Au terme d’un protocole d’accord conclu mardi dernier avec la commune de N’Sele
Une descente surprise effectuée mardi dernier aux ports SOTRACO et Moleka a permis de palper du doigt l’ampleur du pillage
Malgré les inquiétudes maintes fois exprimées auprès des autorités congolaises par le Fonds Mondial pour la Nature (WWF) et les ONG membres de la Coalition Nationale Contre l’Exploitation Illégale du Bois (CNCEIB), les forêts des provinces de Bandundu et de l’Equateur continuent à être le théâtre d’un pillage de grande ampleur avec la complicité de certains services de l’Etat dont ceux du ministère de l’Environnement.
Face à cette situation, WWF et la Coalition Nationale ont conclu, le mardi 09 juin 2015 à Kinkole, un protocole d’accord avec la commune urbano-rurale de la N’Sele, au terme duquel les autorités politico-administratives de cette municipalité s’engagent à sécuriser les ONG membres de la CNCEIB dans leur mission de lutter contre l’exploitation illégale de bois aux différents ports longeant le fleuve Congo, dans cette entité de la ville province de Kinshasa.
Selon Mme Alphonse Longbango, SG de la CNCEIB, la Coalition Nationale et WWF profitent également de cette occasion pour lancer la campagne d’identification et de saisie de tous les bois illégaux qui seront trouvés dans différents ports fonctionnant dans la commune de la N’Sele.
Le protocole d’accord a été signé à la maison communale par les deux parties représentées respectivement par M. Augustin Nkama Indi, bourgmestre de la commune de la N’Sele, M. Jean-Marie Bolika, responsable du Projet SCAPE au Fonds Mondial pour la Nature (WWF), et Me Alphonse Longbango, Secrétaire Général de la Coalition Nationale Contre l’Exploitation Illégale du Bois (une plate-forme multi-acteurs constituée des représentants de la société civile environnementale nationale, du secteur privé des ONG internationales de conservation et des agences de coopération multilatérale ou bilatérale œuvrant dans la lutte contre les actes d’exploitation illégale dans le secteur forestier).
Tout cela en présence du Procureur du Parquet de Kinkole, des commandants de la Force Navale et de la Police nationale dans cette cité, ainsi que des journalistes.
Dans son mot de circonstance, le bourgmestre de N’Sele a reconnu l’existence de réseaux de vente illicite de bois dans certains ports privés fonctionnant le long du fleuve et où affluent plusieurs radeaux de bois en provenances de forêts des provinces de l’Equateur ou de Bandundu. Et pour échapper au fisc ainsi qu’au contrôle des services de l’Etat, certains propriétaires de ces bois illégaux se cachent sur des ilots.
L’autorité municipale espère que la signature de ce protocole d’accord permettra aux différentes partenaires concernés de s’impliquer, afin de remettre l’ordre dans ce secteur.
Il compte pour cela surtout sur l’implication du parquet de Kinkole et sur la police. Et tout en s’engageant d’appuyer WWF dans sa noble mission, le bourgmestre a cependant déploré le mauvais comportement de certains agents de la Direction de contrôle (DCVI) du ministère de l’Environnement qui préfèrent faire le jeu des délinquants forestiers, préjudiciant ainsi l’Etat.
Les Ports Sotraco et Moleka pris la main dans le sac !
Après la signature du protocole d’accord, la délégation de WWF a improvisé une visite aux ports Sotraco et Moleka en compagnie du bourgmestre adjoint de N’Sele, M. José Mota, des commandants de la Force Navale et de la Police, ainsi des journalistes.
Cette descente surprise a permis à WWF et à la Coalition Nationale d’ONG de palper du doigt le trafic illicite de bois qui s’opère en toute impunité dans ces deux ports dont les responsables étaient visiblement aux abois en voyant la Coalition débarquer sur les lieux avec des responsables de la commune et des journalistes .
Au port Sotraco, la délégation de WWF et de la CNCEIB n’a pas caché son indignation en constatant la présence sur les lieux d’une grande cargaison de grumes non marquées et donc illégaux ou mal marqués prêts à être empotés dans des containers 40 pieds pour l’importation.
La délégation a également constaté la présence de plusieurs radeaux de grumes flottant au large de ce port et sur le point d’être remontés sur le quai sans la moindre inscription pouvant permettre de connaître l’origine ou la provenance de ces bois.
Face à cette énième scandale qui témoigne encore de l’impunité qui règne dans ce secteurs, la CNCEIB a, par la voix de son Secrétaire général, fustigé la complicité des agents de la DCVI et appelé le ministère de l’Environnement et Développement Durable à bien faire son travail de contrôle, afin de mettre fin à l’exploitation illégale de bois en RDC.
Le même constat a été fait par la délégation dans le port voisin tenu par un certain Nkumu Moleka qui s’est présenté devant la délégation avec un drapeau du parti au pouvoir (PPRD) en mains. Interrogé sur la présence de nombreuses grumes non marquées, ce dernier s’est contenté de dire qu’il s’agit de bois de coffrage.
Ces explications n’ont pas du tout convaincu la Coalition Nationale d’ONG qui considère qu’il s’agit d’un trafic illicite de bois dès lors que les propriétaires de ces grumes ne sont pas agréés, ne disposent pas de permis de coupe artisanale ni de permis de circulation, n’ont signé aucune convention avec les communautés locales, et n’ont pas payé de taxes d’abattage.
Plus grave encore, la délégation a constaté la présence de deux unités de transformation de bois considérées comme des établissements classés. Ce qui est une violation grave du code forestier promulgué depuis deux ans.
Sur place, la Coalition Nationale a annoncé la saisie d’une cinquantaine de grumes dont les propriétaires ne sont pas encore identifiés.
Et au cours du point de presse que la Coalition a tenu sur les lieux, la CNCEIB a déclaré que cette descente sur terrain a permis de mettre en évidence la gravité de l’impunité dans ce secteur.
Et tout en saluant l’implication des autorités communales et du parquet de Kinkole, La Coalition Nationale Contre l’Exploitation Illégale du Bois les a exhortées à poursuivre tous les délinquants forestiers qui opèrent dans les différents ports de la N’Sele. Car, il est inacceptable qu’il n’y ait aucun jugement dans ce secteur deux après la promulgation du Code forestier.
Par Dieudonné Mbuyi K.