RDC : Me Claude Kayembe propose la création d'un « Ombudsman », l’équivalent de l’IGF sur le plan administratif, pour mettre fin à la "cacophonie" dans l'administration 

Vendredi 29 octobre 2021 - 16:48
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Point n’est besoin de faire un dessin, en RDC l’administration dans toute sa diversité fait piètre figure ! Entamer une démarche administrative, même banale peut se transformer en parcours du combattant... 

En effet, à chaque fois qu’un administré se présente dans une administration, c’est l’occasion pour les agents commis à différents services de se frotter les mains car au-delà des tarifs officiels, les bakchichs et autres à-côtés donnent le tournis aux administrés. 

A cela, il faut rajouter le manque de professionnalisme des agents qui pour la plupart sont engagés à la faveur des relations de diverses natures, la lenteur et la multiplicité des étapes pour obtenir le précieux sésame (réception, services courriers, services expéditions, services cachets, délai déraisonnable, tarifs excessifs, corruption, concussion, mauvaise administration, excès et abus de pouvoir,…) - sachant qu’à chaque étape il faut laisser une petite enveloppe -, le manque de numérisation,… 

Bref, une administration kafkaïenne qui n’inspire aucune confiance et qui est source de conflits,  fraudes et magouilles diverses.

Tout cela sape malheureusement les efforts plus que louables du président de la République qui tente de remettre le pays sur orbite, notamment en attirant un maximum d’investisseurs afin de faire décoller la RDC. Hormis les différents mécanismes mis en place (IGF, APLC, Agence pour le changement des mentalités,…) en vue combattre les tares qui ont enfoncés le pays, une autre solution qui a fait ses preuves dans d’autres pays serait la création d’un « Ombudsman ».

Qu’est-ce ? Ombudsman est en langue suédoise et veut tout simplement dire « celui qui défend les droits pour autrui ». En clair, un Ombudsman n’est rien d’autre qu’un haut fonctionnaire indépendant qui a tout un service avec des spécialités en fonction des matières à traiter et dont le rôle est crucial dans la mesure où il fait l’interface entre l’administration et l’administré. C’est en fait un médiateur mais qui a d’énormes pouvoirs. En France on l’appelle « Médiateur », en Belgique « Médiateur fédéral », etc. 

En effet, l’Ombusman est saisi par les administrés qui se trouvent butés à des difficultés de tous genres face aux services administratifs du pays.
Concrètement, quel est serait rôle ? En substance ce médiateur :

1. Jouerait le rôle d’intermédiaire, en analysant les plaintes sur les décisions et le fonctionnement des administrations et proposerait des solutions ; 

2. Menerait des enquêtes et investigations sur le fonctionnement se basant sur des plaintes ou à la demande de la Chambre des représentants et/ou du Président et du Gouvernement ;

3. Adresserait des recommandations à la Chambre des Représentants, au Président de la République, au gouvernement ainsi qu’ à l’administration concernée. 

A cet effet, il dresserait un rapport annuel et le cas échéant, des rapports intermédiaires, adressés à la Chambre des Représentants et/ou au président de la République et au chef du Gouvernement. Etant entendu que ce Médiateur dépendrait de ces trois institutions en question. Il est donc évident qu’il aurait un pouvoir très étendu d’interférer dans n’importe quel dossier de l’administration et qu’il pourrait faire déclencher une action disciplinaire. 

Son rôle serait donc d’accompagner l’administré dans les méandres de l’administration congolaise. Il serait pour ainsi dire, l’équivalent de l’IGF mais pour le volet administratif ! Force est de constater que même dans les pays où l’administration est au point (salaires décents, logistiques et formations adéquates, …) les problèmes se posent avec une certaine acuité au point de devoir recourir à un Médiateur.

Dans le cadre de ma profession d’avocat, j’ai eu à recourir à quatre reprises au Médiateur fédéral, notamment dans 2 dossiers en matière administrative des étrangers, 1 en matière notariale, 1 en matière fiscale. Je puis attester que son intervention fut d’une grande efficacité et célérité. 

A titre d’illustration, pour l’année 2019, le médiateur fédéral belge a reçu 6852 nouveaux dossiers dont 1684 demandes d’information  et 5168 réclamations. Dont 2843 ont été déclarées recevables et 1973 irrecevables. Et les réclamations recevables concernaient essentiellement les administrations de l’Intérieur et des Finances.

L’administration est sans conteste le socle, la base même de l’organisation d’un pays.  Un pays n’est organisé et stable que si son administration l’est aussi. Et vice versa !  Il est prouvé qu’une bonne administration  contribue également à la paix sociale dans une société déterminée.  C’est ainsi que même des pays dits civilisés et organisés (France, Belgique, Suède, Suisse,…) ont mis un point d’honneur à créer des Ombudsman afin de parfaire au maximum les services administratifs. 

Certes, il existe des recours internes aux administrations ainsi que des recours externes, notamment le Conseil d’Etat et d’autres juridictions administratives. Cependant, ces procédures complexifient d’avantage les choses pour l’administré et sont généralement onéreux. D’où la nécessité en RDC, pour le changement tant souhaité par le peuple au travers du pouvoir de l’Udps, de créer un tel organe avec pour mission de mettre de l’ordre dans l’administration. Ce serait d’ailleurs un bel hommage à Etienne TSHISEKEDI qui fut à la base de L’école nationale d’administration et qui faisait de l’organisation administrative son cheval de bataille.  Et cela aura bien évidemment pour effet de rendre palpables les réformes courageuses entreprises par le chef de l’Etat.

Maître Claude KAYEMBE-MBAYI