Cérémonie haute en couleurs hier dans la salle des conférences internationales, siège du Sénat, c’était au cours de la séance d’ouverture de la Session budgétaire de septembre 2014 présidée par le Président Léon Kengo Wa Dondo en présence de tout le gotha politique, militaire et diplomatique ainsi que les gouverneurs de provinces.
Rompant avec sa tradition, c’est par un discours-fleuve que le speaker de la Chambre des sages ouvre la Session, contexte oblige. De quoi est fait ce contexte ? Il est, à juste titre, dominé par le débat qui agite à ce jour le microcosme politique en sens divers. Il s’agit de la révision de la Constitution du 18 février 2006 ou du changement de cette Loi des lois par un referendum populaire.
D’entrée de jeu, Léon Kengo Wa Dondo a, sans entourloupe, rejeté toutes les deux options. Plus explicitement, celle de la modification en tentant de toucher aux dispositions intangibles contenues dans l’article 220 et celle d’un autre texte à soumettre au referendum.
Son argumentaire est de massue. Il se situe à trois niveaux. Premièrement, en sa qualité de Co-Président des Concertations nationales, Kengo Wa Dondo atteste que tous les délégués à ce forum s’étaient mis d’accord et se sont même engagés à consolider la cohésion nationale et à sauvegarder le pacte républicain. Comment ? Par le strict respect de la Constitution, particulièrement dans ses dispositions voulues intangibles par le souverain primaire.
Il les énumère comme suit : la forme républicaine de l’Etat, le principe du suffrage universel, la forme représentative du gouvernement, le nombre et la durée du mandat du président de la République, l’indépendance du pouvoir judiciaire, le pluralisme politique et syndical, la non-réduction des droits et libertés de la personne, la non-réduction des prérogatives des provinces et des entités territoriales décentralisées.
RECOMMANDATION N°1 DES CONCERTATIONS NATIONALES
Nul ne peut toucher à ces dispositions de la Constitution du 18 février 2006 comme exige la la Recommandation N°1 du groupe thématique "gouvernance, démocratie et reformes institutionnelles".
Deuxièmement, en ce qui concerne le changement de l’actuelle Constitution, Léon Kengo Wa Dondo fouille dans ses connaissances de juriste pour savoir comment une Constitution qui prévoit des dispositions intangibles peut-elle autoriser les institutions issues d’elle à modifier ces mêmes dispositions.
Ce serait tomber dans un cas flagrant de violation intentionnelle de la Constitution. Car ces dispositions intangibles, à savoir l’article 220 et tous ceux auxquels il renvoie, constituent pour lui le pivot, c’est-à-dire le socle et l’armature de toute l’architecture constitutionnelle.
Et le Président de la Chambre haute de poser la question capitale : Comment peut-on les modifier sans détruire par ce fait même tout l’édifice constitutionnel construit dans la peine ? On n’est plus dans la même Constitution, mais dans une autre.
D’où, met-il en garde, il ne faut pas tirer prétexte de la révision pour aboutir à un changement de Constitution. Une telle gymnastique n’est pas prévue dans la Constitution en vigueur, assure Léon Kengo Wa Dondo.
Le troisième niveau de la réponse du Président de la Chambre des sages sur le débat de la révision de la Constitution du 18 février 2006 est politique. Dans son constat, en tant qu’acteur politique, il note que la Constitution du 18 février 2006 est issue du compromis historique de Sun City qui est l’Accord global et inclusif.
Les éléments de ce compromis sont repris dans l’exposé des motifs et transposés entre autres dans l’article 220. Ce qui inspire une énième interrogation du Président de la Chambre haute en ces termes : Comment peut-on prendre le risque d’altérer ce compromis politique sans menacer la cohésion nationale et la paix sociale ?
Il y répond indirectement en paraphrasant le Président Joseph Kabila lors de son message à la nation devant le Congrès à la clôture des Concertations nationales : "Comme les Délégués à ces assises, je suis pour le respect par tous de l’esprit et de la lettre de la Constitution de la République dans son ensemble, telle qu’adoptée par le référendum constitutionnel populaire de 2005".
RESPECT DES ENGAGEMENTS PRIS}
Sur ces entrefaites, Kengo Wa Dondo invite la classe politique au respect des engagements, à la culture de la paix et de la réconciliation, à l’esprit de tolérance et d’alternance. Il est temps, estime-t-il, que ce pays dépasse le stade des querelles byzantines pour ses concentrer sur les vrais problèmes du peuple qui sont la pauvreté, le chômage, l’éducation, la santé, les infrastructures et l’environnement.
En gros, aux problèmes du développement socio-économique des populations. Auparavant, avant d’évoquer la psychose du virus Ebola à l’Equateur, Léon Kengo Wa Dondo s’est étendu sur une matière qui fera également l’objet de cette Session budgétaire.
Il s’agit du projet de loi modifiant et complétant le Code de la Famille en examen au Sénat depuis la dernière session. Ce texte est d’une extrême importance. Sur le banc, Léon Kengo l’a épluché en saluant les innovations introduites par le Gouvernement ou en corrigeant là où c’est nécessaire.
C’est un domaine qui est dans sa poche. On se rappelle que par une de ses mercuriales en tant que Procureur général de la République que le Parlement de la IIème République avait examiné ce texte pendant 10 ans pour enfin l’adopter en 1987.
Autres innovations à louer, il a relevé par exemple le mariage en Rdc qui est défini comme étant l’union entre un homme et une femme. C’est bien dit, un homme et une femme. Exit donc des perversions qui ont cours en Occident où la loi autorise l’union entre personnes du même sexe. Il y a également l’autorisation maritale pour une femme mariée qui est enlevée afin d’être en adéquation avec les Traités internationaux ratifiés par la Rdc et la Constitution du 18 février.
Léon Kengo Wa Dondo est docteur en Droit de l’ULB. Il a presté comme Procureur général de la République (Pgr) pendant plusieurs années avant de devenir Président du Conseil judiciaire qui chapeautait tout le secteur judicaire, Cours et Tribunaux ainsi que leurs Parquets correspondants. Il connaît très bien le monde judiciaire où il évolue depuis 1964.KANDOLO M.}
Léon Kengo rejette la révision et le changement de la Constitution (suite)
Cérémonie haute en couleurs hier dans la salle des conférences internationales, siège du Sénat, c’était au cours de la séance d’ouverture de la Session budgétaire de septembre 2014 présidée par le Président Léon Kengo Wa Dondo en présence de tout le gotha politique, militaire et diplomatique ainsi que les gouverneurs de provinces.
Rompant avec sa tradition, c’est par un discours-fleuve que le speaker de la Chambre des sages ouvre la Session, contexte oblige. De quoi est fait ce contexte ? Il est, à juste titre, dominé par le débat qui agite à ce jour le microcosme politique en sens divers. Il s’agit de la révision de la Constitution du 18 février 2006 ou du changement de cette Loi des lois par un referendum populaire.
