Le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies en République démocratique du Congo (RDC) annonce une « revue stratégique prévoyant la stratégie de départ de la Mission de l’Onu pour la stabilisation en République démocratique du Congo » d’ici fin 2014. « Déjà maintenant, on est en train de planifier notre départ… Nous n‟avons pas vocation à rester ici pour l‟éternité et le gouvernement congolais nous dit que nous devons réduire la force. D‟ici la fin de cette année, le secrétaire général de l‟Onu opèrera une « revue stratégique », prévoyant la stratégie de départ de la Monusco », déclare-t-il dans un entretien avec la journaliste belge Colette Braeckman. Toutefois, relativise-t-il, « nous n‟allons pas abandonner un pays fragile, mais nous allons prévoir la réduction de notre présence ». « Après les succès militaires déjà obtenus, nous pouvons nous demander si nous avons encore besoin d‟une force militaire de 19.000 hommes. Nous représentons toujours l‟opération de maintien de la paix la plus coûteuse au monde : 1, 38 milliards de dollars, c‟est beaucoup d‟argent. Et cela alors que l‟ONU doit aussi se déployer au Mali, en Centrafrique…Nous devons commencer à planifier une retraite graduelle », souligne-t-il. Au moins 11.117 combattants FDLR rapatriés depuis 2002 « Depuis 2002, nous avons rapatrié 11.117 combattants et le reste, 1500 à 2000 personnes peuvent eux aussi être rapatriés mais il doit s‟agir d‟un processus volontaire », précise Martin Kobler. Quant à « ceux qui ne veulent pas rentrer », le patron de la Monusco estime qu‟« ils peuvent se rendre à Kisangani où un camp quatre étoiles a été construit à leur intention et de là, ils peuvent gagner un pays tiers, si on en trouve un ». « Le plan du gouvernement, conçu avec l‟appui de la SADC (les pays d‟Afrique australe) et de la CIRGL (conférence sur la sécurité dans les pays des Grands Lacs), c‟est de préconiser le désarmement volontaire, dans un délai de six mois, qui court depuis le 1er juillet et se termine début janvier (2015, Ndlr). Nous allons évaluer la situation début octobre, mais déjà nous constatons qu‟il n‟y a pas de progrès », explique-t-il. Il rappelle que la Monusco a combattu le M23 en 2013. « C‟était un vrai conflit…Depuis lors, nous avons restructuré la mission, et tout concentré sur nos activités à l‟Est », indique-t-il.
Présentement, le mandat de la Monusco est de « neutraliser les FDLR, mais le délai de six mois relève d‟une décision prise par les ministres des pays alliés du Congo ». Selon Martin Kobler, « le président Kabila, qui voulait d‟abord donner à ces hommes l‟occasion d‟être désarmés de manière pacifique a confirmé que l‟option militaire restait sur la table ». « Kigali a récupéré 11.000 hommes, il leur faut maintenant attendre un peu que s‟organise le retour des derniers groupes, qui ne sont pas plus que 1500 hommes, 2000 au maximum …Certes, ils ne représentent plus une menace militaire, mais psychologiquement, le Rwanda ne le supporte pas, ce que je comprends très bien, au vu du traumatisme du génocide », constate-t-il. Et de souligner : « Depuis le 31 août, notre quartier général reste à Kinshasa, mais nous avons redéployé nos forces à l‟Est. Un tiers du staff civil est demeuré dans la capitale, les deux tiers sont à l‟Est, dans ce que nous appelons des +îlots de stabilité+ ». Les « îlots de stabilité » au Nord-Kivu Interrogé sur le concept des « îlots de stabilité », Martin Kobler répond qu‟« en des lieux reculés, qui ont connu la guerre, comme Shabunda au Sud Kivu ou Rutshuru et Kiwanja au Nord », la Monusco a aidé, avec ses civils et ses militaires, à « rétablir l‟autorité de l‟Etat ». Il fait remarquer que « des territoires doivent encore être stabilisés, comme Shabunda, où se trouvait le groupe des combattants Raia Mutomboki, (ndlr.des groupes d‟autodéfense congolais) ou les anciennes zones qui