L’initiative est attendue, son lancement serait imminent. Selon des sources diplomatiques, le président congolais Joseph Kabila souhaiterait organiser d’ici la fin novembre des discussions nationales sur les prochains scrutins en République démocratique du Congo. Une manœuvre dénoncée par une partie de l’opposition qui accuse le chef de l’Etat de vouloir s’accrocher au pouvoir après 2016, au terme de son deuxième mandat.
Les rencontres tourneraient autour de trois points essentiels : le calendrier de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), qui a expiré et est en cours de révision, le financement des scrutins et, enfin, la sécurité du processus électoral, alors que des poches entières de l’est du pays demeurent sous la coupe des groupes armés.
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Fait notable, le chef de l’Etat n’exclut pas une médiation internationale, un préalable posé par l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), parti de l’opposant historique Etienne Tshisekedi, 82 ans. « Il lâche du lest de manière à débarrasser ses détracteurs de prétextes » pour bouder les pourparlers, estime le député Patrick Muyaya, du Parti lumumbiste unifié (PALU), allié à la majorité.
Hostilité de Katumbi et d’une partie de l’opposition
Mais, si l’UDPS se montre dans de bonnes dispositions, les autres grandes formations de l’opposition, le Mouvement de libération du Congo (MLC) et l’Union pour la nation congolaise (UNC), ne semblent pas prêtes à transiger. Toutes deux refusent catégoriquement de participer au dialogue, n’y voyant qu’un moyen détourné de retarder la course à la magistrature suprême, prévue en novembre 2016.
Probable candidat à la présidentielle, Moïse Katumbi, qui dirigeait jusqu’à septembre la très riche ex-province du Katanga (Sud-Est), jugeait mardi sur Twitter un tel dialogue « pas opportun ». L’ancien gouverneur, homme d’affaires et influent patron du club de football Tout Puissant Mazembé, plaide pour une « réunion tripartite CENI, opposition, majorité sur le calendrier électoral » – une requête portée également par le MLC et l’UNC.
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Ce rejet, Patrick Muyaya ne se l’explique pas. « Le dialogue offrira une tribune aux uns et aux autres pour s’exprimer. Ceux qui soupçonnent Kabila de vouloir glisser (retarder la présidentielle), ce sera l’occasion d’avoir une clarté sur son agenda. » A la tête du pays depuis 2001, le chef de l’Etat entretient en effet le mystère sur son avenir, alimentant les spéculations.
Un troisième mandat pour Kabila ?
A l’issue du dialogue, les observateurs s’attendent à un remaniement du gouvernement en faveur de l’opposition, comme ce fut le cas après que les « concertations nationales » organisées par Joseph Kabila, fin 2013. A l’époque, il s’agissait de ressouder le pays, très divisé après la présidentielle et les législatives contestées de 2011.
Cela suffira-t-il à apaiser les esprits ? « Pour la majorité des Congolais, Joseph Kabila peut organiser autant de dialogues et de forums qu’il veut, distribuer des postes, changer de gouvernement, pourvu que l’élection présidentielle ait lieu sans lui et dans l’échéance constitutionnelle », au risque de « provoquer un soulèvement populaire », prévient un analyste congolais.
Interrogé par Le Monde Afrique, un député de la majorité qui a souhaité conserver l’anonymat se dit convaincu que Joseph Kabila finira par partir. Ce n’est pas l’avis d’un diplomate, également désireux de protéger son identité, qui mise, lui, sur un référendum constitutionnel. Une consultation similaire à celle qui s’est tenue le 25 octobre au Congo voisin et grâce à laquelle le président Denis Sassou Nguesso, qui cumule trois décennies au pouvoir, pourrait briguer un nouveau mandat en 2016.
Les manifestations qui ont éclaté à Brazzaville et Pointe-Noire contre ce projet ont toutefois inquiété à Kinshasa. Beaucoup ont encore en tête les événements de janvier, quand la répression de marches contre un projet de loi électorale avait fait plusieurs dizaines de morts.
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Malgré les réserves, les détracteurs et les « jusqu’au-boutistes », Tryphon Kin-Kiey, ministre en charge des relations avec le Parlement, se veut confiant : l’affluence sera forte au dialogue.« Nous sommes depuis belle lurette dans le glissement (…) mais c’est un mot tabou pour certains qui ont besoin de tenir une posture politiquement correcte ». L’influente Eglise catholique devrait, quant à elle, prêcher une nouvelle fois pour le respect de la Constitution.
Habibou Bangrécontributrice Le Monde Afrique, Kinshasa
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