D’entrée de jeu, Léon Kengo Wa Dondo a, sans entourloupe, rejeté toutes les deux options. Plus explicitement, celle de la modification en tentant de toucher aux dispositions intangibles contenues dans l’article 220 et celle d’un autre texte à soumettre au referendum.
Son argumentaire est de massue. Il se situe à trois niveaux. Premièrement, en sa qualité de Co-Président des Concertations nationales, Kengo Wa Dondo atteste que tous les délégués à ce forum s’étaient mis d’accord et se sont même engagés à consolider la cohésion nationale et à sauvegarder le pacte républicain. Comment ? Par le strict respect de la Constitution, particulièrement dans ses dispositions voulues intangibles par le souverain primaire.
Il les énumère comme suit : la forme républicaine de l’Etat, le principe du suffrage universel, la forme représentative du gouvernement, le nombre et la durée du mandat du président de la République, l’indépendance du pouvoir judiciaire, le pluralisme politique et syndical, la non-réduction des droits et libertés de la personne, la non-réduction des prérogatives des provinces et des entités territoriales décentralisées.
RECOMMANDATION N°1 DES CONCERTATIONS NATIONALES
Nul ne peut toucher à ces dispositions de la Constitution du 18 février 2006 comme exige la la Recommandation N°1 du groupe thématique "gouvernance, démocratie et reformes institutionnelles".
Deuxièmement, en ce qui concerne le changement de l’actuelle Constitution, Léon Kengo Wa Dondo fouille dans ses connaissances de juriste pour savoir comment une Constitution qui prévoit des dispositions intangibles peut-elle autoriser les institutions issues d’elle à modifier ces mêmes dispositions.
Ce serait tomber dans un cas flagrant de violation intentionnelle de la Constitution. Car ces dispositions intangibles, à savoir l’article 220 et tous ceux auxquels il renvoie, constituent pour lui le pivot, c’est-à-dire le socle et l’armature de toute l’architecture constitutionnelle.
Et le Président de la Chambre haute de poser la question capitale : Comment peut-on les modifier sans détruire par ce fait même tout l’édifice constitutionnel construit dans la peine ? On n’est plus dans la même Constitution, mais dans une autre.
D’où, met-il en garde, il ne faut pas tirer prétexte de la révision pour aboutir à un changement de Constitution. Une telle gymnastique n’est pas prévue dans la Constitution en vigueur, assure Léon Kengo Wa Dondo.
Le troisième niveau de la réponse du Président de la Chambre des sages sur le débat de la révision de la Constitution du 18 février 2006 est politique. Dans son constat, en tant qu’acteur politique, il note que la Constitution du 18 février 2006 est issue du compromis historique de Sun City qui est l’Accord global et inclusif.
Les éléments de ce compromis sont repris dans l’exposé des motifs et transposés entre autres dans l’article 220. Ce qui inspire une énième interrogation du Président de la Chambre haute en ces termes : Comment peut-on prendre le risque d’altérer ce compromis politique sans menacer la cohésion nationale et la paix sociale ?
Il y répond indirectement en paraphrasant le Président Joseph Kabila lors de son message à la nation devant le Congrès à la clôture des Concertations nationales : "Comme les Délégués à ces assises, je suis pour le respect par tous de l’esprit et de la lettre de la Constitution de la République dans son ensemble, telle qu’adoptée par le référendum constitutionnel populaire de 2005".
RESPECT DES ENGAGEMENTS PRIS}
Sur ces entrefaites, Kengo Wa Dondo invite la classe politique au respect des engagements, à la culture de la paix et de la réconciliation, à l’esprit de tolérance et d’alternance. Il est temps, estime-t-il, que ce pays dépasse le stade des querelles byzantines pour ses concentrer sur les vrais problèmes du peuple qui sont la pauvreté, le chômage, l’éducation, la santé, les infrastructures et l’environnement.
En gros, aux problèmes du développement socio-économique des populations. Auparavant, avant d’évoquer la psychose du virus Ebola à l’Equateur, Léon Kengo Wa Dondo s’est étendu sur une matière qui fera également l’objet de cette Session budgétaire.
Il s’agit du projet de loi modifiant et complétant le Code de la Famille en examen au Sénat depuis la dernière session. Ce texte est d’une extrême importance. Sur le banc, Léon Kengo l’a épluché en saluant les innovations introduites par le Gouvernement ou en corrigeant là où c’est nécessaire.
C’est un domaine qui est dans sa poche. On se rappelle que par une de ses mercuriales en tant que Procureur général de la République que le Parlement de la IIème République avait examiné ce texte pendant 10 ans pour enfin l’adopter en 1987.
Autres innovations à louer, il a relevé par exemple le mariage en Rdc qui est défini comme étant l’union entre un homme et une femme. C’est bien dit, un homme et une femme. Exit donc des perversions qui ont cours en Occident où la loi autorise l’union entre personnes du même sexe. Il y a également l’autorisation maritale pour une femme mariée qui est enlevée afin d’être en adéquation avec les Traités internationaux ratifiés par la Rdc et la Constitution du 18 février.
Léon Kengo Wa Dondo est docteur en Droit de l’ULB. Il a presté comme Procureur général de la République (Pgr) pendant plusieurs années avant de devenir Président du Conseil judiciaire qui chapeautait tout le secteur judicaire, Cours et Tribunaux ainsi que leurs Parquets correspondants. Il connaît très bien le monde judiciaire où il évolue depuis 1964.
ALLOCUTION DU PRESIDENT DU SENAT A L’OCCASION DE L’OUVERTURE DE LA SESSION ORDINAIRE DE SEPTEMBRE 2014
Honorable Président de l’Assemblée Nationale et Estimé Collègue,
Excellence Monsieur le Premier Ministre,
Monsieur le Premier Président de la Cour Suprême de Justice,
Monsieur le Procureur Général de la République,
Honorables Membres du Bureau de l’Assemblée Nationale et du Sénat,
Honorables Députés et Sénateurs,
Mesdames et Messieurs les Membres du Gouvernement,
Monsieur le Président de l’Assemblée Provinciale de Kinshasa,
Monsieur le Gouverneur de la Ville-Province de Kinshasa,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs et Chefs des Missions Diplomatiques,
Mesdames et Messieurs les Représentants des Organisations Internationales du Système des Nations Unies,
Mesdames et Messieurs les Officiers Généraux et Supérieurs des Forces Armées et de la Police Nationale,
Messieurs les Représentants des Confessions Religieuses,
Madame la Bourgmestre de la Commune de Lingwala,
Distingué(e)s invité(e)s,
Mesdames et Messieurs,
Essentiellement budgétaire, la présente Session ordinaire s’ouvre conformément aux articles 115 de la Constitution et 74 du Règlement Intérieur du Sénat.
Elle intervient à un moment particulièrement douloureux dans la vie Sociale de notre peuple marqué par la résurgence de la fièvre hémorragique à Virus Ebola dans le territoire de Boende, Province de l’Equateur. Un virus d’une autre souche est signalé en Afrique de l’Ouest, où l’on déplore au moins deux milliers de victimes.
