A propos de l’Arrêt 262 de la Cour Constitutionnelle : la RDC malade de sa classe politique

Lundi 11 juillet 2016 - 13:08
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Après la publication par le Journal officiel de la RDC de l’arrêt Rconst 262 de la Cour constitutionnelle, il a été mis en évidence le « grand mal dont souffre le Pays», à savoir, le faible niveau intellectuel de la classe politique congolaise.

Du retard accumulé dans l’éducation et la participation politique par les Congolais est la cause originelle de tous les malheurs qui frappent aujourd’hui la RDC. Car, pendant que les ressortissants des Etats de l’Afrique francophone et anglophone, voire lusophone, fréquentaient les écoles métropolitaines déjà dans la période coloniale, l’ancienne colonie et territoire sous protectorat belge n’a bénéficié de pareil avantage.

La majorité des évolués sortaient des écoles moyennes et normales et les quelques élèves jugés doués étaient orientés vers les petits et grands séminaires avec un niveau de formation suffisamment qualifié. Les quelques Clercs et Commis congolais de l’administration coloniale au Congo-belge sortaient des études secondaires limitées à quatre ans et nombreux parmi eux sont ceux qui se sont perfectionnés par l’autodidactie ou les études franc-maçonniques.

Les études secondaires de six ans pour les Congolais ne seront instituées par les Congrégations jésuites et scheutistes  et plus tard les Athénées par Buisseret qu’à l’image de petits séminaires et seulement après la deuxième guerre mondiale. Il est bien sûr entendu
que les Collèges existant avant la deuxième guerre mondiale étaient exclusivement réservés aux enfants belges ou ceux de nombreux fonctionnaires étrangers de l’administration coloniale belge à leurs débuts.

On comprendrait facilement que la formation de niveau universitaire ne pouvait intervenir que vers la fin des années 50 et les premiers universitaires que le début des années 60.

Le Congo devient indépendant avec ces anciens Clercs,  Commis, Moniteurs et Infirmiers comme première vague de l’élite politique dirigeante et comme nouveaux leaders des mouvements sociaux, dont principalement les syndicats et les corporations professionnelles. A ce problème de faible niveau de formation s’est greffé celui d’ambitions aveugles et mal assumées par des hommes moyennement formées suivant une option d’éducation des masses imposée par la politique coloniale belge.

La situation s’est davantage compliquée vers la fin de la mi- décennie des années 60 avec l’arrivée au pouvoir dans les zones rebelles de nouveaux dirigeants populistes et parfois de niveau de formation encore plus bas que ceux ayant été moyennement formés.

Pendant cette même période, le départ massif des enseignants belges à cause de troubles dus aux mouvements insurrectionnels provoque un recrutement à la carte des réfugiés haïtiens, libanais et égyptiens, ainsi que d’autres ressortissants de Pays francophones sans emploi dans leurs Pays respectifs.

Ce mauvais recrutement a fait dévaluer l’enseignement secondaire au plus bas niveau avec des répercutions graves sur la qualité de l’enseignement universitaires vers les années 70 et 80, pendant lesquelles, pourtant le pays profitait d’un retour significatif de boursiers finalistes venus d’Europe,  des Etats-Unis et de l’Union soviétique.

