CONSOLIDATION DU PPRD, PARTENARIAT AVEC LE PALU, CRISE AU BURUNDI… LES CONFIDENCES DE ME TUNDA

Jeudi 27 août 2015 - 06:29

"Le Palu est un parti qui a fait une déclaration, mais les instances de nos formations politiques vont continuer à se rencontrer comme c’était dans le passé", rassure
le Secrétaire général adjoint du parti de Joseph Kabila.

Où trouver Me Célestin Tunda Ya Kasende de la journée ? Question pertinente. Car cet homme aux multiples dimensions et facettes est sur la brèche presque 24 heures sur 24. Quand il n’est pas à son domicile en train d’éplucher des dossiers ou de finaliser sa thèse, il est à son cabinet d’avocat à un jet de pierre de l’Hôtel de ville à la Gombe. Sinon, au siège du PPRD où depuis trois mois, il se retrouve par la volonté du Raïs Kabila avalisée par les congressistes, dans le saint des saints de la direction du parti présidentiel. C’est dans ce sanctuaire du parti présidentiel que nous l’avons déniché.

Secrétaire général adjoint du Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD), Me Célestin Tunda Ya Kasende déploie présentement, aux côtés du Secrétaire général Mova et ses collègues, une activité intense pour asseoir l’ancrage de cette formation politique au pays comme à l’étranger. Déterminé à consolider la présence du parti de Joseph Kabila hors des frontières nationales, il suit avec beaucoup d’intérêt l’évolution de la situation politique au Burundi voisin, où le Président Nkurunziza vient de prêter serment pour son troisième mandat. Vice-ministre honoraire des Affaires étrangères, ce spécialiste de la Régiondes Grands Lacs éclaire, à travers cette interview, les lecteurs de ’’Forum des As’’ sur les questions brûlantes d’actualité.

Monsieur le Secrétaire général adjoint, comment au sein de votre direction, vous avez accueilli la décision du Palu de postuler à tous les niveaux lors du scrutin de 2016 ?
Nous recevons tout cela avec beaucoup de philosophie. D’autant plus que chaque parti politique a son idéologie, sa manière de conduire sa politique... Néanmoins, notre souci est que nous puissions continuer à rester solidaires, à nous serrer les coudes les uns les autres dans la majorité, dans la mesure où nous avons pris l’option de regarder dans la même direction. Tout en tenant à rester dans l’unité avec les autres partis. Tel est notre souhait, bien entendu, mais sans pouvoir jouer à la dictature !
Je pense que le moment venu, compte tenu des réalités qui se présentent, nous aurons l’occasion de nous asseoir de nouveau avec tous nos partenaires afin de pouvoir préciser les choses et voir comment nous devrons continuer à conjuguer les efforts, et non pas, face aux enjeux, nous présenter en ordre dispersé devant le peuple. Je pense que, dans une famille, il faut, à chaque moment, essayer de repréciser les choses. Je suis d’avis que notre maison ne brûle pas. Le Palu est un parti politique qui a fait une déclaration, mais les instances de nos formations politiques vont continuer à se rencontrer comme c’était dans le passé. Et nous allons voir ensemble quelle est la meilleure route que nous devrions suivre pour ne pas détruire l’essentiel...