En mémoire de toutes ces victimes, je vous invite à observer un instant de silence.
Je salue l’heureuse initiative de l’Eglise Catholique du Grand Equateur de réunir les filles et fils de la province pour se joindre au Gouvernement aux fins de trouver des voies et moyens de préserver l’Equateur de ce fléau.
Sans céder à la psychose, le Gouvernement devrait, quant à lui, rester constamment mobilisé afin que le plan de riposte mis en place permette non seulement le cantonnement mais surtout, l’éradication de la maladie. Il y va de la santé de tous, santé qui figure dans les Objectifs du Millénaire pour le Développement.
A propos de ces Objectifs, je rappelle que notre pays à l’instar de nombreux autres s’était engagé de 2003 à 2015 notamment à :
- Réduire de moitié l’extrême pauvreté et la faim ;
- Réaliser l’éducation primaire universelle et l’égalité des sexes ;
- Réduire de deux tiers la mortalité des enfants de moins de 5 ans et de trois quarts la mortalité maternelle ;
- Inverser la tendance en matière de propagation du VIH/Sida et du Paludisme ;
- Réaliser un développement durable et assurer la viabilité de l’environnement.
L’heure est au bilan. Cela d’autant plus que les performances économiques présentées sont en lien direct avec les résultats obtenus dans la poursuite de ces objectifs.
Le Gouvernement aligne, en effet, des résultats économiques notables. Selon les données disponibles, la conjoncture intérieure continue à se caractériser par :
- Une croissance soutenue de l’activité économique ;
- La maîtrise budgétaire, la stabilisation du taux de change et la baisse du rythme de l’inflation.
Suivant la Banque Centrale du Congo, le taux de croissance du PIB se situera à 8,8 % en fin 2014 contre 8,5 % en 2013. L’année pourra se clôturer aussi avec un taux d’inflation de 1,2 % alors que le taux moyen prévu est de 3,9 %.
Quant à lui, le taux de change du dollar américain qui demeure stable se situera à 930 francs grâce à une bonne coordination des politiques budgétaire et monétaire.
Dans ce contexte, la Banque Centrale a jugé nécessaire de maintenir son taux directeur à 2 %. Malgré le faible niveau de ce taux et une certaine maîtrise de l’inflation, les banques commerciales continuent, malheureusement, à prêter de l’argent à des taux d’intérêt prohibitifs. Ces taux s’élèvent actuellement à 18,0 % en moyenne par an, ce qui handicape le financement de l’activité économique et, par voie de conséquence, la création des emplois.
Je souhaite que le Gouvernement engage des discussions avec le secteur bancaire accompagnées de mesures incitatives afin d’obtenir la baisse de ces taux.
Par ailleurs, dans le contexte où l’agriculture est devenue l’une des priorités pourquoi ne pas créer, dès maintenant, des banques de crédits agricoles !
Je ne pense pas que l’Etat puisse en la matière atteindre tous les objectifs poursuivis sans la participation du secteur privé.
Je ne cesserai jamais de le dire : ce n’est pas l’Etat mais le capital privé qui crée les foyers de richesses. Et pour qu’il y ait création des foyers de richesse, il faut que le capital privé soit soutenu et associé aux objectifs du développement.
C’est dans ce contexte que le Parlement est sensibilisé pour que l’écriture du nouveau code agricole actuellement en examen à l’Assemblée Nationale, soit améliorée notamment, en son article 16 qui a fait de tapage, ces derniers temps.
C’est avec des mesures incitatives en direction des PME et PMI que nous parviendrons à booster notre secteur agricole.
Honorables Sénateurs et chers Collègues,
Budgétaire, la présente Session présente ne traitera pas moins d’autres matières conformément à son calendrier. Parmi ces matières, il y a le projet de loi modifiant et complétant le code de la Famille déposé par le Gouvernement au cours de la Session de mars de cette année.
Présentement en examen au Sénat, ce projet constitue une réforme législative d’une importance capitale. Permettez-moi d’y revenir un instant.
Prisonnier à Sainte-Hélène, Napoléon disait : " ma vraie gloire, ce n’est pas d’avoir gagné quarante batailles ; Waterloo effacera le souvenir de tant de victoires. Ce que rien n’effacera, ce qui vivra éternellement, c’est mon code civil ".
Le code civil est la première règle de vie que se donne un peuple pour son harmonie. Il contient les principes essentiels sur l’identification et la capacité des personnes mais aussi, les règles relatives au droit de la famille, aux régimes matrimoniaux, aux successions aux libéralités. C’est en quelque sorte la pierre angulaire de tout l’édifice juridique d’un pays.
Le Gouvernement justifie la modification de ce monument juridique essentiellement par le souci d’adapter la législation à certains instruments juridiques internationaux visant le renforcement des Droits spécifiques de la femme et de l’enfant, tout en actualisant sur le plan technique, les unités et valeurs monétaires contenues dans le code de 1987.
Je salue cette initiative. J’estime, cependant, que les options à lever doivent demeurer dans les limites de la comptabilité du droit moderne avec notre droit traditionnel.
Car, comme je l’avais écrit en 1976 dans une de mes mercuriales, la réforme qui allait donner naissance au code de la famille actuel était initiée dans un esprit bien spécifique : " constituer une synthèse harmonieuse entre les éléments du droit moderne et ceux du droit traditionnel, à même de concilier et de refléter les aspirations légitimes d’un peuple en pleine mutation qui ne veut pourtant rien perdre de son authenticité".
Aussi, aimerais-je partager avec vous quelques réflexions sur certains points de la réforme projetée.
Sur les questions liées au droit de la personne, je vois que des innovations sont introduites notamment, en matière d’identification et de capacité des personnes physiques, particulièrement, en ce qui concerne la dation du nom et la capacité juridique de la femme mariée.
En matière de dation du nom, si l’article 52 a le mérite de préciser que le nom, le post-nom et le prénom constituent les éléments du nom, en revanche, le projet gouvernemental a supprimé le pouvoir du dernier mot qui avait été laissé au père, en cas de désaccord des parents dans l’attribution du nom à leur enfant. Une telle suppression, qui ne s’accompagne d’aucune solution palliative, comporte le risque de voir le litige, d’essence privée, être porté devant une instance extérieure à la famille ; ce qui ne peut que nuire aux rapports de paix et de stabilité dans le couple.
Je suggère que l’attribution du nom à l’enfant continue d’être comme par le passé, l’œuvre de ses parents. En cas de désaccord, que le dernier mot revienne non pas au père seulement, mais aux deux parents, en accordant à chacun le droit d’attribuer un élément du nom à l’enfant. Ainsi, l’enfant porterait, dans ce cas, un nom composé d’au moins deux éléments, attribués respectivement par chacun des deux parents.
Sur la question même de la structure du nom, il est certes réaffirmé dans le projet de loi que le nom, puisé dans le patrimoine culturel congolais, comporte un ou plusieurs éléments.