Ce boom intellectuel congolais, dont le Pays a bénéficié dans tous
les domaines de la science n’était qu’un phénomène factice consécutif
à la guerre froide, période pendant laquelle, les grandes Puissances
du monde et leurs Alliés respectifs se livraient à une totale
compétition pour le contrôle des cerveaux et des élites surtout en
Afrique centrale, où les enjeux stratégiques et économiques étaient
prédominants.
Mais sitôt que s’est atténuée cette compétition entre les grandes
Puissances vers la fin des années 80 et 90, le flop des bourses
d’études s’est fait remplacer par les flux généralisés de réfugiés
congolais vers l’Europe, les Etats-Unis et vers certains pays
africains relativement calmes comme la Côte d’Ivoire, le Cameroun,
l’Algérie et le Maroc. Mais cette fois-ci, les jeunes congolais en
exil n’ont pu avoir accès aux études supérieures dans leurs pays
d’accueil et leurs enfants n’ont eu que peu de chance pour y accéder.
La suite peut facilement se deviner. Car, les Congolais jadis
nombreux dans les universités d’Europe, des Etats-Unis, de Canada et
de Pays de l’union Soviétique, se sont vus condamnés aux pénibles
travaux de survie au marché noir d’emploi, et le seul moyen de
justifier son statut de réfugié était de maintenir son activisme
politique et de se livrer à la violence contre toute manifestation de
la présence du pouvoir dans leurs Pays d’accueil.
Les Congolais se sont donc révélés abrutis à l’intérieur du Pays et
dénivelés intellectuellement à l’extérieur, d’où l’image du Congolais
doué seulement pour la danse, les femmes et peu de choses d’esprit.
A ce tableau de déconstruction intellectuelle des Congolais s’est
ajouté celui illustré par une entrée massive et répétée au pouvoir et
dans l’armée des élites rebelles ou populistes de très faible niveau
de formation après chaque crise politico-militaire et à l’issue de
d’interminables dialogues à partir desquels surviennent
d’éléphantesques gouvernements d’union ou de reconstruction nationale,
souvent sans aucune rationalité ni souci de bonne gouvernance.
C’est ainsi que s’est consolidée dans l’arène politique congolaise
cette nébuleuse classe politique et élite dirigeante sans grand niveau
de qualification intellectuelle ni encrage idéologique dans l’exerce
du pouvoir d’Etat ou d’une opposition démocratique d’alternance.
Au niveau de la société congolaise, le règne du Président Mobutu a
institué « l’idiotisation » de tout un peuple par des animations de
masses dégradantes ou obscènes et «  l’idolâtrisation » des Dirigeants
suivant le modèle autocratique reculé du XVII et XVIII èmes siècles en
Europe ou le modèle communiste instauré au milieu de XXème siècle
jusqu’à l’écroulement du mur de Berlin.
La combinaison de ces phénomènes constituent un de plus grands drames
congolais auxquels se butent une meilleure socialisation du peuple
congolais aux bonnes mœurs et pratiques politiques, ainsi qu’une
dépérennisation ou dépersonnalisation  du pouvoir congolais pour  une
alternance démocratique pacifique.
C’est dans ce débat passionné sur l’alternance politique où se mêlent
l’ignorance, l’inculture et l’imposture au sein de la classe politique
congolaise aussi bien du côté de la majorité que de l’opposition et
dont le dernier Arrêt Rconst 262 de la Cour constitutionnelle en a
révélé la vraie nature.
Pour être juste, il y a lieu de noter que malgré ce tableau obscur
s’est manifesté quelques éclaircis fournis par les personnalités du
pouvoir, de l’opposition et des médias, lesquels ont pu permettre de
comprendre le vrai sens de l’Arrêt.
Nous prendrons pour référence l’ex-Ministre de la Culture, Feu Banza
Mukalay qui a su, à travers les médias , inviter les Congolais à faire
confiance à la Cour, tant qu’on aura pas encore lu cet Arrêt querellé.
Il faut avouer que cela a pu atténuer le zèle des uns et des autres,
voire même susciter de la réserve parmi les Communicateurs politiques
ou les intervenants dans la presse audio-visuelle.
Il n’est nul doute que la bonne inspiration de Banza Mukalay trouve
son fondement à la fois dans ses propres convictions politiques
d’homme modéré très réfléchi et dans sa longue expérience politique
pendant deux précédents régimes politiques. Nous ne pouvons que lui en
rendre hommage.
Du côté de l’opposition, trois personnalités de grand poids politique
et de grande maturité intellectuelle ont également souscrit à l’idée
de la réserve tant que l’Arrêt de la Cour n’est pas encore publié et
que contrairement aux nombreux commentaires sur cet Arrêt, nul
n’indiquait que la Cour constitutionnelle a donné raison aux Députés
nationaux constitués en Requérants dans cette affaire.
Il s’agit notamment de l’Honorable Député Sam Bokolombe Botuli de
l’UNC, l’Honorable Sénateur Jacques Ndjoli du MLC et Honorable
Lumeya-Dhu-Maleki de DDC.
Le premier a au cours d’une brillante interview au Journal
trihebdomadaire AfricaNews souligné que le seul article de la
Constitution  pouvant remettre en cause  le processus électoral est
celui lié au délai de convocation de scrutin par la CENI (art. 73), à
celui de passation de pouvoir entre le Président sortant et le
Président entrant élu (74-74). Ainsi donc, tant que l’Arrêt de la Cour
constitutionnelle n’en fait pas allusion, rien ne peut faire dire à
cette dernière ce qui n’a pas été dit.
Les Honorables Ndjoli et Lumeya ont, pour leur part, souligné au
cours de leurs passages dans les medias audio-visuels que la Cour
constitutionnelle ne peut se permettre, comme régulateur du pouvoir
d’Etat, de rendre les arrêts qui ne vont pas dans le sens de
l’apaisement politique et celui de la recherche des solutions
pacifiques.
Du côté de médias nationaux de grande prestance, toutes les éditions
ont été d’une grande responsabilité et ont fait montre de beaucoup
d’objectivité professionnelle dans la présentation des informations
liées à cet Arrêt diversement commenté dans l’opinion publique.
Il y a eu également du bon tempérament dans la conduite des débats
dans la presse audio-visuelle surtout certaines émissions télévisée et
radiodiffusées présentant les deux sons de cloche.
Mais en revenant au débat politique dernièrement animé par les
Opérateurs politiques de la Majorité et de l’Opposition, une note
malheureuse est attribuée aux extrémistes de tous les bords, qui pour
les uns sont allés jusqu’à évoquer les articles de la Constitution
justifiant l’Etat d’urgence ou le recours au référendum pour une
révision constitutionnelle et pour les autres un recours à la violence
généralisée.
Les deux thèses se sont radicalisées sans avoir vu le texte sur base
duquel les discussions devraient  fonder leurs positions. Comme l’a si
bien souligné l’édition du Journal le Phare du 7 juillet et celle du 8
juillet 2016 : «  comment a-t-on pu débattre pendant deux mois et
prendre de positions politiques enflammées, parfois même
gouvernementales sur un texte non encore publié au Journal officiel ».
Or, seule la publication de l’arrêt de la Cour constitutionnelle dans
le Journal officiel donne  une valeur juridique d’opposabilité envers
tous et d’intégrité du texte.
Ceci traduit bien l’image piteuse d’une classe politique peu
cultivée, passionnée, moins réfléchie et portée à l’extrémisme puéril.
Une note malheureuse est également celle de la Cour constitutionnelle
qui, malgré les difficultés matérielles du greffe de la Cour
constitutionnelle n’a pu se surpasser pour obtenir à temps la
publication de cet Arrêt Rconst 262 hautement sensible pour la paix
sociale et l’apaisement politique. A ne pas y avoir fait attention est
un peu une forme d’incompétence comme celle dans laquelle sombre
toute la classe politique congolaise.
Jean Marie Nkashama Nkoy
(C.P.)