Covid-19 : "Confiance des ménages congolais en berne selon une étude conjointe de Kinshasa Digital et Elan RDC" (Tribune) 

Mardi 24 novembre 2020 - 16:18
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Kinshasa Digital et Elan RDC ont rendu public ce 17 novembre 2020 une enquête réalisée auprès de 2.200 ménages congolais à Kinshasa et dans les provinces. Présenté comme une aide à la décision, ce sondage confirme un impact socio-économique négatif du COVID-19 sur les ménages congolais malgré une crise sanitaire relativement maîtrisée. 

Couvrant la période du 22 septembre au 13 octobre 2020, l’enquête réalisée par Kinshasa Digital et Elan RDC présente des résultats édifiants : « L'enquête suggère que les revenus des ménages ne se sont pas encore rétablis et que les coûts continuent d'augmenter. » (Itération n°3 de l’enquête auprès des ménages, Kinshasa Digital, Elan RDC, Kinshasa, 22 septembre-13 octobre 2020, p. 12). Cela se traduit en chiffre par : d’une part, 57% des ménages déclarant une baisse de revenus ; d’autre part, 60% des foyers interviewés sont endettés et 48% d’entre eux ne pensent pas pouvoir rembourser ses dettes.

L’impossible équation des ménages congolais : des revenus en baisse, des dépenses en hausse. Les ménages congolais sont confrontés à une impossible équation : répondre à leurs besoins avec des revenus en baisse. Paradoxalement, si 70% des foyers interrogés déclaraient  en août 2020 une diminution de leurs revenus, ils ne sont plus que 57% en octobre de la même année. Cette embellie cache cependant une plus triste réalité : l’inégalité devant la crise économique. Les foyers à faible revenus (moins de 200 dollars US) et/ou en zones rurales sont lourdement affectés (plus de 75%) contrairement aux ménages disposant de moyen et haut revenus (entre 60% et 70%). Cette inégalité se constate aussi selon la localisation des ménages avec un net avantage pour ceux qui habitent en ville (60%) ou en zone péri urbaine (moins de 50%). Sur les mois d’août à octobre 2020, plus de 60% des ménages vivant en zone rurale ont déclaré une baisse de revenus (avec un pic à 80% en octobre 2020).

Plusieurs raisons conduisent à cette situation catastrophique : 

1) La diminution drastique des ventes des entreprises ; 

2) La perte d’emploi ou la fermeture temporaire de l’activité économique ; 

3) Le défaut d’approvisionnement en biens ; 

4) L’informel est à l’arrêt : « Je ne peux pas sortir pour gagner ma vie ».

L’alimentaire : la variable d’ajustement de la crise économique ?  L’enquête enregistre deux tendances : d’une part 57% des ménages déclarent avoir réduit leur consommation alimentaire ; d’autre part, 79% des ménages constatent une hausse des prix des denrées sur les marchés. Ainsi, pour le Programme Alimentaire Mondial (PAM), 21,8 millions de congolais sont en insécurité alimentaire.

De mars à juillet 2020, plusieurs raisons expliquaient la montée des prix. L’Etat d’urgence rendait difficile : d’une part, l’accès des travailleurs agricoles à leurs champs empêchant l’entretien et la récolte ; d’autre part, l’importation des principaux produits alimentaires demandés en RDC. Le prix exprimait donc naturellement la rareté de l’offre de produits alimentaires sur les marchés congolais. Si actuellement le rapport constate une volatilité des prix des produits alimentaires, les données ne permettent pas encore d’en donner des raisons précises.

De la crise économique à la crise de la confiance : une étape est-elle franchie ? Comme l’exprimait le Prix Nobel d’économie américain Kenneth Arrow, « La confiance est une institution invisible qui régit le développement économique ». Mesurer la confiance des ménages congolais en ces temps de crise permet aux décideurs, publics ou privés, d’adapter leurs stratégies afin d’anticiper les réactions des consommateurs finaux que sont les citoyens ou les clients. La confiance permet à l’agent économique de se projeter de manière positive dans le futur, réduit son aversion au risque et favorise l’innovation. Cependant, si près de 89% des ménages déclarent que le COVID-19 affectera durablement leurs revenus, l’intervention des pouvoirs publics par des soutiens aussi bien aux particuliers qu’aux entreprises pourrait inverser la tendance. Il est encore trop tôt pour faire de ce pessimisme une réalité prégnante et durable d’autant plus que moins de 1% des ménages ont été infectés par le COVID-19. La relative maîtrise de la crise sanitaire par les pouvoirs publics devrait contribuer à court et moyen contribuer à restaurer la confiance des ménages en l’avenir.

L’Itération n°3 de l’enquête auprès des ménages réalisée sur la période du 22 septembre au 13 octobre 2020 par Kinshasa Digital et Elan RDC est un outil d’analyse à la portée de tous les décideurs afin de surmonter la crise économique aggravée par la COVID-19. Il est dommage cependant que les recommandations ne reflètent pas la richesse de ce rapport. Il faut peut-être y voir un désir de neutralité bienveillante assaisonnée d’une volonté de non-ingérence des auteurs. La prise en compte de ce rapport et des prochains devrait permettre aux pouvoirs publics et aux opérateurs économiques d’affiner à court et moyen terme les effets de l’accentuation de la crise économique due à la pandémie de la COVID-19.

Professeur Madimba KADIMA-NZUJI