Quoique conformes à certaines de nos cultures, cette disposition accuse à mon avis, un certain manque d’uniformisation de la structure du nom en droit congolais, en raison de la réaffirmation du principe de la pluralité sans limite des éléments du nom. En outre, elle ne résout pas le problème des noms kilométriques, source de beaucoup de difficultés dans la rédaction des actes d’état civil.
Il faut limiter sinon ou n’établira jamais de nom.
Je propose qu’une réflexion soit menée sur cette question.
Dans le même ordre d’idées, l’on ne voit nulle part, la place que le nouveau code réserve aux pseudonymes et autres surnoms, une pratique, pourtant, courante dans la vie sociale.
Sur la problématique de la capacité juridique de la femme mariée, je note qu’à la demande insistante de la gent féminine, l’autorisation maritale, jadis conçue dans l’optique de la protection de cette dernière, est proposée à la suppression. Je m’en réjouis.
Ce n’est pas une mauvaise idée. Car, notre pays a ratifié la convention des Nations Unies sur l’élimination de toutes les discriminations à l’égard de la femme. En outre, la Constitution du 18 février 2006 consacre le principe de la parité homme-femme, même si ce n’est que dans le domaine politique.
Dans ce contexte, le maintien de l’autorisation maritale apparaît comme une limitation injustifiée de la capacité juridique de la femme mariée. D’autant plus que, déjà du fait de leur mariage, la capacité juridique de l’homme et de la femme est naturellement restreinte par les obligations réciproques qui leur incombent, tant dans la gestion du lien conjugal que dans l’administration de leurs biens.
Sur ce point, le Gouvernement a vu juste.
Dans la même logique, il est proposé de relever l’âge légal du mariage de la jeune fille à 18 ans, contrairement à 15 ans dans la législation actuelle.
C’est une vielle revendication qui a trouvé écho dans la loi portant protection de l’enfant, laquelle a fixé l’âge de la majorité à 18 ans.
Je rappelle simplement qu’il n’y a pas de lien nécessaire entre l’âge de la majorité civile et celui du mariage.
Tout dépend des développements physiologiques et psychologiques des personnes.
D’ailleurs, à l’époque de la rétention de l’âge de 15 ans pour la jeune fille, le code civil fixait la majorité civile à 21 ans !
Dès lors, le problème n’est pas dans l’option levée, mais dans l’argument avancé.
Puis-je rappeler qu’en dépit de la charge morale qui entoure cette question, le code de droit canonique maintient, sous réserve de la compétence des Evêques, l’âge minimum du mariage à 16 ans pour le garçon et à 14 ans pour la fille (Can 1083).
Honorables Sénateurs et Chers collègues ;
Le projet de loi aborde aussi une autre question essentielle, celle de la forme du mariage. Aux termes du nouvel article 330, " Tout individu a le droit de se marier avec la personne de son choix, de sexe opposé, et de fonder une famille ". Les autres continents ne nous intéressent pas. Nous, c’est un homme et une femme.
Je salue cette option car c’est la réplique même de l’article 40 de la Constitution. Elle se passe de tout commentaire.
Je salue également la disposition selon laquelle " la monogamie est l’unique forme de mariage autorisée en République Démocratique du Congo " (art. 330 al 4). Ceci est une traduction en forme de principe de la criminalisation déjà décidée en 1987 de la bigamie et, à fortiori, de la polygamie en République Démocratique du Congo. Plus de bigamie, plus de polygamie.
Il reste que l’effectivité de pareilles dispositions ne dépend pas que de la noblesse de leurs objets ; encore faut-il disposer d’un véritable plan pédagogique et correctif pour pouvoir les atteindre.
Sur la question de la dot, je prends acte de ce que l’institution continue de jouir de la faveur des gouvernants ; ce qui est conforme à la majorité des coutumes congolaises et même africaines.
Le projet prévoit heureusement de ramener le pouvoir de fixation du maximum de son taux au niveau des Gouverneurs de Province ; ce qui est une bonne décision.
Je reste cependant convaincu qu’en l’absence de sanction des comportements mercantiles des parents en la matière, la disposition risque de demeurer un vœu pieux.
J’engage l’ensemble des gouvernants à se pencher sur cette question, faute de quoi plusieurs jeunes ne se marieront jamais à cause des exigences prohibitif de la dot.
Nous devons faire en sorte que le mariage ne soit pas vécu par les jeunes comme une corde au cou. C’est, au contraire, selon moi, un collier de roses, justes avec quelques épines.
A propos du ménage des mariés, le projet de loi veut supprimer l’obligation pour la femme mariée de suivre son mari partout où il aura décidé de fixer le domicile conjugal.
Si cette suppression n’est motivée que par les considérations du genre, que fait-on alors de la coutume largement répandue selon laquelle, après le versement de la dot, la femme mariée quitte son domicile pour s’établir dans celui de son mari ?
Je ne pense pas qu’il soit sage de supprimer l’idée que la femme mariée a son domicile chez son époux. Ce n’est pas conforme à la majorité de nos coutumes.
Quant à la filiation, je suis heureux que les principes en vigueur, issus de notre authenticité, aient été maintenus :
- Rejet de la distinction entre filiation naturelle et filiation légitime ;
- Maintien de la filiation juridique au même titre que la filiation d’origine et la filiation adoptive ;
- Obligation de reconnaître les enfants nés hors-mariage (affiliation) ;
- Action en recherche de paternité ou de maternité, etc.
Ce statu quo ante est à saluer, car il faut continuer à affirmer le principe selon lequel, dans notre pays, et nous en sommes, tout enfant doit avoir un père ! C’est ce qui justifie la notion de " père juridique " dont la paternité revient à la République Démocratique du Congo.
En ce qui concerne la question des régimes matrimoniaux, des successions et des libéralités, là aussi le projet gouvernemental a, pour l’essentiel, maintenu les grands principes énoncés en 1987 :
- Existence de trois régimes distincts (séparation des biens, communauté des biens et communauté réduite aux acquêts, avec ce dernier comme régime légal) ;
- Maintien du pouvoir de gestion maritale des biens quel que soit le régime choisi ;
- Réaffirmation du principe de la contribution des époux aux charges du ménage ;
- Distinction des successions testamentaires et ab intestat ;
- Reconnaissance de la place du testament oral à côté du testament authentique et du testament olographe ;
- Protection du même cercle des héritiers qu’en 1987, avec leur organisation en trois catégories et trois groupes ;
- Maintien de la règle de la réserve successorale au profit des enfants ;
- Reconnaissance du droit d’usufruit sur la maison conjugale au profit du conjoint survivant non marié ;
- Réaffirmation de la gratitude comme contrepartie de la libéralité, etc.
En somme, le projet de réforme est riche de points de vue de discussions. Voilà pourquoi, il nécessite un examen approfondi. Je rappelle que l’actuel Code a pris dix ans à l’Assemblée Nationale de l’époque pour être voté.
