Des experts proposent un calendrier qui concerne les trois scrutins verrouillés par la Constitution et qui prend en compte l’opération d’identification et d’enrôlement des jeunes de 18 à 22 ans non encore inscrits dans la première hypothèse alors que la seconde privilégie l’utilisation du fichier électoral disponible.
AETA (Agir pour des élections transparentes et apaisées) vient de procéder à une analyse du processus électoral dans un document publié en ce mois de décembre 2015. L’étude est intitulée: «Processus électoral 2015- 2016 en RD Congo et entraves intrinsèques: Analyse contextuelle, monitoring et options».
Ce document a été signé par les responsables de cette plateforme de la Société civile. Il s’agit de Jérôme Bonso, secrétaire permanent, Gérard Bisambu, secrétaire exécutif, et Grâce Lula, secrétaire exécutif adjoint.
Après l’analyse, cette plate forme de la Société civile consacrée à la thématique élection et éducation civique, a pris une position face à l’impasse du processus électoral en cours au pays, avant de proposer ce que les membres de l’AETA ont appelé dans le document « Hypothèse du calendrier électoral 2016 Référentiel ».
L’AETA a privilégié, pour l’année 2016, les élections provinciales, législatives nationales et la présidentielle. Il est aussi prévu dans ce calendrier les élections des sénateurs et des gouverneurs et vice-gouverneurs des province, alors que la plateforme ne s’est pas prononcée pour els élections urbaines, municipales et locales.
Analyse contextuelle
Dans ses analyses, l’AETA a relevé que les évènements politiques qui se succèdent et s’amplifient au cours de derniers mois de cette année 2015 n’augurent rien qui puisse envisager la tenue des élections légales et, au-delà, annoncer une transition pacifique de la gouvernance dans le pays. Pour cette plateforme, chaque jour qui passe est annonciateur d’un chaos aux conséquences insoupçonnables pour tous, dirigeants et dirigés. Le processus électoral congolais frise, à cet effet, à chaque minute la dérive et le pays au bout du fusil.
Faits majeurs du blocage de la machine électorale
L’AETA affirme que les faits majeurs qui caractérisent le blocage de la machine électorale sont, entre autres, l’arrêt visible de l’exécution des opérations prévues par le calendrier électoral global, déjà les scrutins provinciaux et locaux prévus pour le 25 octobre 2015, suspendus à la publication des listes provisoires des candidats provinciaux est renvoyé sine die (alors que’ Les candidats députés provinciaux ont payé la caution exigée et attendent).
Ceci suppose que le processus électoral navigue sans calendrier adapté; la suspension non motivée par le gouvernement de l’exécution du plan de décaissement de fonds dus à l’organisation des élections: le financement du processus électoral est sujet d’un flou artistique qui implique autant le gouvernement que la CENI; les nombreuses démissions qui se sont succédé au sein du Bureau de la CENI; les diverses contestations par les acteurs et qui affectent la confiance présage l’incertitude citoyenne à l’organisation des élections, etc.
Toujours dans le document, l’AETA relève que le déraillement qui plombe le processus électoral s’explique par l’enjeu principal de la transition politique démocratique après décembre 2016, à savoir, l’alternance pacifique de la gouvernance. Il est à souligner que l’enjeu économic1ue de l’exploitation des ressources naturelles de la RD Congo reste fondamental au travers de cette volonté manifeste de pérenniser un système politique donné.
C’est dans ce cadre que plusieurs stratagèmes, toujours renouvelés, sont construits pour retarder, sinon faire obstacle à la tenue des élections et occasionner, de ce fait, le dépassement du délai constitutionnel en vue du maintien de l’actuel pouvoir grâce à une interprétation pernicieuse de certaines dispositions de la constitution (article 71 de la Constitution de la République).
Le calendrier « Ponce Pilate » de la CENI qui reprend le prochain cycle électoral à partir des élection locales, municipales et urbaines, avec 23 préalables juridiques, logistiques, politiques et financiers qui, manifestement se prêtent difficilement à la réalisation dans le contexte temporel fort pressant et dans le contexte politique de l’absence de volonté politique.
Cela sans oublier le démembrement précipité des provinces et leur opérationnalisation. Le pays vient de passer de 11 à 26 provinces. L’existence effective de certaines’ provinces nouvellement découpées et leur fonctionnement posent des sérieux problèmes et augurent de profonds déchirements internes. Mais l’arrêt de la Cour Constitutionnelle ayant autorisé des mesures transitoires et exceptionnelles de la gestion des nouvelles provinces, soit la nomination des Commissaires spéciaux de nouvelles provinces, qui viole la constitution, contraint le processus électoral déjà engagé à organiser prioritairement les élections des gouverneurs et vice- gouverneurs intérimaires.
C’est la raison de la thèse du «glissement», avec pour objectif unique de faire «glisser» l’échéance du second mandat du pouvoir en place et pour justificatif majeur, une interprétation intéressée de l’article 70 alinéa 2 de la Constitution. Le travail a, en outre, relevé la problématique de la prise en compte des nouveaux majeurs (estimé à plus 7 millions de jeunes), ainsi que l’inclusion des Congolais vivant à l’étranger dans les listes électorales (estimés aussi entre 4 et 6 millions).
