous-traitance dans tous les secteurs de l’activité économique ;
. Adopter un dispositif législatif spécifique en vue de promouvoir l’entreprenariat congolais et de favoriser le développement d’un actionnariat national.
Dans tous les cas, je voudrais, une fois de plus, vous rassurer que je fais miennes les recommandations issues des Concertations nationales. A cet effet, j’engage le Gouvernement de cohésion nationale à bien les exploiter afin d’enrichir, d’ici à la fin de l’année, le programme économique en cours ».