Honorables Sénateurs et chers collègues,
Distingué(e) invité(e) ;
Je ne peux clore ce mot sans me prononcer sur la problématique de la révision constitutionnelle qui agite tout le microcosme de la classe politique. S’agissant de ce débat, trois réflexions m’inspirent :
Primo : En tant que Co-président des Concertations nationales, j’atteste que tous les délégués s’étaient mis d’accord et se sont même " engagés à consolider la cohésion nationale et à sauvegarder le pacte républicain notamment, par le strict respect de la Constitution, particulièrement dans ses dispositions voulues intangibles par le souverain primaire : la forme républicaine de l’Etat, le principe du suffrage universel, la forme représentative du gouvernement, le nombre et la durée du mandat du Président de la République, l’indépendance du Pouvoir judiciaire, le pluralisme politique et syndical, la non-réduction des droits et libertés de la personne, la non-réduction des prérogatives des provinces et des entités territoriales décentralisées " (Recommandation n°1 du Groupe thématique "Gouvernance, Démocratie et Réformes institutionnelles ") ;
Secundo : En tant que juriste, je m’interroge comment une Constitution qui prévoit des dispositions intangibles peut-elle autoriser les institutions issues d’elle de modifier lesdites dispositions sans tomber dans un cas flagrant de violation intentionnelle de la Constitution ! Les dispositions intangibles de la Constitution - je pense ici à l’article 220 et à tous ceux auxquels il renvoie - constituent le pivot, le socle, l’armature de toute l’architecture constitutionnelle. Comment peut-on les modifier sans détruire, par ce fait même, tout l’édifice constitutionnel construit dans la peine ! On n’est dès lors plus dans même Constitution, mais dans une autre. Il ne faut pas tirer prétexte de la révision pour aboutir à un changement de Constitution. Cela n’est pas prévu par la Constitution en vigueur.
Tertio : En tant qu’acteur politique, je note que la Constitution du 18 février 2006 est issue du compromis historique de Sun City : l’Accord global et inclusif. Les éléments de ce compromis sont repris dans l’Exposé des motifs et transposés notamment, dans l’article 220. Comment peut-on prendre le risque d’altérer ce compromis politique sans menacer la cohésion nationale et la paix sociale !
Chers compatriotes,
Dans son Message à la Nation devant le Congrès, à l’occasion de la clôture des Concertations nationales, le Président de la République a déclaré, je cite : " Comme les Délégués à ces assises, je suis pour le respect par tous de l’esprit et de la lettre de la Constitution de la République dans son ensemble, telle qu’adoptée par le référendum populaire en 2005 ". Fin de citation. J’invite la classe politique au respect des engagements, à la culture de la paix et de la réconciliation, à l’esprit de tolérance et d’alternance. Il est temps que notre pays dépasse le stade des querelles politiques byzantines pour se concentrer, enfin, sur les vrais problèmes du peuple : pauvreté, chômage, éducation, santé, infrastructures, environnement ; bref, aux problèmes du développement socioéconomique du pays. Sur ce, je déclare ouverte la Session ordinaire du Sénat de septembre 2014 et je vous remercie.
Léon Kengo wa Dondo
DISCOURS MINAKU, PRESIDENT DE L’ASSEMBLEE NATIONALE, A L’OCCASION DE L’OUVERTURE DE LA SESSION ORDINAIRE DE SEPTEMBRE 2014 DE L’HON. AUBIN
Honorable Président du Sénat et Estimé Collègue,
Monsieur le Premier Ministre, Chef du Gouvernement,
Monsieur le Premier Président de la Cour Suprême de Justice,
Monsieur le Procureur Général de la République,
Honorables Membres des Bureaux de l’Assemblée nationale et du Sénat,
Honorables Députés et Chers Collègues,
Honorables Sénateurs,
Mesdames et Messieurs les membres du Gouvernement,
Excellences Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs et Chefs de Missions diplomatiques,
Mesdames et Messieurs les Représentants des organismes spécialisés du système des Nations Unies et des Organisations internationales,
Messieurs les Représentants et Chefs des Confessions religieuses
Mesdames et Messieurs les Officiers Généraux et Supérieurs des Forces Armées et de la Police Nationale,
Messieurs les membres du Bureau de l’Assemblée Provinciale de Kinshasa,
Monsieur le Gouverneur de la Ville de Kinshasa,
Madame la Bourgmestre de la Commune de Lingwala,
Distingués Invités, en vos titres et qualités,
Mesdames, Mesdemoiselles et Messieurs,
En application de l’article 115, alinéa 1 et 2 de la Constitution, ainsi que de l’article 55 de notre Règlement intérieur, l’Assemblée nationale ouvre ce lundi 15 septembre sa deuxième Session ordinaire de l’année 2014.
Au nom des Membres du Bureau de notre Chambre législative et au mien propre, je souhaite la bienvenue à chacune et chacun de vous, rassemblés pour la circonstance dans cette Salle de Congrès du Palais du Peuple.
Aujourd’hui, nous venons d’accomplir deux ans et demi de mandat au cours desquels nous avons adopté un nombre appréciable de lois de première importance quant au devenir de notre jeune Nation.
Nous avons réussi, souvent avec peine et labeur, la mise en oeuvre d’un contrôle parlementaire appelé à s’intensifier davantage. En tant qu’élus, nous avons participé au débat citoyen, inhérent à notre charge. Il nous a aussi été donné de manifester, à chaque occasion, notre solidarité envers nos concitoyens où qu’ils se trouvent à travers toute la République, lorsqu’ils ont été confrontés à des problèmes graves, notamment des catastrophes humanitaires de toute sorte. Tel est aujourd’hui le cas de la maladie à virus d’Ebola, contenue avec efficacité dans la contrée mise en quarantaine de Djera, en Province de l’Equateur, et qui demeure pour tous la cause d’un souci singulier. C’est pourquoi la représentation nationale lance un appel pathétique au Gouvernement de la République et l’invite à tout mettre en oeuvre davantage en vue de l’éradication rapide de cette épidémie.
Honorables Députés et Chers Collègues,
Comme nous le savons tous, la République Démocratique du Congo vient de perdre, il y a à peine quelques jours, l’un de ses plus valeureux soldats, qui s’était fait signaler par des hauts faits d’armes lors de la mise en déroute du M23, j’ai cité le Lieutenant-Général Jean Lucien BAHUMA AMBAMBA. Au nom de toute l’Institution, pour honorer la mémoire de ce vaillant officier ainsi que celle des concitoyens morts de la maladie à virus d’Ebola, je demande à l’assistance d’observer un instant de silence.
Honorables Députés et Chers Collègues,
Aujourd’hui, nous élus du peuple, jouissant de la légitimité populaire actuelle, nous nous trouvons à la croisée des chemins devant les enjeux majeurs de l’heure.
Par conséquent, il est temps de faire clairement le point sur les défis à relever, sans perdre de vue l’âme de notre Contrat social. C’est l’étape de la circonscription, dans la transparence, du contexte singulier du moment et des enjeux majeurs qui auront des conséquences sur l’avenir et le devenir de la République dans une année, dans deux ans, dans cinq ans, voire dans dix ans... et pour les générations futures.
