Pour la énième fois, le président de la République, Félix Tshisekedi, a rappelé au gouvernement qu’il devrait porter une attention particulière au secteur d’électricité s’il espère développer le pays. C’était au cours de la 83e réunion du conseil des ministres, tenue le vendredi 20 janvier 2023.
Selon le porte-parole du gouvernement qui le dit dans son compte-rendu, le chef de l’Etat a rappelé au gouvernement l’urgence d’investir dans les infrastructures électriques.
« Le président de la République a rappelé aux membres du gouvernement que les infrastructures relatives à l’électricité demeurent prioritaires et nécessitent un traitement diligent pour le développement de notre pays ; tant il est vrai que ses tournées d’itinérance à travers le pays démontrent que le manque d’électricité freine le développement socio-économique de notre société », lit-on dans le compte-rendu de Patrick Muyaya.
A lire ce compte-rendu du ministre de la communication et médias, le président de la République en a marre du manque des résultats par son gouvernement dans le secteur de l’électricité.
« Cette situation qui freine le développement du pays ne doit pas perdurer », a déploré le président de la République, cité par le ministre de la communication.
Le gouvernement va-t-il cette fois-ci écouter le président de la République ?
Ce rappel de Félix Tshisekedi au gouvernement n’est pas le premier depuis qu’il préside aux destinées de la nation congolaise.
Au 1er forum national sur l’énergie électrique, tenu à Matadi en août 2019, le président de la République avait tenu pratiquement le même discours, avec la même grinta. A voir la situation actuelle sur terrain, comme si le fils du Sphinx avait crié dans le désert.
« Nous ne pouvons pas demeurer impassibles devant de tels drames. C’est pourquoi, j’ai demandé que l’accès à l’électricité soit inscrit comme la première des priorités économiques de mon programme pour le quinquennat (…). Nous avons la responsabilité historique de relever le défi de l’électrification de la République Démocratique du Congo », avait dit le chef de l’Etat.
Si le gouvernement des « Warriors » peut se justifier qu’il n’était aux affaires en 2019, qu’en est-il de l’appel du président de la République fait dans son discours à la nation, devant les deux chambres du parlement réunies en congrès le 13 décembre 2021 ? Il dénonça même le manque de coordination et la faiblesse de pilotage des projets du gouvernement.
« Je demande donc au gouvernement d’accélérer la mise en œuvre des projets à impacts rapides et visibles. En effet, dans les secteurs de l’eau et de l’électricité et de la santé pour ne citer que ceux-là, la plupart de projets en cours souffrent d’un manque de coordination et d’une faiblesse de pilotage », avait blâmé le gouvernement, le président de la République.
Félix Tshisekedi s’était « sûrement » rendu compte que son appel solennel au gouvernement fait devant la nation n’avait pas été entendu. Probablement c’est la raison pour laquelle il va revenir à la charge le 29 avril 2022 lors de la 51e réunion du conseil des ministres.
« Pour garantir l’accès en eau potable et en électricité qui est un droit constitutionnel, et au regard des difficultés qu’éprouvent nos populations dans ce secteur, le président de la République a appelé à une bonne structuration de ce secteur afin de réduire sensiblement le retard de développement accumulé par notre pays durant plusieurs décennies et de répondre aux grandes attentes de notre peuple. Il est donc impérieux que le gouvernement réserve un caractère urgent aux projets d’électrification du pays », avait écrit le porte-parole du gouvernement dans son compte-rendu.
Interrogé, Ikala Engunda, spécialiste en institution et gouvernance, a recommandé qu’une structure soit créée au niveau de la Primature pour faire le suivi des recommandations du président de la République,
« Les recommandations du président au gouvernement souffrent d’un manque de suivi. C’est un vrai problème d’organisation. Peut-être qu’au niveau de la Primature il faudrait qu’on mette en place une structure chargée de faire le suivi des recommandations du président de la République. Ça pourra permettre d’évaluer le niveau d’exécution de ces recommandations », a-t-il recommandé.
Si le gouvernement a du mal à exécuter les recommandations du président de la République, l’on serait même tenté de s’interroger sur le respect de son propre programme sur base duquel l’assemblée nationale l’avait investi.
Dans ce programme gouvernemental (2021-2023), le 8e pilier prévoit, par exemple, la « finalisation, l’opérationnalisation de la maintenance de Inga I et II, et des autres centrales, la construction des centrales de taille moyenne et la promotion du recours aux énergies renouvelables sur toute l'étendue de la République sur fonds propres, ainsi que la construction par province d’au moins une centrale electrique de taille moyenne ou, à défaut, y promouvoir les énergies alternatives ».
Hormis ce programme, le gouvernement possède également le plan national stratégique de développement (PNSD) pour la période de 2019 à 2023. Dédicacé par le président de la République, ce plan stipule, en ce qui concerne les infrastructures électriques, que le « gouvernement entend assurer une plus grande accessibilité de toutes les couches sociales et communautés nationales de base à une énergie électrique fiable. Il devra augmenter la puissance disponible de plus de 600 MW afin de relever le taux de desserte électrique ».
Malgré ces multiples recommandations du président de la République, l’existence du programme gouvernemental et autres documents stratégiques, la RDC ressemble à un pays qui n’a pas de ministère qui s’occupe de la question des énergies. Le résultat est que la ville de Kisangani est dans le noir depuis 2 ans, le courant est un luxe voire inexistant dans plusieurs quartiers de Kinshasa et dans pratiquement toutes les autres villes du pays.
Bienfait Luganywa