On vous a tout récemment vu en train de recevoir des délégations du PPRD en provenance de l’étranger. Que visait concrètement cette démarche ?
Nous sommes en train de redynamiser les activités du parti. S’il faut emprunter l’expression de la Bible, notre parti est entrain de naître à nouveau, en essayant de se fixer des objectifs qui doivent correspondre à la fois à la vision du chef de l’Etat sur la ’’Révolution de la modernité’’. Des objectifs qui doivent à sa vision quant à nos relations avec les autres partis politiques et avec les autres Etats dans le monde. Les actions et les objectifs du parti doivent ainsi cadrer avec tous les enjeux politiques qui sont en instance pour le moment.
Notre démarche n’est pas actionnée seulement par rapport à l’extérieur et aux structures externes du parti, mais puisque, pour le moment, nous essayons de regarder de tout côté. C’est pourquoi, plusieurs délégations des Congolais de l’étranger sont en train de venir pour adhérer au parti. Venant d’Angola, du Congo Brazzaville… de Serbie, ils tiennent à réaffirmer leurs engagements aux idéaux de notre formation politique et à la vision du chef de l’Etat, Joseph Kabila Kabange.
Etant donné qu’il y a des journalistes qui distillent parfois de l’intoxication en diffusant, à travers leurs médias, des informations erronées, ces compatriotes ont préféré traverser la frontière pour venir recevoir, au siège du parti, les recommandations de notre formation politique. Et c’est ce qui a été fait. Ils ont reçu les symboles du parti et ont réaffirmé leur détermination à accompagner le chef de l’Etat, dans l’ensemble de son programme...

Envisagez-vous des actions de sensibilisation dans les pays étrangers ?
Effectivement. Après leur séjour à Kinshasa, nos compatriotes sont déterminés, à leur tour, à aller redynamiser les activités du parti dans les pays où ils vivent : en Angola, au Congo Brazzaville… Et nous même d’ailleurs, nous allons amorcer un périple dans tous ces pays où nous avons de grandes communautés des Congolais. Que ce soit en Europe tout comme en Afrique. Et pourquoi pas au Burundi où vivent bon nombre de compatriotes, dont nous aimerions savoir comment ils vivent pendant cette période de crise…

A propos justement du Burundi, quelle lecture faites-vous de la crise actuelle ?
C’est une situation pleine de leçons. Il nous revient tout simplement d’en faire des analyses appropriées. Proche de notre pays, le Burundi, tout comme le Rwanda, partage pratiquement la même histoire que la RDC, dans la mesure où nous avons tous été colonisés par la Belgique. Par ailleurs, étant tous pays de la région des Grands Lacs, nos Etats sont membres de deux organisations régionales importantes : la CEPGL (Communauté économique des pays des Grands Lacs, regroupant la RDC, le Rwanda et le Burundi) et la CIRGL (Conférence internationale sur la région des Grands Lacs). Eu égard à tous ces facteurs, la situation qui se passe présentement au Burundi devrait nécessairement nous interpeller...

Tout récemment, le président Nkurunziza a été réélu pour un troisième mandat au Burundi. Mais lors de sa prestation de serment, bon nombre de chefs d’Etat ont été absents, suscitant ainsi beaucoup de remous dans l’opinion. Comment, en tant qu’observateur, vous analysez cette situation ?
Il y a encore beaucoup de secousses au Burundi. On y retrouve des gens qui tirent des ficelles par-ci par-là, provoquant ainsi des agitations dans quelques quartiers, particulièrement à Bujumbura, la capitale. Je pense que, par précaution, il ne fallait pas laisser les autres chefs d’Etat venir à Bujumbura avec un tel climat. Vous savez que l’agenda des chefs d’Etat est très complexe ! Un président de la République, on ne le déplace pas dans n’importe quelle condition. Je crois que, vu les choses sous cet angle, on devrait comprendre que l’un ou l’autre chef d’Etat ne puisse arriver au Burundi dans ce contexte…
Les ennemis de la politique burundaise se seraient frotté les mains en commettant un attentat contre le chef de l’Etat pour justement alarmer toute la communauté internationale, et montrer qu’au Burundi, ça ne va pas. Il ne fallait donc pas donner cette occasion aux ennemis du peuple burundais. Et c’était mieux comme les chefs d’Etat s’étaient abstenus d’aller assister à la cérémonie de prestation de serment.