C’est pourquoi, Honorables Députés et chers Collègues, je voudrais réaffirmer qu’il est venu le moment de la prise des décisions. Oui, nous devons prendre des décisions, tant en ce qui concerne la législation que le contrôle parlementaire !
Ainsi que chacun le sait, aujourd’hui il y a un grand débat, un débat important dans notre pays, un débat citoyen, qui se développe notamment sur l’organisation des futures échéances électorales : les élections locales, municipales, urbaines et sénatoriales ; l’élection des Députés provinciaux, l’élection des Députés nationaux et la prochaine élection présidentielle.
C’est un débat essentiel et incontournable, qui se veut national et sans exclusive, dans un Etat ayant judicieusement opté pour la voie de la démocratie.
Il va donc sans dire que nous devrons trancher à l’issue de tous les échanges qui s’ensuivront I Et trancher signifie décider. Décider signifie lever des options ; et qui dit lever les options, dit en même temps en abandonner d’autres. Et puisqu’il faut abandonner, puisqu’il faut se départir de certains comportements, de certains schémas, il y a nécessairement des défis à relever.., sinon des sacrifices à consentir pour le salut de notre peuple et de notre Nation.
Voilà pourquoi, au-delà et au-dessus de tous les débats annoncés ou entrepris ici et là, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, au-delà de tous les commentaires, des options privées enregistrées au niveau des partis politiques, de la Société civile, des personnalités et acteurs sociaux indépendants, nous allons, ici dans cet hémicycle, en tant que représentants directs du peuple, trancher, par adoption ou rejet de projets lois concernés par ces enjeux de l’heure.
Aussi, par illustration conforme à notre agenda, allons-nous, chers Collègues, nous prononcer sur les projets de loi portant organisation des élections locales, municipales et urbaines qui n’appellent pas révision constitutionnelle. Cela devra se faire après des discussions constructives, franches et ouvertes, pourparlers de couloir non exclus.
Dans la même optique, toujours au titre des priorités de cette Session, essentiellement budgétaire, notre agenda a inscrit en bonne place le projet de loi relatif aux élections des Députés provinciaux qui appellent au préalable une révision constitutionnelle touchant l’article 197. Là aussi, il faudra, à mon sens, lever une option quant au bien-fondé de cette intention de réviser, en agissant en toute responsabilité, après échanges républicains, dans l’intérêt du fonctionnement de la République, de la gouvernance électorale, en tenant compte des réalités du Congo, mais aussi du standard international en la matière.
Un débat préalable est nécessaire. Je dis : nous l’organiserons ! Mais La décision qui s’en suivra demeure, elle, fondamentale, qu’elle soit positive ou négative. Quoi qu’il en soit, la République, je le sais, ne disparaîtra pas, l’essentiel étant qu’une décision soit prise, assumée, et encadrée.
Dans le même chapitre, parce que nous parlons de la Constitution, Honorables Députés et Chers Collègues, il y a des discussions sur la révision de certaines autres de ses dispositions. D’aucuns s’interrogent sur l’opportunité et le bien-fondé d’une telle démarche. Est-ce le moment ? Y lit-on une nécessité impérieuse ?
A ce propos, je vous convie, chers Collègues, à débattre librement, en tant qu’élus, de toutes ces questions dans un climat empreint de cordialité et de sérénité. En tout état de cause, votre Bureau n’ayant reçu aucune demande de révision de la Constitution au-delà de l’article 197, ne saurait programmer pas une séance dans ce sens et nous n’avons donc pas à prendre une décision à ce sujet. D’ailleurs, à ce sujet, seul le peuple demeure le souverain primaire, l’Alpha et l’Omega de tout processus constitutionnel, au-delà même des prérogatives de toutes les institutions de la République.
Mais, en tant qu’élus, au risque de me répéter, nous devons, par des échanges internes, arriver à comprendre le sens et la raison d’être de tous ces chocs d’idées. Les élus appartenant, dans mon entendement, à l’élite de notre peuple, ce débat républicain les concerne intimement.
Votre Bureau a eu, quant à lui, à constater l’effervescence qui caractérise le climat politique de l’heure. Il est d’avis qu’il y a, dans ce grand débat citoyen, nécessité pour la Représentation nationale de s’imprégner des expériences des uns et des autres, des options, idées et orientations que véhiculent les partis politiques, les activistes des droits de l’homme, les milieux universitaires, les éclaireurs avertis de la société, le Congo profond, voire l’homme de la rue.
Pareille précaution fera que nous puissions être à même, à tout moment, d’avoir une attitude responsable et républicaine.
Honorables Députés et Chers Collègues,
II ne fait l’ombre d’aucun doute que chacune et chacun d’entre nous, ici dans cet hémicycle, est guidé par la haute idée de servir avant tout la République et ses intérêts, de représenter dignement le peuple en accomplissant sa mission conformément à la Constitution et au Règlement intérieur, tout en observant le sens élevé de l’Etat.
L’Etat, Chers Collègues, ici défini comme la chose publique et commune, requiert de nous une certaine impartialité arbitrale au-delà des divergences d’appréciation et d’orientation.
L’Etat, c’est la mise en forme d’un projet collectif au-delà des intérêts des uns et des autres, dans un monde où la compétition entre nations est de règle.
L’Etat, ce sont, aussi et enfin, des institutions stables, porteuses d’une foi commune à tout un peuple, et enfin une histoire longue dont nous sommes les héritiers avec ses points forts et ses points faibles, ses mérites et ses échecs, son côté positif et sa part d’ombre. Une histoire que nous avons à poursuivre et qui est celle d’un grand peuple croyant en son avenir et qui, durant des décennies, a dû payer du sang de ses fils avant de voir la nation emprunter le chemin de l’espérance et relever le défi de son épanouissement.
Honorables Députés et Chers Collègues,
Comme d’aucuns le savent, la présente Session ordinaire est essentiellement budgétaire. Il s’agit bien entendu d’une exigence des dispositions des articles 126 de la Constitution et 156 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale.
Par ailleurs, pour contribuer à l’amélioration de la gouvernance et de la transparence dans la gestion des finances publiques, une attention particulière devra être accordée à l’examen et au vote de la Loi portant reddition des comptes de l’exercice 2013, dont l’adoption est préalable à celle de la Loi de finances de l’exercice 2015.
Bien qu’elle soit principalement réservée à l’examen du projet de loi de finances de l’exercice 2015, notre Chambre législative est appelée à poursuivre les réformes législatives entreprises pour mettre en oeuvre certains des engagements pris par le Gouvernement de la République dans le cadre de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba, ainsi que les recommandations pertinentes formulées lors des assises des Concertations nationales. Ces réformes sont nécessaires à la consolidation de l’Etat et à l’amélioration de la gouvernance politique, institutionnelle, économique et sociale.
A ce propos, qu’il me soit permis de passer en revue quelques initiatives législatives qui devront mériter une attention particulière de notre Chambre législative au cours de cette Session.
