Katumbi, entre Londres, Lourdes, politique et business

Lundi 2 février 2015 - 09:50

On le voit partout. Moïse Katumbi est revenu en Europe depuis le 17 janvier pour continuer de suivre des soins médicaux à Londres, après une tentative d’empoisonnement datant de 2011. Plusieurs sources l’on également signaler à Paris, fin janvier, mais aussi à Lourdes, avec un pèlerinage au programme. Une visite dans la ville mariale qui relance les spéculations sur l’état de santé du gouverneur du Katanga. Moïse Katumbi avait suivi deux mois de soins fin 2014 dans la capitale britannique. Les rumeurs parlaient d’empoisonnement à l’arsenic ou à la vynca, une plante toxique. Deux mois d’hospitalisation, qui se seraient déroulés aux « soins intensifs ». A son retour à Lubumbashi, le 23 décembre dernier, le bouillonnant président du célèbre club de foot TP Mazembe, avait affirmé « revenir de loin », sans plus de précision. Dans ce contexte, un pèlerinage à Lourdes pourrait apparaître inquiétant sur l’état de santé réel de Moïse Katumbi. Selon un bon connaisseur de la région et de son gouverneur, Katumbi est avant tout, « un très bon acteur ». La piste de l’arsenic et des « soins intensifs » apparaissent comme une ficelle un peu grosse ; le gouverneur du Katanga maniant la communication comme personne en République démocratique du Congo (RDC). Une autre source nous confie : « empoisonnement, il y a sûrement eu, mais peut-être pas aussi grave qu’on le dit ». Sa possible présence à Lourdes serait donc plutôt à prendre comme « un signe de résurrection » de Moïse Katumbi.

Un discours comme une déclaration de guerre

Depuis son retour tonitruant à Lubumbashi, fin décembre 2014, Moïse Katumbi s’est en effet glissé dans le costume de « l’opposant le plus sérieux à Joseph Kabila », avec des ambitions présidentielles. Jusqu’à ce 23 décembre 2014, le gouverneur du Katanga était plutôt à classer dans le camp pro-Kabila, même si Katumbi avait déjà fait entendre son désaccord au sujet d’une possible modification de la Constitution pour permettre à Joseph Kabila de se représenter en 2016. En décembre, sur la place centrale de Lubumbashi, Moïse Katumbi est allé beaucoup plus loin… et peut-être trop loin. Dans une métaphore footballistique très claire pour les Katangais qui l’écoutaient, il avait déclaré publiquement son hostilité à un troisième mandat du président Kabila. Un discours qui sonnait comme une déclaration guerre au camp présidentiel.

« Touché au portefeuille »

La réplique de Joseph Kabila n’a pas tardé. Le gouverneur a d’abord été démis de ses fonctions provinciales au sein du PPRD, le parti présidentiel. Puis, c’est au portefeuille de l’homme d’affaires que le gouvernement s’en est pris, en démissionnant trois proches de Katumbi, qui contrôlaient la DGRAD (recettes administratives), la DGDA (douanes) et la DGI (impôts). Selon notre spécialiste, « en touchant Katumbi à la bourse, il n’a maintenant plus d’autre choix que de se lancer en politique » et concurrencer Kabila sur son propre terrain. Si certains prenaient les ambitions politiques de Katumbi encore à la légère, le discours de Lubumbashi a tout changé. « Katumbi a tout à perdre s’il ne fait pas de politique : son business et même son poste de gouverneur » résume notre source. Car, depuis l’annonce de la réforme territoriale, lancée par Joseph Kabila, le Katanga sera démantelé en quatre nouvelles provinces, avec un renouvellement total des gouverneurs. Pour sa survie (économique et politique), Moïse Katumbi se trouve donc maintenant dans l’obligation de se lancer dans la bataille présidentielle.

Négocier des contrats miniers et des joueurs

Les atouts du gouverneur du Katanga sont nombreux pour pouvoir rivaliser avec le président Kabila. Katumbi est populaire, il a de l’argent et possède un solide réseau international. C’est ce réseau qu’il cultive depuis Londres, en rencontrant les bailleurs de fonds, les politiques et les opérateurs économiques. Toujours selon ce spécialiste, « à Londres, Katumbi peut négocier des contrats miniers et des joueurs pour son club ». Dans les milieux d’affaires, le gouverneur du Katanga, possède une bonne image : « il n’a pas de sang sur les mains » et sait parler aux investisseurs et aux miniers, « qui ne veulent plus de Kabila ». Moïse Katumbi est également l’un des leurs, puisqu’il possède plusieurs concessions minières. Signe des temps qui changent, le célèbre businessman, Dan Gartler, incontournable interface entre le pouvoir congolais et le milieux des mines commencerait à se détourner de Joseph Kabila pour se rapprocher du gouverneur du Katanga. Mais attention, Katumbi possède aussi de lourds handicaps pour arriver sur les plus hautes marches de l’Etat : il ne contrôle pas l’armée, ni les services de sécurité et n’est pas à la tête d’une quelconque milice locale. Au Katanga, c’est toujours John Numbi qui fait la plus et le beau temps sur la sécurité dans la région, et pour le moment, il reste toujours fidèle à Joseph Kabila.

Il a observé les manifestations depuis Londres

Pour ceux qui pouvait encore douter des ambitions politiques de Moïse Katumbi, les événements de ces dernières semaines ont apporté une partie des réponses : « Katumbi est condamné à se lancer dans l’arène politique ». Entre Londres, Paris et Bruxelles, le gouverneur a également fait le tour des opposants politiques congolais, notamment du MLC de Jean-Pierre Bemba. Il a également conservé des contacts dans l’opposition, grâce à Jean-Claude Vuemba du MPCR. Mais il faut faire vite, la situation est très volatile en RDC et le gouverneur du Katanga a observé avec attention, depuis Londres, la semaine de manifestations à Kinshasa et Goma, ainsi que la « reculade » du gouvernement sur la nouvelle loi électorale. Le signe d’un possible changement ? Moïse Katumbi semble le croire.

Christophe RIGAUD – Afrikarabia

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