Matata II : le remède pire que le mal

Mardi 16 décembre 2014 - 15:39

En politique il y a des concepts qu’on invente et qu’on utilise comme des slogans publicitaires, mais qui contrastent avec la réalité. En RDC et plus particulièrement à Kinshasa, on est officiellement passé maitre dans ce domaine.

La cohésion nationale en est le concept qui avait servi de toile de fond aux fameuses concertations politiques, lesquelles devaient déboucher sur la formation d’un gouvernement de large ouverture à la famille politique du chef de l’Etat Joseph Kabila, la Mouvance présidentielle (MP), pour cimenter ladite cohésion. On avait vainement attendu ce gouvernement depuis plus d’une année.

Il devait en principe avoir pour Premier ministre un personnage autre que Matata Ponyo. Il avait déjà instruit tous ses ministres de se limiter à l’expédition des affaires courantes. Tous – lui-même et eux les ministres – avaient déjà perçu leurs indemnités de sortie.

C’est le Président du Sénat, Léon Kengo wa Dondo, co-animateur des concertations avec le Président de l’Assemblée nationale Aubin Minaku, qui semblait être mieux destiné que nul autre à former et à diriger une équipe de cohésion nationale.

Il avait été le premier à annoncer et à répéter qu’il y aura un gouvernement de cohésion à l’issue des concertations. Il devrait avoir ce privilège, disait-on, pour assurer l’exécution des résolutions des concertations. C’est pour cette raison que la plupart des ministres devraient sortir du nombre de ceux qui avaient participé activement aux concertations politiques.

On en voyait jour et nuit prendre d’assaut plusieurs chaînes de TV locales pour se mettre en vedette, faire l’apologie des résolutions des concertations, une sorte de propagande déguisée pour leur entrée éventuelle dans le gouvernement.

Ils tiraient à boulets rouges sur Matata Ponyo et ne le trouvaient pas qualifié pour diriger un gouvernement de cohésion nationale conformément aux résolutions des concertations politiques qui sont tout un programme de gouvernement. Mais qu’en est-il fondamentalement de l’équipe de 47 personnes que le Président Joseph Ka-bila vient de nommer? Il n’y a rien qui caractérise cette équipe comme un gouvernement de cohésion nationale. C’est le replâtrage du même cabinet sortant avec le même Premier ministre, et intitulé Matata II.

Des transfuges de l’opposition, des soi-disant opposants scientiques, ceux qui se disent de la IIIème voie, qui avaient accouru aux concertations la gueule enfarinée, n’ont plus assez de leurs yeux pour pleurer depuis la publication du gouvernement Matata II, intitulé – amère ironie du sort – un gouvernement de cohésion nationale.

Le système sur le fil du rasoir/

La cohésion nationale est une marque déposée des concertations politiques dont on vient de parer improprement Matata II pour faire illusion.

Les concertateurs propriétaires de cette marque de fabrique falsifiée seraient fondés à s’en prendre et à demander réparation.

On devrait se limiter à « Matata II » sans plus et cela suffisait, au lieu de le parer de l’épithète de « cohésion nationale » injustifiable.

D’ailleurs, l’épithète de cohésion nationale est déniée à cette équipe comme en témoignent de nombreuses réactions de protestation et d’indignation qui fusent de toutes parts, jusqu’au sein même de la famille politique du chef de l’Etat et de ses alliés.

Il y a des leaders du PPRD et ceux des partis membres de la MP qui trouvent cette équipe de Matata II très déséquilibrée et très mal assortie, sans tenir compte de la configuration géographique nationale et du poids réel des alliés de la plateforme au pouvoir.

Il y a des provinces dont la surreprésentation par rapport aux autres est criante. De quelle cohésion parle-t-on alors que le nombre de mécontents, de frustrés et d’aigris s’accroît de plus en plus depuis la publication de Matata II.

L’esprit de corps, l’union, la concorde et l’harmonie ont disparu de la plateforme régnante en RDC. Quand la cohésion n’y est plus, comment peut-on prétendre la réaliser au niveau national où la majorité des filles et fils de ce pays se voient considérés comme des laissés pour compte de la société par de nouveaux riches apparatchiks du système? Non, le compte n’y est pas du tout.

Matata II de cohésion, c’est le remède qui se révèle pire que le mal. On prend les mêmes qui étaient temporairement mis au placard et on recommence. C’est le même gouvernement de la majorité présidentielle sous une configuration revue et augmentée d’éléments débauchés par-ci par-là.

Il y en a qui ont été aussitôt désavoués et radiés de leur parti politique. Un replâtrage ministériel qui est loin d’être porte-bonheur, l’establishment demeurant toujours sur le fil du rasoir, confronté aux défis et problèmes inextricables à la veille d’une échéance fatidique.

Les performances supposées de cette nouvelle équipe pour pouvoir aider à franchir le cap de cette échéance de 2016 sont hypothétiques. Stratégie de rechange, intempestif Office national de l’identification de la population (ONIP) à peine créé vaille que vaille n’a pour objectif sous-jacent et inavouable que celui-là même qu’on poursuivait contre vents et marées avec la révision systématique des dispositions constitutionnelles verrouillées et déboucher sur la « présidence à vie » pour le Président Joseph Kabila.

Les dirigeants semblent avoir atteint leurs limites. Ils sont terriblement habités par l’obsession de se maintenir, et tous les moyens leur sont bons.

Il s’ensuit que le pays est gouverné à la petite semaine, sans prévisions cohérentes et ordonnées. Les oreilles sont sourdes et les yeux aveugles qu’on n’entend pas le grondement de l’orage et qu’on ne voit pas des nuages sombres qui s’amoncellent à l’horizon, annonciateurs d’un bouleversement porteur d’une ère nouvelle en Afrique noire. L’étau se resserre de plus en plus autour du système et ses animateurs risquent d’être surpris.