
Tribune Libre n°121
( Steve Mbikayi )
Joseph Kabila : une conception coutumière du pouvoir politique
L’évolution récente de l’actualité congolaise amène à une interrogation troublante : pour que la paix règne en RDC, la famille Kabila doit-elle être systématiquement associée au pouvoir ?
En 1996, LD Kabila, propulsé par le Rwanda et l’Ouganda, fut imposé à la tête d’une prétendue rébellion, puis propulsé au pouvoir. Avec lui, l’infiltration silencieuse de nos institutions par des personnalités étrangères.
La colère populaire accumulée contre le régime Mobutu, à bout de souffle, servit alors de couverture à une entreprise qui n’avait rien d’une libération. Elle mit brutalement fin au processus démocratique enclenché par la Conférence nationale souveraine. Le pays, à l’époque, se préparait à organiser ses premières élections libres.
À la mort de Laurent-Désiré Kabila, Joseph Kabila hérite du pouvoir. Il y restera plus de vingt ans. Seul, il gère et régente tous les leviers de l’État : l’armée, la Banque centrale, le secteur minier. Il baigne dans les honneurs, l’or et le diamant. Ayant tout eu, encore jeune, il aurait pu, à l’instar d’anciens chefs d’État africains tels que Thabo Mbeki, Macky Sall, Olusegun Obasanjo, Hifikepunye Pohamba ou Ernest Bai Koroma, être compté parmi les sages du continent et œuvrer pour la paix. Mais lorsqu’il quitte le pouvoir, c’est avec un rêve en filigrane: celui d’y revenir par quelque artifice, comme si la RDC était un royaume dont le trône reviendrait de droit à son lignage.
Pour notre part, nous avons toujours estimé qu’un ancien président mérite respect, à condition qu’il adopte l’attitude d’un sage républicain. Joseph Kabila a longtemps bénéficié de notre indulgence et de notre réserve. Mais au regard des récents événements, une question s’impose avec acuité: faut-il encore le considérer comme ancien Chef d’État, comme instigateur de rébellion, ou comme auteur intellectuel de tentatives de coup d’État ?
Il ne fait guère de doute que l’ancien président figure aujourd’hui parmi les cerveaux politiques de la déstabilisation du pays. À l’implosion de la coalition FCC-CACH, son espoir de retour au pouvoir, à la manière d’un Poutine tropical, commence à s’effondrer. Simultanément, l’Est s’embrase. Bunagana tombe. Les armes reprennent la parole là où le peuple avait choisi les urnes. L’agression se dissimule derrière le M23, cette étiquette usée qui peine à cacher sa main et celle de Kigali.
Après la victoire du président Félix Tshisekedi en décembre 2023, lors d’élections boycottées par son camp, le désespoir s’étend dans les rangs du FCC. Sur le front, les agresseurs peinent à avancer. C’est ainsi que l’argent (venu d’où ?) est utilisé pour corrompre les consciences militaires, acheter la reddition des officiers, et tenter de faire marcher des troupes étrangères sur Goma, Bukavu, puis Kinshasa, comme en 1996. Mais 2025 n’est pas 1996. Mobutu n’est pas Tshisekedi.
Stoppée net à Uvira et à Walikale, cette offensive bute sur la détermination des FARDC et la montée en puissance de la diplomatie congolaise. La perspective d’un accord de paix structurant avec les États-Unis, suivie d’un cadre de normalisation entre la RDC et le Rwanda, vient désarmer les velléités de conquête. Mais une autre menace surgit : celle d’un coup d’État insidieux, plan machiavélique pour nous replonger dans le chaos.
Si l’ancien président croit servir la République en la minant de l’intérieur, il se trompe gravement. La RDC n’est ni un butin de guerre ni une propriété privée. Le pouvoir politique n’y est ni coutumier, ni héréditaire, ni transmissible au sein d’un clan. Il appartient au peuple congolais, seul détenteur légitime de la souveraineté nationale.
Face aux instincts monarchiques de l’ancien président, notre réponse doit être celle d’un front républicain déterminé, uni autour des institutions démocratiquement établies.
Retomber dans le cycle infernal des coups d’État et des rebellions, c’est reculer de plusieurs décennies.
Tribune de Steve Mbikayi, président du Parti Travailliste (PT)