L’analyse de l’AETA n’a pas manqué d’aborder l’audit externe pour la fiabilité et la crédibilité du fichier électoral fait par l’Organisation Internationale pour la Francophonie (OIF), et dont les conclusions font objet des graves divergences qui divisent les parties prenantes. Tout comme, elle n’a pas oublié les nombreuses démissions au sein de la Commission Electorale Nationale Indépendante, CENI, qui dénotent du malaise quant à l’indépendance de la centrale électorale.
Tous ces éléments évoqués c5nt des incidences réelles sur le processus de consolidation de la démocratie congolaise. C’est ainsi qu’après l’analyse faite, la plateforme a pris une position face à ce qu’elle a qualifié d’impasse du processus électoral 2015-2016.
Ainsi pour l’AETA, à douze mois du délai constitutionnel, il est toujours possible de dégager un consensus afin d’organiser des élections crédibles, justes et transparentes qui prennent en compte le défi majeur de l’inclusion des jeunes de 18 à 22 ans non- enrôlés. Le consensus électoral en demeure une condition sine qua non.
L’AETA, dans sa prise de position, indique que depuis le mois de septembre dernier l’espace sociopolitique congolais continue à enregistrer à récurrence des événements déterminants tant pour l’avenir de la démocratie congolaise que pour le destin du pays.
L’AETA a ainsi scruté avec objectivité, réalisme et rigueur tous ces événements dans leur succession. Il découle de son analyse le constat global que le processus électoral congolais enclenché depuis 36 mois s’en trouve profondément entravé, totalement inopérant et, de ce fait, engouffré dans la caverne politicienne.
L’AETA relève également que l’environnement de la période préélectorale en cours est caractérisé par des antagonismes, des querelles et des confusions politiciens qui ont débouché sur des attitudes et pratiques d’intolérances, de violences physiques et psychologiques ainsi que des intimidations ayant comme conséquences majeures la restriction de l’espace citoyen et politique et ainsi l’instauration de la peur du lendemain.
Il sied de signaler qu’au lieu de leur rassurer la paix et la quiétude, les discours et messages de différents acteurs clé du processus électoral immergent les populations dans la frustration et les encagent dans une angoisse totale qui risquerait d’exploser au travers des actes de violences citoyennes et intercommunautaires ignobles. Le peuple congolais se demande instamment s’il n’a pas eu tort de s’engager dans le schéma de la démocratie.
«Au-delà des débats confusionnistes, obscurantistes et anachroniques sur la pertinence de la participation ou la non-participation des uns et des autres au dialogue politique national, I’AETA reste hantée par le questionnement permanent de la possibilité et de l’opportunité d’organiser les élections crédibles, justes et respectueuses des règles constitutionnelles dans les 12 mois qui nous séparent de la date fatidique du 20 décembre 2016. Cette question centrale semble être éludée par les principales parties prenantes du processus électoral ; alors qu’elle doit être posée en ce temps et ne pourra guère être posée après ce temps », martèle l’analyse de l’AETA.
L’AETA propose ainsi un calendrier alternatif référentiel à deux hypothèses dont les opérations sont strictement comprises de janvier à décembre 2016. Ce calendrier concerne les trois scrutins précités verrouillés par la Constitution et prend en compte l’opération d’identification et d’enrôlement des jeunes de 18 à 22 ans non encore inscrits au rôle d’électeur pour la première hypothèse ; alors que la seconde postule l’éventualité du retardement de l’enrôlement des nouveaux majeurs pour utiliser en revanche le fichier électoral disponible. Ledit calendrier planifie également les élections urbaines, municipales et locales en les post-posant à partir de 2017. Cela suppose que l’année 2016 marquera à la fois la fin du cycle électoral 2011-2016 et le début effectif du cycle électoral 2017-2021 avec les élections de base.
Cependant, l’AETA note quatre préalables majeurs sans la conjonction desquels la faisabilité, la réussite et l’efficacité de tout calendrier actualisé ne peuvent se traduire en une réalité. Il s’agit notamment de: la volonté politique raisonnée ; l’adhésion et l’engagement consensuels des acteurs clé; la disponibilisation de fonds nécessaires assortie d’un planning contraignant de décaissement et de suivi contrôle ; strict respect de l’indépendance et de l’autonomie totale de la CENI et, enfin, de l’ouverture responsable aux et/ou des Partenaires Techniques et Financiers.
L’AETA en appelle enfin à tous les acteurs clé :à libérer totalement le processus électoral en le mettant à l’abri des divers laboratoires et calculette « démocraticides» sans âme nationaliste ni patriotique; dans le contexte actuel d’urgence et de contingence électorales, à refaire pleine confiance à la CENI, dont l’indépendance et l’autonomie ainsi que la confiance doivent, du reste, être respectivement préservées et consolidée; et enfin, à reconstruire, grâce à l’ouverture communicationnelle franche et véridique, la cohésion et l’unité nationales, gage de la paix postélectorale et de la consolidation de la démocratie.
Par Lucien KAZADI T.