Gouvernement de cohésion nationale : le plus grand évènement politique de 2014

Lundi 29 décembre 2014 - 07:54

Prévue au calendrier de la session de septembre, la révision constitutionnelle restée lettre morte.

Au moment où l’an 2014 s’achève pour céder la place à la nouvelle année 2015, qu’est-ce qui a donc marqué la RDC sur le plan politique ? C’est à ce grand exercice qu’on se livre généralement en cette période, c’est-à-dire après douze mois. Toutes proportions gardées, c’est la nomination, le dimanche 07 décembre 2014, du Gouvernement de cohésion nationale qui constitue le plus grand évènement politique de l’an 2014. Non seulement parce qu’il n’y a pas eu un évènement avec autant d’ampleur, mais aussi et surtout parce que ce cabinet était attendu depuis plus d’un an. L’attente aura donc été la plus longue au monde en la matière, car aucun Gouvernement n’a été autant attendu ailleurs.

C’est le 13 octobre 2013 dans la salle des Congrès du Palais du peuple, lors de la clôture des travaux des Concertations nationales, que le chef de l’Etat avait fait allusion, pour la toute première fois sans le dire ouvertement, au Gouvernement de cohésion nationale. Dans son discours, Joseph Kabila avait simplement indiqué : " Je vous ai compris". La valse d’applaudissements qui avait suivi ce bout de phrase en disait long sur les attentes des uns et des autres. C’est d’ailleurs à cette occasion que les co-présidents des Concertations nationales, Léon Kengo et Aubin Minaku, avaient remis la centaine des recommandations de leurs travaux. Le Raïs prenait ainsi acte de la volonté des Concertateurs.

PLUS DE DOUZE MOIS D’ATTENTE POUR LE GOUVERNEMENT
Or, avant même le début des travaux, lors de la rencontre de l’Opposition politique sur la 15ème rue Limete, en prévision des Concertations nationales, Léon Kengo avait annoncé la formation d’un nouveau Gouvernement à la fin des assises attendues. Ce qui avait poussé plusieurs partis encore hésitants à accepter de participer, à défaut du dialogue tant réclamé, aux Concertations nationales. Depuis, le train de l’appât du Gouvernement de cohésion nationale avait pris les rails. Mais, les Concertateurs étaient loin de se douter qu’il s’agissait d’un long processus et qu’aucune urgence n’était à l’ordre du jour. Cela s’est finalement réalisé plus de douze mois plus tard.
Annoncé d’abord pour la session de mars, l’avènement du Gouvernement de cohésion nationale n’était pas au rendez-vous jusqu’à la clôture. Le chef de l’Etat, en réponse aux attentes de l’opinion, déclarera plus tard, " tout doit se faire avec méthode et sans précipitation". L’imminence n’était donc plus le maître-mot. Il fallait simplement se soumettre au temps du Raïs parce que la longue attente se poursuivait encore. C’est finalement à sept jours de la clôture de la session de septembre, soit le dimanche 07 décembre 2014, que sera connu le Gouvernement de cohésion nationale perçu, non comme un nouveau Gouvernement, mais comme un méga remaniement ministériel en RDC.

LE PROJET DE REVISION CONSTITUTIONNELLE RESTE LETTRE MORTE En dehors du Gouvernement de cohésion nationale, l’actualité politique demeurait marquée par le projet de révision constitutionnelle du Gouvernement Matata I. Ce qui avait relancé la polémique sur la question parce que, pour l’Opposition politique, la Majorité présidentielle déblayait le terrain afin de retoucher l’article 220 sur le mandat du chef de l’Etat. Mais, c’était sans compter avec la situation au Burkina Faso où le régime avait commis le malheur d’expérimenter la dangereuse phase de la révision constitutionnelle qui finit par emporter le président Blaise Compaoré. Dès lors, ce cas de figure constituait une matière pour tous les dirigeants africains concernés ou tentés par la révision ou le changement de la Constitution.
C’est sur ces entrefaites qu’intervient le discours du chef de l’Etat français, François Hollande, 15ème sommet de la Francophonie au Sénégal en fin novembre 2014. Sans mettre des gants, Hollande mettait en garde les dirigeants africains en les invitant à prendre au sérieux ce qui s’est passé au Burkina Faso. C’était comme s’il les prévenait que cela pouvait aussi se passer chez eux. C’est à partir de ce moment que des rumeurs sur l’abandon du projet de révision constitutionnelle ont commencé à circuler. Même la tentative de revenir sur la proposition de loi du député Delly Sessanga n’obtint aucun succès. Le projet de révision constitutionnelle restait lettre morte.

LA CONTRE-OFFENSIVE POLITIQUE DE JOSEPH KABILA
Durant l’année qui s’achève, Joseph Kabila aura enregistré beaucoup de critiques de la part d’une partie de l’Opposition soutenue par certaines capitales occidentales. Tout a alors commencé par le calendrier électoral publié par la Commission électorale nationale indépendante (CENI) jugé partiel parce que ne comprenant pas le scrutin présidentiel de 2016. A la place, c’est le calendrier global qui est exigé. Ensuite vint l’injonction américaine à travers John Kerry, le secrétaire d’Etat américain. Ce dernier demandait à Joseph Kabila de ne pas se représenter en 2016 et également de ne pas réviser la Constitution. Cela donna lieu à toutes sortes de critiques tant à l’interne qu’à l’extérieur.
C’est finalement le 15 décembre, lors de son discours devant le Congrès, que le chef de l’Etat saisira l’occasion de répliquer à ses détracteurs. Après avoir décrié la complicité politique qui règne entre l’Opposition et la communauté internationale, Joseph Kabila lancera un message clair à certaines officines occidentales : " Conseils oui, injonctions non". De quoi couper court à la polémique qui ne rate jamais la moindre occasion de le renvoyer dans les cordes. Cela a aussi valeur de mise en garde comme pour dire qu’il ne se laissera pas faire. Cette phrase était tellement inattendue que cela coupe momentanément l’herbe sous les pieds de ceux qui se liguaient et se liguent contre le Raïs.

AU PLAN POLITIQUE, L’AN 2015 RISQUE D’ETRE LA PREFIGURATION DE 2016 La nouvelle année commencera par la session extraordinaire au Parlement, c’est-à-dire à l’Assemblée nationale et au Sénat. Mais, déjà, l’Opposition a prévenu qu’elle ne donnerait pas du tout sa caution à la révision de certains articles de la loi électorale. Ce qui reviendrait à dire qu’il y aura de l’étincelle en l’air. Même s’il reste encore un flou autour du dialogue réclamé au début par l’UNC de l’opposant Vital Kamerhe et finalement par l’UDPS. Sans nul doute que ce dialogue constitue une carte politique que Joseph Kabila garde encore dans sa gibecière et qu’il pourrait abattre en temps opportun surtout si jamais l’urgence l’exigeait. Etant la dernière année avant 2016, 2015 est donc l’année de tous les enjeux et dangers.
2015 risque, à ce titre, d’être la préfiguration de 2016. Les différentes manœuvres visant les enjeux de 2016 commenceront sans nul doute au cours de la prochaine année. C’est dire que comparé à 2015, 2014 n’aura enregistré que des séances de répétition avant la répétition générale en 2015 et la grande bataille en 2016. Les officines occidentales renvoyées au tapis par Joseph Kabila ainsi que une partie de l’Opposition qui ne se retrouve pas dans le Gouvernement de cohésion nationale tenteront certainement de prendre leur revanche en 2015 afin de déblayer déjà le terrain en prévision des enjeux de 2016. L’année prochaine risque donc d’être riche en évènements politiques. M. M.