En effet, en vue d’accélérer le processus de décentralisation, la présente Session accordera priorité à l’examen et au vote des trois projets de lois ci- après
- Projet de loi organique portant programmation des modalités d’installation de nouvelles provinces
- Projet de loi organique portant fixation des limites des provinces et de la Ville de Kinshasa
- Projet de loi organique portant organisation et fonctionnement de la Caisse Nationale de Péréquation.
Les deux premiers projets de lois, déjà adoptés par le Sénat, sont en état d’être soumis au vote de la Plénière, tandis que le troisième nécessite un débat général à programmer.
Honorables Députés et Chers Collègues,
La promotion et la protection des droits de l’homme constituent une des valeurs qui fondent un Etat de droit en Afrique comme ailleurs.
Au cours de la précédente Session, le Bureau n’a ménagé aucun effort pour mettre en place les organes de la Commission Nationale des Droits de l’Homme, dans le respect des prescrits de la loi y relative. Mais, à ce jour, il s’avère que trois des 9 composantes de la Société Civile n’ont pas su construire un consensus quant à la désignation de leurs délégués à la Commission Nationale des Droits de l’Homme.
En vue de permettre à la République de se doter de cette importante institution d’appui à la démocratie, un délai de dix jours est accordé à ces composantes pour parachever le processus de désignation de leurs délégués. Passé ce délai et en vertu de son pouvoir d’arbitrage, le Bureau de l’Assemblée nationale prendra ses responsabilités pour finaliser le processus de désignation de tous les 9 membres de la Commission Nationale des Droits de l’Homme.
Honorables Députés et Chers Collègues,
Après cette page sur les droits de l’homme, il est connu de tous que le secteur privé est le moteur de la croissance. La réforme du Portefeuille de l’Etat amorcée en 2008, consacrant l’option judicieuse de libéralisation des secteurs productifs et des services, ainsi que l’adhésion, en 2010, de la République Démocratique du Congo au Traité de I’OHADA, s’inscrivent dans cet objectif.
Ainsi, après la promulgation de la loi relative au secteur de l’électricité, de la loi fixant le régime des zones économiques spéciales et de la loi fixant les règles relatives aux conditions et modalités de sauvetage de l’entreprise nationale en difficulté, la présente Session devra finaliser le processus législatif de quatre textes de lois jugés prioritaires. Il s’agit
1. du projet de loi portant Code des assurances, actuellement en commission mixte paritaire Assemblée nationale-Sénat ;
2. du projet de loi fixant les modalités de mise en application du droit
OHADA ;
3. de la proposition de loi portant régime général des hydrocarbures ;
4. du projet de loi relatif au crédit-bail.
Dans le même ordre d’idées, une attention particulière sera accordée à la proposition de loi organique portant organisation et fonctionnement de la Cour des comptes, destinée à adapter le cadre juridique de cette institution aux exigences de la Constitution et d’améliorer les mécanismes de contrôle des finances publiques.
En ce qui concerne le contrôle parlementaire, j’aimerais dire que si, durant la première moitié de notre législature, nous avions jugé mieux indiqué de privilégier l’approche pédagogique du contrôle, cette fois-ci nous sommes d’avis que l’Assemblée nationale devra davantage défendre les intérêts supérieurs de la communauté notamment par le recours à la sanction.
Les Congolaises et Congolais exigent de leurs gouvernants de l’efficacité, de la transparence, de l’engagement et des résultats concrets.
Notre société est désireuse d’un bannissement radical des antivaleurs et de l’érection d’une nouvelle moralité publique. Face à cette réalité, l’Assemblée nationale n’a d’autre choix que d’agir, mais alors d’agir vigoureusement pour accompagner cette volonté collective tendant à asseoir un nouveau type de gouvernance dans notre pays, une nouvelle citoyenneté.
Si hier la conscientisation était la règle, cette fois-ci elle devra s’accompagner de sanction éventuelle, le tout se déroulant dans une approche empreinte de sérieux et de responsabilité.
D’un autre côté, accentuer le contrôle ne signifie pas nécessairement multiplier les initiatives. Je demeure d’avis qu’un bon contrôle parlementaire est, sans doute, celui qui vise la qualité et non pas la quantité et qui débouche sur des conclusions concrètes et palpables.
Chers Collègues,
Pendant les dernières vacances parlementaires, votre Bureau a échangé avec les Gouverneurs des Provinces : il se dégage de ces entretiens qu’ils se plaignent du non respect des dispositions de la Loi fixant les principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces ainsi que de la Loi de finances quant à la mise à leur disposition de la part des ressources devant financer les projets de développement relevant de leur compétence exclusive.
C’est dans cette perspective que le Bureau de l’Assemblée nationale, en accord avec l’Auguste plénière, estime nécessaire la mise en place d’une commission spéciale qui sera chargée, d’une part, de l’évaluation des contraintes de la mise en oeuvre du processus de décentralisation territoriale et financière et, d’autre part, de formuler des recommandations appropriées susceptibles d’accélérer la relance du développement à la base.
S’agissant de la diplomatie parlementaire, je me fais le devoir d’informer l’Auguste Assemblée qu’en ma qualité de Premier Vice-président du Bureau de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie, j’ai conduit une délégation de l’Assemblée nationale et du Sénat à la 40ème Assemblée de I’APF tenue à Ottawa, au Canada, en juillet 2014.
Les résolutions adoptées au cours de ces assises ont été transmises au Gouvernement afin de permettre aux Ministres concernés de nous faire connaître les mesures de leur mise en oeuvre. Ces résolutions seront également mises à la disposition des Commissions permanentes compétentes de notre Chambre législative en vue d’assurer le suivi de leur exécution.
J’informe également l’Auguste Assemblée que quatre forums parlementaires et réunions statutaires vont se dérouler au cours de la présente session. Il s’agit de :
- la 131ème Assemblée de l’Union interparlementaire et réunions connexes prévue à Genève, du 12 au 16 octobre 2014 ;
- la 3ème Conférence des Présidents d’Assemblées parlementaires nationales de l’Union parlementaire africaine, qui aura lieu du 29 octobre au 02 novembre 2014 à Rabat au Royaume du Maroc ;
- la 36ème Assemblée du Forum parlementaire de la SADC, prévue à Kinshasa, du 04 au 15 novembre 2014 ; et enfin,
- une réunion parlementaire que compte organiser l’Union interparlementaire à l’intention des parlementaires en marge de la 20ème Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, prévue à Lima (Pérou), du 1er au 12 décembre 2014.
J’aimerais, en outre, informer l’Auguste Assemblée que la Section congolaise de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie aura l’honneur d’accueillir, du 29 au 30 septembre 2014, à Kinshasa, la réunion du Réseau des parlementaires francophones sur le VIH/Sida, la tuberculose et le paludisme.
Compte tenu de l’importance des points inscrits à l’ordre du jour de ces différentes assises, l’Assemblée nationale y sera représentée pour faire entendre la voix de la République Démocratique du Congo.
