La Mission de l’ONU en République démocratique du Congo (Monusco) a quinze ans. Pour l’occasion, elle organise jusqu’au 6 juin une exposition de photos retraçant les actions des Casques bleus, chargés de protéger les civils contre les dizaines de groupes armés actifs dans l’est congolais, riche en minerais précieux.
A l’Institut français de Kinshasa, on découvre un hommage à des Casques bleus morts en mission, un lot impressionnant d’armes saisies car détenues illégalement, une opération de déminage ou encore l’un des fameux drones que la Monusco a acquis pour surveiller, entre autres, les mouvements des différentes rébellions.
« Etre dans votre pays depuis quinze ans, c’est… quelque chose qui n’est pas tellement normal. C’est le temps de réfléchir sur la fonction de la Monusco dans votre pays. Il est vraiment temps de commencer à partir progressivement », a confié lors du vernissage Martin Kobler, chef de la Monusco.
« La Monusco ne fait rien ! »
Déjà, la Mission a entamé le retrait de 2 000 hommes, alors que la situation reste très inquiétante dans le nord du Nord-Kivu où, depuis le mois d’octobre, près de 400 personnes ont été massacrées (parfois à proximité de positions de l’armée et de la Monusco) par de présumés rebelles musulmans ougandais des Forces démocratiques alliées (ADF).
Lors d’une récente rencontre, le chef de la Monusco a entendu des citoyens se plaindre. « Vous avez, vous la Monusco, la solidarité avec les partenaires locaux mais pas avec la population. La Monusco a comme mission le maintien de la paix, mais depuis quinze ans la Monusco ne fait rien ! », ont-ils dit en substance, selon Martin Kobler.
En novembre 2013, la Mission, qui compte aujourd’hui près de 20 000 hommes, a porté avec l’armée congolaise le coup de grâce à la rébellion Mouvement du 23 mars (M23), qui a combattu Kinshasa de mai 2012 à novembre 2013 au Nord-Kivu. Elle a aussi participé à l’affaiblissement des rebelles de l’ADF.
Les deux partenaires sont en froid
« Il y a eu, comme récemment, quelques moments d’incommunicabilité, d’incompréhension ou de malentendus, mais ils n’ont jamais eu raison de notre volonté commune de maintenir une indispensable collaboration », a relevé lors de l’inauguration Lambert Mende, porte-parole du gouvernement congolais.
Les deux partenaires sont en froid car l’ONU a exigé que deux commandants congolais nommés pour lutter contre les rebelles hutus rwandais des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) soient changés, les soupçonnant de graves violations des droits de l’Homme. Depuis, la collaboration piétine sur le terrain.
Pour se réconcilier, la Monusco et Kinshasa dialoguent. Sans avancée flagrante. Pour un réel progrès, Martin Kobler a souligné qu’il reste impératif de respecter les « valeurs des Nations unies : les valeurs de la démocratie, des droits de l’homme, de la protection des civils et aussi de la protection des vulnérables. »
Des « actes de violence »
Le respect des droits de l’homme alimente depuis des mois les tensions entre le pouvoir et la mission onusienne. Exemple emblématique : Kinshasa avait demandé l’expulsion en octobre 2014 du chef du bureau conjoint de l’ONU aux droits de l’Homme (BCNUDH), Scott Campbell, jugeant mensonger un rapport expliquant qu’au moins neuf personnes avaient été exécutées lors d’une opération policière anti-délinquance menée de novembre 2013 à février 2014.
Mi-mars, Martin Kobler s’était déclaré « inquiet » après l’arrestation à Kinshasa de militants essentiellement congolais : ils avaient organisé une rencontre sur la bonne gouvernance et la démocratie, mais Kinshasa les accusait de vouloir préparer des « actes de violence » visant à déstabiliser le pouvoir du président Joseph Kabila.
En janvier, le chef de la Monusco avait déploré « l’usage de la force létale par les forces de sécurité » et la coupure de l’Internet mobile et des réseaux sociaux lors de manifestations violentes dénonçant un projet de loi électorale qui aurait pu aider le président Joseph Kabila à rester au pouvoir au-delà du terme de son mandat.
Selon la constitution, il ne peut pas briguer un troisième mandat fin 2016, mais l’opposition accuse son camp de vouloir contourner l’interdiction. La Monusco – comme l’opposition et la communauté internationale – insiste pour que la présidentielle soit organisée à temps, en novembre 2016, mais le calendrier électoral est très serré.
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