Dans le rapport d’une enquête publié à Kinshasa, ce réseau déplore la recrudescence des cas d’arrestation et de détention et met l’accent sur le besoin de remédier urgemment à cette situation
La Fédération nationale des associations des personnes handicapées du Congo (FENAPHACO) a publié, hier mercredi 29 juillet, par le truchement de son coordonnateur national, Me Patrick Pindu-di-Lusanga, un rapport de monitoring et d’enquête sur les conditions de détention des personnes handicapées dans les cachots de Kinshasa et à la Prison centrale de Makala.
Couvrant la période d’octobre 2014 à mai 2015, ce document démontre que la situation des prisonniers en général, et celle des prisonniers étant des personnes vivant avec handicap (PVH) en particulier, est préoccupante car ces personnes subissent des violences à cause du manque d’accessibilité et d’un régime carcéral trop rigoureux, en violation flagrante de la Convention des Nations Unies relative à leurs droits.
Supprimer les peines corporelles et l’isolement
La réalisation de cette enquête a été motivée par la recrudescence des cas d’arrestation et de détention illégales des PVH, d’une part, et le besoin urgent de contribuer à la recherche des voies et moyens d’améliorer ces conditions dans les lieux de détention où croupissent quelques 213 PVH, d’autre part.
Elle relève le dysfonctionnement de la justice, du fait que des PVH attendent longtemps en prison pour être présentées devant leur juge naturel, alors que d’autres sont en détention sans dossiers judiciaires régulièrement constitués.
Le rapport stigmatise également la négligence des dossiers des prisonniers PVH par les magistrats et les actes de torture, des traitements inhumains et dégradants dans un contexte où, de surcroit, leurs dossiers ne sont pas instruits, sans oublier la discrimination dont les PVH font l’objet pendant leur détention.
Au regard de ces constats, la FENAPHACO insiste sur le respect des instruments nationaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme, en l’occurrence la Convention des Nations Unies susmentionnée, à laquelle la RD Congo a adhéré, après l’avoir ratifiée.
Elle recommande aussi d’amender l’Ordonnance n°344 du 17 septembre 1965 portant organisation du régime pénitentiaire, afin de l’adapter aux règles minima sur le traitement des détenus, par la suppression des peines corporelles et de l’isolement qui portent atteinte aux droits fondamentaux.
Le rapport explique que 15 défenseurs nationaux des droits des PVH ont effectué, chaque mois, des visites dans les cachots des 24 communes de la capitale congolaise en vue de prélever ces renseignements. L’objectif poursuivi est de promouvoir le respect des procédures légales en matière d’arrestation et de garde à vue.
Dépeupler les prisons
Aux autorités congolaises, la FENAPHACO recommande de prendre d’urgence les mesures nécessaires afin d’assurer l’allocation et la gestion adéquate des fonds prévus pour la nourriture des prisonniers aux établissements pénitentiaires ; de remettre sur pieds dans les prisons des activités d’élevage, de production agricole et maraîchère pour relancer l’autosuffisance alimentaire à travers les fermes pénitentiaires ; développer le travail des détenus, y compris les travaux d’intérêt collectif ; faciliter les visites aux parents, amis et connaissances des PVH désirant leur apporter la nourriture ; favoriser la communication des détenus handicapés avec l’extérieur, grâce à la suppression du monnayage des visite ; diminuer la surpopulation des prisons et donc le nombre de détenus à nourrir ; favoriser la pratique du sport ; faciliter l’usage des médias.
Dans le même ordre d’idées, la FENAPHACO recommande à la communauté internationale d’appuyer et soutenir financièrement et techniquement le projet de promotion des droits humains et de l’accès des PVH et des vulnérables à une justice équitable.
Ce soutien a pour but d’assurer le suivi juridique des dossiers des PVH et vulnérables ; mettre à la disposition des PVH et vulnérables des avocats pour leur défense ; garantir aux nourrissons vivant dans les établissements pénitentiaires le droit à l’identité, aux relations familiales et l’accès aux services publics offerts par le gouvernement aux enfants de moins de 5 ans ; apporter aux femmes PVH en détention et aux nourrissons une assistance sociale ; offrir un appui institutionnel à la FENAPHACO pour renforcer ses capacités de coordination de ses activités ; épauler la sensibilisation des acteurs clé au respect des procédures légales en matière de justice et des droits humains ; renforcer les capacités des défenseurs des droits humains.
L’enquête a été financée par les ONG » National Endowment for Democracy » (NED) et » Office of DisabilityRights » (ODR). Elle s’inscrit dans le cadre du projet » Handicap, Elections et Droits de l’Homme « , initié par la FENAPHACO pour une justice équitable envers les PVH.
Par Marcel Tshishiku