L’élection des membres du bureau : Assemblée nationale : temple de la démocratie ou de la dictature ?

Lundi 19 octobre 2015 - 10:15

Le samedi 17 octobre 2015, l’Assemblée nationale a procédé à l’élection des deux membres de son bureau, à savoir le premier vice-président ainsi que le rapporteur. Il s’agissait de remplacer respectivement Charles Mwando Nsimba et Ezadri Eguma, démissionnaires à la suite du séisme G7. Intervenue dans un contexte sulfureux où les violons ne s’accordaient guère sur les leçons à tirer du basculement de plusieurs dizaines de députés des partis du G7 dans l’opposition, cette élection a servi, aussi, à faire l’état des lieux des forces en présence au sein de la chambre basse, et, surtout, des conséquences que l’on devrait en tirer. Si, bien entendu, on est dans une démocratie autre que bananière …

Des sources au Palais du peuple, nous apprenons que, en date du 16 octobre 2015,  l’opposition avait initié une pétition réclamant la démission de l’ensemble du bureau pour des griefs argumentés sur chacun des cinq membres restants au bureau. En outre, l’opposition exigeait la recomposition du bureau de la chambre basse, conformément à l’article 22 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale aux termes duquel le bureau doit être conforme à la représentativité des forces en présence dans l’hémicycle. En effet, le basculement d’environ 80 députés des partis membres du G7 implique – forcément ! – la reconfiguration du bureau où le rapport de représentation devrait logiquement passer à 3 membres de l’opposition contre 4 de la majorité contre respectivement 2 et 5 actuellement. Petit problème : le bureau de l’Assemblée nationale a fermé curieusement son bureau courrier pendant trois jours…  Sauf que, comme la pétition était également adressée à chacun des membres du bureau, les opposants ont réussi à déposer leur pétition aux cabinets des premier et deuxième vice-présidents du bureau.

 Stupeur dans la salle

Première grosse surprise le samedi pour les bancs de l’opposition : Aubin Minaku prend place au perchoir, accompagné de tout son bureau, alors que, conformément au règlement intérieur de l’Assemblée nationale, les membres du bureau mis en cause dans une pétition devraient rentrer sur les bancs, et, dans le cas d’espèce, il revenait au doyen d’âge, c’est-à-dire Charles Mwando Nsimba, de présider la séance en attendant que la plénière tranche sur leur sort. Deuxième surprise : à peine installé, le président de l’Assemblée nationale passe la parole à deux députés pour intervenir par motion. Le premier, Yaza Tutu, ancien suppléant d’Eugène Diomi Ndongala et qui, par conséquent, devrait appartenir à l’aile la plus radicale de l’opposition au regard du sort qui est réservé à son chef de parti dont il était, en plus, avocat conseil, prend la parole pour démentir avoir jamais signé la pétition en question. Stupeur dans la salle. Deuxième vice-président du groupe UDPS et Alliés, Jean-Claude Vuemba Luzamba en appelle carrément à un graphologue pour identifier l’écriture de son nom qui pointe au numéro 49 parmi les signataires de la pétition, rien n’y fait.

Deuxième à prendre la parole, le président du groupe parlementaire PPRD, Shadari Ramazani, qui intervient par motion incidentielle que Aubin Minaku s’empresse de passer au vote, après deux interventions pour et contre. L’opposition proteste, insistant sur le fait qu’une pétition ne peut jamais être passée au vote. Encore une fois, le bureau reste de marbre : la pétition est rejetée. Tout semble bien orchestré, digne d’une pièce jouée d’avance. Mais c’est la démocratie qui, pour la énième fois, en prend un sacré coup. «Cette Assemblée nationale qui, sous Vital Kamerhe, était le temple de la démocratie, est devenue le lieu des coups les plus tordus contre notre jeune démocratie», tempête, déçu, un député de l’opposition du groupe UDPS et Alliés.

Etat des lieux des forces

Il n’empêche, tout bien considéré, la plénière de samedi avait son côté positif, car elle a permis de faire l’état des lieux des forces en présence. «Nous savions que Henry Thomas Lokondo allait perdre, mais sa candidature nous a permis d’évaluer le nouveau rapport des forces au sein de l’Assemblée. C’est pour cette raison que nous n’avons pas voulu, malgré tout, boycotter la séance. Nous sommes donc restés et avons concentré toutes nos forces sur Henry Thomas Lokondo», nous explique un autre élu de l’opposition, issu du MSR. Avant de poursuivre : «malgré qu’un groupe important de députés de l’opposition, tels des joyeux lutins, sont allés se faire mouiller la barbe par la majorité à l’hôtel Venus pour emboucher la trompette de la majorité, pour une fois, l’opposition a atteint un score qu’elle n’a jamais atteint : 169 voix, contre 271 pour la majorité. Ceci démontre que les forces de l’opposition ont beaucoup crû».

En effet, un écart de seulement une centaine de voix entre les deux familles politiques en présence démontre clairement que le rapport a énormément évolué dans la chambre basse, avec le renfort des députés du G7. Ce qui donne, finalement, globalement raison à la pétition de l’opposition dans sa revendication de reconfiguration du bureau de l’Assemblée nationale. Le bureau actuel peut-il entendre ce message ? «Rien n’est moins sûr, car il semble obéir, tel un automate, à un schéma tracé d’avance», tranche un député de l’UNC et Alliés.
B.M. (C.P.)

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