Propos autour des élections crédibles en 2016

Mardi 19 avril 2016 - 12:38

J’ai lu dans votre livraison du vendredi 15.04.2016 une interview du Député National Samy BADIBANGA à Jeune Afrique. Pourriez-vous me permettre d’émettre, dans votre journal, mon avis non seulement sur cette interview mais également sur tout ce qui se dit et s’écrit sur le Dialogue en préparation?

1) Tout d’abord voici quelques passages-clés de cette interview

– Sous le titre « Un coup d’Etat contre les institutions» on lit au §5: «Le Conseil de Sécurité demande en outre la mise en  place d’institutions étatiques opérationnelles, professionnelles et responsables et la création des conditions propices à la tenue d’élections pacifiques et crédibles dans les délais prévus ».

– Sous le titre « impossibilité de tout consensus véritable », au §5 on lit : « pour qu’un dialogue politique fasse véritablement progresser le pays vers les élections et l’alternance démocratique, il doit être fondé sur le respect intégral de la constitution et des institutions ».

2) Pour arriver à mes observations, je dois revenir sur les anomalies constatées par le Centre Carter sur les élections de 2011 :

– Plus d’électeurs que d’enrôlés à MOBA

– 250.000 électeurs dans un village, à MALEMBA-NKULU, qui tous ont voté, en un seul jour, avec un seul bureau de vote.

– 20.000 électeurs en plus à l’élection présidentielle qu’aux législatives alors que les deux élections ont eu lieu le même jour et dans les mêmes bureaux dans le MASISI. Ces observations avec leurs précisions de chiffres et de lieu ne viennent pas de moi mais du Centre Carter. Ces anomalies ont été commises par la CENI et les tenants actuels du pouvoir. On nous a dit que le Centre Carter n’ayant pas été partout, dans chaque coin et recoin de la République, ses conclusions ne sont que partielles et ne peuvent pas entacher tout le processus.

– Si là où le centre s’est présenté, on a triché autant, qu’en a-t-il été là où le centre n’a pas mis les pieds? Donc les anomalies ont eu lieu partout.

3) Je pose quelques conclusions:

– Comment peut-on parler d’élections crédibles si leurs organisateurs sont ceux de 2011 ?

– Peut-on organiser des élections crédibles dans un pays où ni la taille globale de la population ni celle de l’électorat ne sont connues? Peut-on nous dire dans quel pays cela s’est déjà fait ?

– Les politiciens congolais ont remué ciel et terre pour auditer la CENI sans jamais y parvenir et là nous apprenons que l’OIF (Organisation Internationale de la Francophonie), elle, en catimini, y était parvenue! Et nous autres nous avons eu tout juste droit à leurs conclusions : sornmes-nous obligés de croire dans ces conclusions? Où serait alors la transparence (il ne faut pas nous en demander trop).

D’où la nécessité du Dialogue et il y aura immanquablement des décalages dans le processus électoral. Thomas PERRIELLO l’a dit, sur R.FJ. Si Monsieur Perriello le dit comment peut-on comprendre que la même Communauté Internationale nous demande d’organiser des élections crédibles, transparentes, apaisées, dans les délais constitutionnels devenus trop courts pour tous? ces déclarations sont un attrape-nigauds et nous apparaissent comme des oracles de la Pythie de Delphes.

A notre corps défendent, ils nous faut aller au glissement: c’est la condition sine qua non du début d’existence d’un Etat moderne. Les conditions de ce glissement sont pour moi les suivantes:

1. Que le pourvoir organisateur réalise un recensement général de la population et enregistre le corps électoral.

2. Que ceux qui ont commis les anomalies ci-haut ne participent pas au glissement.

3. Que ceux qui sont responsables du retard actuel, l’exécutif en place, ne participent pas au glissement: rien ne nous dit, en effet, qu’ils ne vont pas organiser un autre glissement ou encore prolonger indéfiniment le 1er glissement: les responsables du retard ne doivent pas en être aussi les bénéficiaires.

4. Puisque c’est un dialogue et une négociation avec des concessions mutuelles, le Président KABILA reste en place mais qu’il n’ait pas le pouvoir de destituer le Premier Ministre durant toute la période du glissement.

Dans ces conditions, que devient la Constitution de février 2006 et que deviennent les fameux délais constitutionnels dont tout le monde parle tant ?

Sans être juriste, je sais que des problèmes graves, politiques, sécuritaires ou autres menaçant la vie de la nation peuvent entrainer la suspension de certains articles d’une constitution: c’est le cas des états d’urgence, cela a été le cas chez-nous lors de la Conférence nationale souveraine, etc… De toute manière ce glissement ne devra pas signifier modification de l’article 220 de la constitution, encore moins octroi d’un 3ème mandat au président actuel. Il n’y a qu’au dialogue que tout cela peut se discuter. Ceux qui ne veulent pas de ce dialogue, ont l’obligation, hinc et munc, de nous proposer un schéma alternatif clair, réaliste et responsable, et il ne suffira pas de se fendre d’une déclaration du genre «que le peuple prenne ses responsabilités». Ce ne sera pas très responsable.

Docteur BAJIKA (C.P.)