Edem Kodjo, un facilitateur atypique

Jeudi 11 août 2016 - 10:41
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Dans l’histoire politique de la République démocratique du Congo, nul n’a souvenance, qu’à un moment ou en un autre, un médiateur se soit imposé de « force » comme facilitateur d’un dialogue entre Congolais. Le facilitateur « récusé » du dialogue congolais doit véritablement être atypique pour penser s’imposer de force.

Selon le bon sens, « On ne s’impose pas facilitateur dans un conflit, on se propose facilitateur ». Les Congolais sont en train d’assister à une première avec le facilitateur désigné de l’Union africaine, Edem Kodjo. Sa mission est d’organiser un dialogue national politique inclusif entre les forces vives de la République démocratique du Con go. Nommé début avril par la présidente de l’Union africaine, Edem Kodjo n’est pas en mesure de remplir sa mission, quatre mois après. L’homme qui pensait mettre su pied un comité préparatoire au bout d’une semaine est en train d’égrener des mois entiers sans aucune avancée sur le terrain.

Pire, une des parties vient de lui retirer sa confiance. En effet, le Rassemblement, la plateforme politique la plus représentative de l’opposition, a récusé l’ancien Premier ministre togolais comme facilitateur de prochaines négociations politiques censées baliser le terrain pour un processus électoral apaisé. Etienne Tshisekedi l’a redit urbi et orbi lors du meeting de l’opposition du 31juillet dernier sur le boulevard Triomphal, à Kinshasa. Pour lui, Edem Kodjo n’est ni plus ni moins « un grand Kabiliste », roulant pour les intérêts de la famille politique du chef de l’Etat. Face à une facilitation partiale, l’opposition réclame désormais qu’un autre médiateur, ayant la confiance de deux parties, soit désigné par la même Union africaine.

« J’Y SUIS, J’Y RESTE »
Le facilitateur vient de rappeler à la CENCO hier qu’il n’a nullement l’intention de démissionner. Or présentement, le dialogue tant attendu se trouve bloqué par celui qui devait te faciliter. Sans un facilitateur accepté par les parties, l’on ne peut aucunement parvenir à organiser un dialogue qui soit véritablement inclusif, comme le recommandent plusieurs résolutions tant des Nations unies et de l’Union européenne que d’autres partenaires de la République Démocratique du Congo. En effet, la résolution 2277 insiste sur le caractère inclusif du dialogue.

« Promouvoir la consolidation de la paix et un dialogue politique transparent associant toutes les parties prenantes congolaises, dans le respect de la Constitution, en vue de favoriser la réconciliation et la démocratisation, et protéger les libertés fondamentales et les droits de l’Homme, afin d’ouvrir la voie à la tenue d’élections ». Telle est la recommandation de la résolution 2277 des Nations unies.

Comment alors parvenir à organiser un tel dialogue avec un facilitateur récusé par une des deux parties ? De même, que deviendrait ce dialogue si on l’organisait sans la participation de l’essentiel de l’Opposition ? Dans les deux cas, l’on ne peut atteindre les résultats escomptés dans ces conditions-là. Dès lors, il n’ya pas d’alternative que la démission pour Edem Kodjo et trouver un facilitateur qui aura la confiance des protagonistes.

Certes, le facilitateur désigné de l’UA a le soutien de la Majorité présidentielle ainsi que de toutes les tierces parties, mais cela ne suffit pas pour débloquer la machine du dialogue.
FAIBLE CAPACITÉ D’INFLUENCE
En acceptant d’être facilitateur du dialogue en RDC, Edem Kodjo, en tant que haut fonctionnaire international et un acteur politique majeur dans son pays, le Togo, savait pertinemment bien la complexité de la tâche et les obstacles à franchir avant de parvenir à mettre les protagonistes autour d’une même table. En fonction depuis avril, Edem Kodjo n’est pas parvenu à taire les divergences entre la Majorité présidentielle et l’opposition. Aujourd’hui, les clivages politiques entre les deux camps ont atteint’ le paroxysme.

De même, le facilitateur n’est pas parvenu à vider les préalables posés par l’Opposition, notamment la libération des prisonniers politiques, la fin des intimidations et autres violations des droits et libertés des citoyens attribuées au pouvoir en place. La tension demeure vive. Dès lors, il est illusoire de penser mettre autour d’une table des individus qui s’invectivent, notamment par médias interposés.

A ce jour, Edem Kodjo n’est parvenu ni à clarifier la finalité de sa mission, ni l’objectif du dialogue. Quand il dit qu’il n’y a plus d’obstacles à la tenue du dialogue, le lendemain, l’opposition le récuse. Quand il se satisfait de la mesure de grâce présidentielle accordée à certains prisonniers, l’Opposition trouve que beaucoup de prisonniers politiques croupissent encore dans les prisons. Au finish, Kodjo paraît comme quelqu’un qui ne comprend pas les revendications d’une des deux parties prenantes au dialogue qu’il est censé arbitrer.
Par AMK