Honorables Députés et Chers Collègues,
Après avoir consulté les services ad hoc de l’Assemblée nationale, je voudrais faire un bref commentaire sur la situation socioéconomique de notre pays. Il est à noter qu’en fin août de l’année en cours, selon les données publiées par la Banque Centrale du Congo, la République Démocratique du Congo présente une situation globalement caractérisée par un cadre macroéconomique stable. Une situation encourageante et à soutenir, pour autant qu’elle demeure créatrice de richesses.
Aussi, voudrais-je par cette occasion, au regard de la stabilité continue du cadre macroéconomique, soutenir au nom de l’Assemblée nationale, toutes les initiatives " pro-croissance " du Chef de l’Etat mises en oeuvre par le Gouvernement, en particulier celle de l’érection du parc agro-industriel de BUKANGA-LONZO, dans la Province de Bandundu, dont les effets d’entraînement sont déjà pressentis.
Cependant, malgré ce tableau encourageant, on peut craindre, sur base des réalisations de la production à la fin du mois de juillet 2014, une décélération du rythme de la croissance.
En effet, en ce qui concerne le taux de croissance du P.I.B., estimé à 9,5% selon la Banque Centrale du Congo dans sa publication sur l’évolution économique récente à fin août 2014, il est établi, en fin juillet 2014, à 8% venant de 8,5% l’année dernière.
Cette contraction de l’activité économique s’est manifestée, pour la même période, par une sous-mobilisation des recettes publiques au niveau de toutes les rubriques y relatives, avec un taux d’exécution de l’ordre de 8l% en fin juillet 2014.
Par rapport à cette situation, je souhaite qu’au-delà du cadre macroéconomique, le Gouvernement intègre les éléments ci-après :
Primo, sur le plan de redistribution du fruit de la croissance,
Tout en encourageant la réalisation d’un taux de croissance du Produit Intérieur Brut, il est plus qu’important pour le Gouvernement de veiller à la bonne répartition du fruit de cette croissance qui tend vers un taux à deux chiffres, et de réduire progressivement l’inadéquation existant entre le niveau de la croissance et celui du revenu moyen annuel par habitant de manière à améliorer progressivement le vécu quotidien de nos populations.
Secundo, sur le plan de la réforme fiscale et de la mobilisation des recettes,
La réforme fiscale qui a permis au pays de muter de l’Impôt sur le Chiffre d’Affaires à la Taxe sur la Valeur Ajoutée ne devrait pas situer les recettes publiques à son niveau actuel, parce qu’il est clair que les résultats y relatifs, à ce jour, sont mitigés et en deçà des attentes, ce, deux ans après sa mise en application.
Il est donc nécessaire pour le Gouvernement de se poser des questions sur les aspects fiscaux ci-dessous, relatifs à l’application de la TVA
1. la fiabilité des données relatives à la récolte de la TVA par les entreprises désignées à cet effet, la problématique de l’encadrement desdites recettes par les agents du Fisc et le problème du coulage des recettes publiques ;
2. le fonctionnement du mécanisme " déductibilité-remboursement " en faveur des entreprises ayant payé la TVA en amont ne fonctionne pas dans le sens de les aider à promouvoir leurs activités productives en vue de permettre à l’Etat d’espérer un accroissement continue des recettes publiques, pour autant que l’Etat se bute à rembourser des montants colossaux au secteur privé à ce sujet ;
3. la nécessité d’une informatisation de la récolte de la TVA dans un système intégré sur l’ensemble du territoire national comme partout ailleurs.
Répondre aujourd’hui à ces questions pourrait nécessiter une revisitation de la législation relative à la Taxe sur la Valeur Ajoutée, dans la perspective de doter I’Etat des moyens nécessaires et suffisants pour la réalisation à court, moyen et long termes de ses objectifs.
Tertio, sur le plan de la relance du secteur privé et de la création de la classe moyenne nationale,
Le Gouvernement devrait, à mon sens, réfléchir sur le positionnement actuel du taux directeur de la Banque Centrale du Congo à 2 % afin de mobiliser les crédits en faveur du secteur privé face aux taux débiteurs prohibitifs des banques qui se situent autour de 20 % l’an, s’agissant des crédits en francs congolais, et autour de 14 % pour les crédits en devises étrangères. Aussi, faudrait-il que le Gouvernement budgétise progressivement le paiement de la dette intérieure en faveur des entreprises dont les créances ont été certifiées. Ceci donnerait, sans doute, un appui substantiel et additionnel à la relance du secteur privé.
Dans le même ordre d’idées, il conviendrait que le Gouvernement prenne des mesures destinées à renforcer des structures telles que le Fonds de Promotion de l’Industrie, l’Office des Petites et Moyennes Entreprises et le Fonds National de la Microfinance. Aussi, pourrait-il envisager des interventions économiques spécifiques ayant pour but d’appuyer nos PME/PMI avec des taux d’intérêts débiteurs préférentiels, gages de la création effective d’une classe moyenne nationale.
Honorables Députés et Chers Collègues, Distingués Invités, Mesdames, Mesdemoiselles et Messieurs,
Je voudrais me résumer en ces termes : l’heure est à la prise des décisions face à tous les grands dossiers qui sont en attente et face aux enjeux majeurs auxquels notre pays est confronté.
S’il est des moments où les représentants du peuple doivent savoir se débarrasser de leur costume de politiciens et arborer celui d’homme d’Etat, ce moment-là est bien arrivé.
Dans les démocraties électives, il est demandé aux représentants que nous sommes d’incarner autre chose que les représentés. Cette autre chose, c’est notamment la délicate mission de représenter l’Etat.
Ceux parmi les élus qui croient n’être que les représentants de leurs électeurs ne sont que des hommes politiques ordinaires. Ceux, en revanche, qui, en plus de représenter leurs électeurs, incarnent l’idée de ce qu’est l’Etat avec ses valeurs peuvent être légitimement qualifiés d’ "hommes d’Etat ".
Hommes et femmes d’Etat, j’ose croire que nous le sommes, toutes et tous, ici dans cet hémicycle.
Cette qualité d’homme ou de femme d’Etat suppose une manière d’être qui met son titulaire à même de rendre sensible ce que nous avons en commun, de savoir faire la part de choses entre, d’un côté, les élucubrations politiques et, de l’autre, les impératifs liés à la gestion de l’Etat.
Quelles que soient nos opinions, c’est d’abord pour la République Démocratique du Congo que nous oeuvrons et c’est dans un véritable esprit de responsabilité démocratique partagé que nous relèverons tous les grands défis à venir.
Je vous exhorte, Chers Collègues, à l’assiduité, à la régularité et à la ponctualité à tous nos travaux. De même, le respect mutuel et la cordialité doivent demeurer de règle entre nous.
Je vous souhaite de fructueux travaux parlementaires au cours de la présente Session.
Sur ce, je déclare ouverte la Session ordinaire de septembre 2014.
Que vive la République Démocratique du Congo !
Je vous remercie.