La loi n° 09/001 du 29 janvier 2009 portant protection de l’Enfant en République Démocratique du Congo institue des tribunaux pour enfants auxquels sont attachés des comités de médiation, un mécanisme extrajudiciaire qui est une véritable innovation pour protéger les enfants en conflits avec la loi ayant commis des manquements qualifiés d’infractions bénins. La mediation vise à épargner les enfants d’une procédure judiciaire et à réduire le volume de travail des juges.
Grace à la médiation, la famille, voire la communauté peut aussi participer à la résolution des conflits. La mediation a, entre autres avantages, d’épargner l’enfant contre la stigmatisation et contre les lourdeurs d’une procédure judiciaire (remise), mais elle facilite aussi la réconciliation des parties en conflit et partant la réinsertion des enfants dans leurs communautés. Grâce a l’appui de l’UNICEF, la ville province de Kinshasa compte actuellement 3 comités de médiation qui sont attachés aux 5 tribunaux pour enfants de cette ville, mais très peu de cas sont confiés à ces comités.
Lorsque le manquement commis par un enfant est punissable de moins d’une année, le juge doit le déférer d’office devant le comité de mediation. Mais si les faits commis par un enfant sont punissables de plus de moins de 10 ans, le juge du tribunal pour enfants peut apprécier s’il doit ou non transférer l’affaire au comité de médiation de sa juridiction pour que les parties en conflit (auteur de l’infraction et victime) trouvent un compris ou un arrangement à l’amiable.
Une descente au tribunal pour enfants de Kinshasa-Gombe installé dans l’enceinte de la maison communale de Kinshasa nous a permis de nous rendre compte du fonctionnement du comité de médiation. Nous y sommes reçu par le président (jusqu’en mars 2016) de ce tribunal, Kashama Ngoy. Il demande à son greffier divisionnaire de trouver dans les archives du tribunal quelques dossiers traités par le comité de médiation et qui ont trouvé un compromis. Un seul dossier assez récent est trouvé.
Les comités de médiation jouent le rôle exaltant de maintenir la paix sociale dans la communauté
Les faits contenus dans le dossier traité avec succès par le comité de médiation de Kalamu remontent à mars 2015. L’assistante sociale Masudi Zaini saisit alors le tribunal pour enfants de Kinshasa-Gombe après avoir reçu elle-même dans son bureau de la commune de Kinshasa deux adolescentes âgées respectivement de 15 et 14 ans. Celles-ci, habitant dans un camp d’infortune érigé par les refoulés de Brazzaville en face de la maison communale de Kinshasa, à l’extérieur du stade Cardinal Malula, venaient de se bagarrer, de s’insulter et de s’infliger mutuellement des coupset blessures volontaires à cause du colportage. Mais dans cette affaire, c’est la fille la moins âgée (14 ans) qui est considérée comme la victime alors que la plus âgée (15 ans) est poursuivie pour coups et blessures volontaires.
Le tribunal pour enfants de Kinshasa-Gombe décide alors de transmettre le dossier au comité de médiation de Kalamu. Selon l’assistant social Didier Kabeya qui a joué le rôle de rapporteur du comité de médiation dans cette affaire, la famille de la victime a réclamé près de 100.000 Francs congolais (plus ou moins 100 dollars us) à titre de remboursement des frais de soins médicaux. Un compromis a été trouvé et la famille de l’auteur des coups et blessures a dû payer à la famille de la victime une somme de 50.000 Francs congolais (un peu plus de 50 dollars us). Les deux enfants se sont réconciliées et se sont mutuellement demandé pardon.
Au tribunal pour enfants de Kinshasa-Matete, installé dans l’enceinte de la maison communale de Limete, la situation est pratiquement la même. Le comité de médiation de ce tribunal n’a traité que très peu de cas. Le secrétaire-rapporteur du comité de médiation près le tribunal pour enfants de Matete, l’assistant social Louis Mulumba qui nous reçoit dans son bureau de la maison communale de Matete nous parle d’une affaire intéressante traitée en 2015.