étaient contrôlées par le M23, (ndlr. un mouvement composé de rebelles tutsis soutenus par le Rwanda) Rutshuru, Kiwanja ». « Les territoires sous contrôle du M23 connaissaient un double système d‟administration. Pour se rendre d‟un village à l‟autre il fallait payer des taxes, acheter des laissez passer mais l‟argent n‟était pas réinvesti dans des écoles ou des projets de développement. Après la chute du M23 ce système a disparu et l‟infrastructure était totalement détruite », relève le patron de la Monusco. Face à cette situation, il a « décidé, avec le gouvernement et les autres partenaires civils des Nations unies, d‟élargir peu à peu la stabilité à partir de certains îlots ». « Graduellement, l‟autorité de l‟Etat a été rétablie. Mais, il faut des programmes à long terme…Les militaires ont su, rapidement, libérer les territoires. Mais tout reste à faire, il faut des écoles, des professeurs, rétablir la sécurité. Au Nord Kivu, mille policiers venus de Kinshasa ont été déployés. Mais, ils sont arrivés sans rien, sans transport, sans arme », déplore Martin Kobler. Sur le plan militaire, 96% de la force de la Monusco se trouve dans l‟est. « A Kinshasa bien sûr, nous traitons de la mise en oeuvre de l‟Accord-cadre d‟Addis-Abeba, nous suivons les préparatifs électoraux, nous traitons de sujets politiques avec le gouvernement. Mais sur le plan militaire, l‟un de mes adjoints le général Wafy, a été transféré à Goma d‟où il suit les opérations », explique-t-il encore. Quant à la « troisième composante » de l‟effort de la Monusco, « c‟est la région », du fait que la RDC «a neuf voisins, des pays qui ne sont pas toujours très faciles comme la République centrafricaine !». « C‟est une situation géostratégique que, comme Allemand, je comprends très bien. Il y a des tensions régionales en Centrafrique, dans les Grands Lacs, mais pour aborder tout cela, nous ne sommes pas seuls. Nous pouvons compter sur les divers „envoyés spéciaux‟, Said Djinnit qui remplace Mary Robinson pour l‟ONU, l‟Américain Russ Feingold », rassure-t-il. « La communauté internationale veut que tout le calendrier électoral soit sur la table » Martin Kobler note que « la loi sur les élections locales est votée ; quant aux élections provinciales, on ne sait pas encore si elles se dérouleront au suffrage direct ou indirect, et enfin on ne sait encore rien à propos des élections présidentielles ». « Y aura-t-il un référendum, fera-t-on sauter l‟article 220 de la constitution qui limite à deux les mandats du président ? Sans interférer dans leurs affaires, nous attendons que les Congolais aient pris leur décision. Mais, s‟ils veulent avoir notre assistance, nous posons des conditions. La communauté internationale veut que tout le calendrier électoral, y compris la hauteur du financement par les Congolais, soit sur la table », insiste le Représentant spécial du Secrétaire général de l‟Onu en RDC. S‟agissant d‟un soutien au processus électoral, il s‟explique : « Nous n‟avons pas d‟argent. Nous avons des contacts très étroits avec l‟Abbé Malumalu, président de la Commission électorale indépendante et nous pouvons assister le Congo de trois manières ». Ainsi, « la première (manière), ce sont les bons offices », dans la mesure où « cela ne coûte pas grand-chose » et où il « parle avec tout le monde, la majorité et l‟opposition, entre autres des projets de révision de la constitution ». « Le deuxième point, c‟est le soutien logistique à apporter aux élections locales. Mais sans argent, on ne peut rien planifier. Le troisième, c‟est, via le PNUD, l‟assistance technique. Le document de travail existe mais il faut de l‟argent. Or la communauté internationale n‟accorde pas le financement parce qu‟on n‟a pas encore un calendrier électoral complet, allant jusqu‟en 2016 (ndl : année où se termine le mandat du président Kabila…) », précise Martin Kobler.