
L'ancien ministre de la Justice et Garde des Sceaux, Constant Mutamba, s'est exprimé pour la première fois devant les juges de la Cour de Cassation, concernant le détournement présumé de deniers publics pour lequel il est poursuivi.
Répondant à une question des juges lors de l'audience de ce mercredi 23 juillet 2025, Constant Mutamba a affirmé n'avoir jamais touché un seul dollar américain des 19 millions USD dont il est accusé de détournement. Il a assuré les juges que cette somme est intacte, logée dans un compte séquestre à la Rawbank.
« C'est un jour que j'attendais avec impatience. J'ai accepté d'affronter cette réalité pour prouver mon innocence. C'est pourquoi j'ai remis ma démission en tant que Garde des Sceaux. Les 19 millions USD pour lesquels on me poursuit sont bel et bien à la banque au moment où je me présente devant cette Cour. Le ministre de la Justice, Constant Mutamba, n'a jamais pris un seul dollar américain », a-t-il déclaré.
Pour Constant Mutamba, l'infraction de détournement de deniers publics ne peut pas être retenue à sa charge, car les 19 millions pour lesquels il est poursuivi devant la Cour sont encore intacts à la banque. Il a par ailleurs affirmé que ce marché de construction de la prison à Kisangani a été approuvé par la Première ministre Judith Suminwa.
« Peut-on détourner de l'argent auquel on n'a pas touché ? L'histoire me rétablira tôt ou tard. Je voudrais que le greffier puisse acter que le marché de construction de la prison pour lequel ces 19 millions $ sont actuellement en banque a été approuvé par la Première ministre, cheffe du gouvernement », a-t-il indiqué.
Constant Mutamba a, en outre, saisi cette occasion pour relever à l'attention de l'opinion qu'avant son arrivée à la tête du ministère de la Justice, 17 millions USD issus du compte du ministère de la Justice – lequel reçoit une quotité de la somme payée par l'Ouganda pour la réparation des victimes de la guerre de six jours – ont été dilapidés sans que les traces soient connues.
« À mon arrivée au ministère de la Justice, j'ai trouvé 8 millions dans ce compte et je les ai laissés là sans y toucher. Avant nous, ce compte existait déjà et avait fait l'objet de manipulations de près de 17 millions $, dont les traces sont introuvables jusqu'à ce jour. Je voudrais que l'on puisse acter que le marché de construction de cette prison avait été soumis préalablement au Conseil des ministres », a-t-il fait remarquer.
Selon Constant Mutamba, ce procès est celui de la mafia qui veut en finir avec un jeune ministre de la Justice qui est venu démanteler ce réseau. Il a affirmé qu'il s'agit d'un combat entre les réformateurs et les conservateurs.
« Je n'ai pas voulu fuir, m'exiler. Je n'ai pas voulu demander l'asile parce que je voulais affronter cette réalité. Et je suis là, prêt à payer le prix de la révolution, d'un combat, d'une génération, d'un peuple et d'un continent. De tous les détourneurs qu'il y a dans ce pays, c'est le visage de Mutamba qu'on veut faire porter le détournement. C'est triste », a fustigé l'ancien Garde des Sceaux.
Ce fut l'occasion pour les juges de la Cour de poser au prévenu toutes les questions possibles sur la régulation de la passation des marchés publics, sur la capacité financière de la société Zion Construction SARL, sur les motivations du déplacement des 19 millions USD du compte du ministère de la Justice vers un autre compte bancaire, et bien d'autres préoccupations.
Notons qu'avant le début de l'instruction au fond, la Cour de Cassation, qui statue sur cette affaire, a rendu un arrêt avant dire droit sur les exceptions soulevées par les avocats de la défense, qui avaient sollicité la nullité de l'action publique, estimant que l'Assemblée nationale et le parquet général près la Cour de Cassation avaient violé la Constitution et le code de procédure pénale dans la procédure de poursuites de leur client.
La Cour a rejeté toutes ces exceptions et a ordonné la poursuite de l'instruction au fond afin de faire la lumière sur le présumé détournement de 19 millions USD destinés à la construction d'une maison carcérale à Kisangani, dans la province de Tshopo.
ODN