Voici la petite histoire. Deux enfants dont un élève étaient en train de vendre des œufs dans un bar de la commune de Lemba à Kinshasa quand un client qui y consommait la bière se rend compte que son téléphone portable vient de disparaitre. Il soupçonne les enfants vendeurs des œufs. L’un d’eux prend la fuite et il met la main sur l’élève qui se livre à la vente des œufs les jours où il va à l’école à la rotation de l’avant-midi. L’enfant incriminé qui ne reconnait pas le vol est amené à un poste de police qui transmet le dossier au tribunal pour enfants de Matete.
Pour épargner l’enfant des conséquences d’une procédure judiciaire, ce tribunal transmet à son tour le dossier à son comité de médiation. Mais le tribunal n’a pas préalablement obtenu le consentement de l’enfant et de sa famille.
Ceux-ci continuent à nier les faits. Après quelques séances de mediation, les parents de cet élève acceptent de payer au plaignant la contrepartie du téléphone. Mais le plaignant, après s’être rendu à l’école où il a reçu la confirmation que l’enfant incriminé est bel et bien inscrit et qu’il vend les œufs pour financer ses études, renonce aux poursuites et refuse d’être remboursé.
Kinshasa compte actuellement trois comités de médiation qui fonctionne. Il s’agit du comité de médiation de N’Djili qui relève du tribunal pour enfants de Kinkole, du comité de médiation de Matete qui relève du tribunal pour enfants de Matete et du comité de médiation de Kalamu qui couvre le ressort de trois tribunaux pour enfants de Kalamu, de Gombe et de Ngaliema. Ces comités sont encore insuffisants et ne permettent pas encore de répondre efficacement au besoin d’une justice de proximité.On devrait avoir un comité par Commune.
Le comité de médiation est composé de trois personnes : le président issu du ministère de la Femme, de la Famille et de l’Enfant ; le rapporteur issu du ministère des Affaires sociales ; un membre issu de la Société civile.
Nécessité de réviser l’arrêté interministériel portant composition, organisation et fonctionnement du comité de médiation
En décembre 2010, les ministres ayant en charge la Femme, la Famille et l’Enfant ainsi que la Justice et Garde des sceaux ont signé un arrêté interministériel portant composition, organisation et fonctionnement du comité de médiation en matière de justice pour mineurs en RDC.
Mais une étude menée en 2015 par le ministère de la Femme, de la Famille et de l’Enfant, avec l’appui financier de l’UNICEF, sur le fonctionnement des comités de médiation en RDCongo a relevé que la faible performance de ces comités est due notamment à ce qui suit : lourdeurs administratives qui empêchent la désignation des membres des comités de médiation comme c’est le cas dans l’ex-Katanga, au Sud-Kivu et à l’Equateur, -les membres des comités de mediation étaient désignés par arrêtés du gouverneur-, une faible connaissance du fonctionnement de la médiation par les médiateurs eux-mêmes et les autres acteurs dont les juges, les avocats, les membres de la communauté ; l’absence du budget adéquat du gouvernement en faveur des comités de médiation ; le pouvoir exorbitant accordé au juge pour enfants par la loi portant protection de l’enfant et qui limite la transmission des dossiers aux comités de médiation ; l’absence des instances de coordination des comités de médiation au niveau national, etc.
Il y a donc nécessité de réviser l’arrêté interministériel de décembre 2010 pour qu’il soit adapté à plusieurs réalités constatées sur le terrain. C’est pour cela que le ministère national de la Femme, de la Famille et de l’Enfant a organisé du 8 au 9 février 2016, avec l’appui de l’UNICEF,un atelier qui a réuni une vingtaine d’experts issus des institutions publiques, de la société civile et de l’UNICEF. Pendant deux jours, ils ont amendé et enrichi ce projet d’arrêté qui a été transmis aux autorités ministérielles pour signature. Cet arrêté va permettre de rapprocher les comités de mediation des enfants. Il va également faciliter l’accompagnement des Comités de mediation et des acteurs de la justice pour enfants par les ministères concernés à travers notamment les formations, les visites de suivi, la collecte des statistiques…
Par Norbert Tambwe Wediambulu