Les tensions en cours au Burundi ne risqueraient-elles pas, une fois de plus, de porter préjudice à la RDC qui partage une frontière commune avec ce pays ?
C’est vrai que le Burundi partage une longue frontière avec la RDC. Une frontière qui s’étend à la lisière d’Uvira, tout en incluant les autres contrées riveraines au lac Tanganyika. Ces frontières sont effectivement longues et permettent aux populations des deux pays de se fréquenter mutuellement. En raison de tout cela, nous devrions être attentifs. Suivre de près ce qui se passe au Burundi, sans toutefois rien dramatiser. Puisque ce sont les ennemis de l’Afrique qui veulent dramatiser la situation dans ce pays. Mais quand on regarde les choses de plus près, il n’y a rien de ’’mortel’’ là dedans ! Les élections se sont bien passées. Même si les uns interprètent aujourd’hui la Constitution de leur côté, et les autres du côté opposé ! Mais les réalités sont toutefois claires : le Burundi a aujourd’hui un Président élu, un Gouvernement et un Parlement.

Comment alors expliquer la résurgence des violences dans ce pays, avec notamment des cas d’assassinat dans la hiérarchie de l’armée et dans le sérail même du président du Burundi ?
La violence qu’on enregistre ne doit étonner personne. Quand il y a la rancœur et que l’animosité devient grande, on arrive à des situations déplorables comme celles là. Les gens veulent se régler des comptes. Certains croient même que c’est la meilleure manière de déstabiliser le pouvoir du Président Nkurunziza. Toutes ces hypothèses sont valables dans l’analyse.
Mais ce qu’il faut retenir, c’est que le temps va passer. La stabilité va nécessairement s’en suivre. Parce que la victoire de CNDD - FDD (Conseil national pour la défense de la démocratie - Forces de défense de la démocratie), à travers le président Nkurunziza, n’était pas acceptée par une frange de l’Opposition et quelques personnes à l’extérieur, ça devrait nécessairement produire un certain choc, au point de conduire aux assassinats !

Et pourtant, on voit paradoxalement de grandes figures de l’Opposition se rallier au régime en place…
Vous parlez des alliances politiques en cours ? C’est d’ailleurs cela la leçon à retenir dans la situation au Burundi ! Il faut analyser le déroulement des faits par rapport à ce changement d’alliances. Le plus surprenant, c’est le ralliement de l’Opposant le plus radical, Agathon Rwasa. Ce leader politique, qui a pratiquement été le premier à avoir lancé la guerre de libération dans son pays, à la tête de son parti, le FNL, avant même le CNDD-FDD du président en place. Voir Agathon Rwasa changer d’alliance, préférant rejoindre Nkurunziza, au détriment de l’opposition, et se faire désigner comme deuxième personnalité de l’Assemblée nationale, doit faire réfléchir. Parce que la situation au Burundi est aussi complexe que dans bien d’autres pays en Afrique.
C’est donc important d’approfondir la lecture au niveau du Burundi, et même au niveau de la région des Grands Lacs. Si donc Agathon Rwasa a traversé la rive pour se rendre de l’autre côté, les choses ne sont donc pas si simples. La situation est si complexe. Et Agathon Rwasa, lui qui s’est battu pendant autant d’années, sait pourquoi Nkurunziza au pouvoir, lui il ne peut pas rester dans l’Opposition. Tout cela est significatif et symbolique, et on devrait l’approfondir...

Quelle leçon peut-on alors tirer de cette situation ?
Ceux qui font la géopolitique savent que ce n’est pas seulement à travers les cartes, dans les bureaux ou officines politiques qu’on peut orienter une situation d’un Etat souverain. Chaque Etat souverain a ses réalités. Et pour éviter d’arriver à ces genres de violences, il y a des principes qu’il faut observer, de sorte que les changements politiques dans ces pays se fassent de manière paisible et en tenant compte de l’intérêt des populations.
Dans la région des Grands Lacs, il y a réellement un problème de développement comme dans tous les pays africains. Mais il y a aussi un problème de stabilité et de sécurité. Et ces problèmes-là priment sur d’autres problèmes d’ordre juridique ou constitutionnel. Puisque ce sont des choses graves qui touchent à la vie des populations. Propos recueillis par Yves KALIKAT