Chaînes d’approvisionnement en minerais responsables : le Forum 2023 de l’OCDE à Paris sur fond d’un duel entre le BSP et l’ITSCI (Tribune)

Mercredi 26 avril 2023 - 14:52
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C’est en présentiel que se tient du 24 au 28 avril à Paris le Forum 2023 de l’OCDE sur les chaînes d’approvisionnement en minerais responsables. Le gotha minier congolais prend part à cette assemblée afin non seulement d’apporter à l’unisson la voix de la RDC, de contribuer à l’appréhension des nouvelles dynamiques de conflit et de coopération dans les chaînes d’approvisionnement responsables, mais aussi de contrer toute velléité à vouloir remettre en cause tous les progrès réalisés jusque-là par le pays en termes de maîtrise de flux des minerais sur le territoire national, particulièrement dans la partie orientale. Ceci d’autant que la concurrence déloyale que se livrent les programmes de diligence raisonnable et de traçabilité RCS GLOBAL (BSP) et ITSCI, la compétition entre les multinationales pour le contrôle des minerais congolais, et, dans une certaine mesure, le conflit commercial opposant SAKIMA SA et SMB SARL constitueraient le centre d’intérêt de certaines officines et ONG, tel Global Witness, aux fins de déstabiliser la chaîne d’approvisionnement des minerais des 3T à l’Est du Congo.

Contrairement aux éditions passées qui se sont tenues de façon virtuelle à la suite de la pandémie de coronavirus qui a contraint jadis le monde au confinement, le Forum 2023 de l’OCDE sur les chaînes d’approvisionnement en minerais responsables marque la première participation en mode présentiel de l’après Covid-19. La chaleur qui anime les participants venus de plusieurs coins de la planète traduit l’importance que revêt le meeting de Paris. Et aussi la quintessence des thèmes au menu.

Après l’ouverture des travaux le 24 avril, le Forum se poursuit ces 26 et 27 avril avec les plénières aux thèmes accrocheurs, à savoir notamment «Explorer les nouvelles dynamiques de conflit et de coopération dans les chaînes d’approvisionnement en minéraux critiques et de transition»,«Renforcer le devoir de diligence en matière d’environnement en vue d’une transition équitable» et «Compléter la chaîne : combler les lacunes structurelles du système de devoir de diligence en matière de minéraux, mises en lumière par l’application de la législation et des exigences du marché».Pays solution par ces temps de transition énergétique au vu des minerais stratégiques dont son sol et sous-sol regorge, la RDC est représentée à ces assises.

Avec, entre autres, le vice-ministre des Mines qui a pris la parole ce 26 avril, des responsables des services attitrés de l’administration minière, des responsables des entreprises minières et des membres de la société civile, le gotha minier congolais pense marquer d’une empreinte sa participation. Il entend ainsi non seulement apporter à l’unisson la voix de la RDC, contribuer à l’appréhension des nouvelles dynamiques de conflit et de coopération dans les chaînes d’approvisionnement responsables, mais aussi contrer toute velléité à vouloir remettre en cause tous les progrès réalisés jusque-là par le pays avec des résultats probants en termes de maîtrise, dans une grande proportion, de flux des minerais sur le territoire national, particulièrement dans la partie orientale, au point que le Congo est devenu le premier producteur mondial du coltan. 

La RDC victime de la guerre entre les programmes de diligence et de traçabilité

Depuis toujours, la RDC assurait la traçabilité de ses minerais. Mais à la suite des multiples conflits armés qui ont endeuillé sa partie orientale et à la suite de la Loi Dodd Frank (2010), entrée en vigueur en 2011 avec incidence sur l’accès desdits minerais, principalement les 3T, au marché international, le gouvernement avait invité l’ITSCI - la porte restant ouverte pour d’autres programmes en l’occurrence le BSP - en appui de la traçabilité documentaire en vigueur autrefois. Et sur fond des principes de l’OCDE et des normes du Mécanisme de certification régionale de la CIRGL, non sans compter des réformes introduites par le gouvernement congolais, il y a eu des avancées remarquables en ce que la traçabilité des minerais congolais, surtout dans le Masisi et à Walikale, s’était sensiblement améliorée depuis 2014 au point que des quantités de minerais des 3T sont désormais canalisés dans le circuit officiel de commercialisation. En conséquence, la production est passée d’une dizaine de coltan par mois à 150 T, voire plus, dans le Masisi. La RDC a ainsi retrouvé ses lettres de noblesse et s’est hissée au rang de premier producteur mondial de coltan, devançant ainsi le Rwanda qui a profité pendant longtemps des pillages des richesses de son voisin. A la base de cet exploit, il y a eu aussi le bannissement des mauvaises pratiques dont la SMB SARL (Société Minière de Bisunzu) - avec un monopole de fait jadis en occupant anarchiquement une partie de la concession (le PE 4731) de la SAKIMA SA depuis 2000 par le truchement de la rébellion du RCD - s’était faite championne, à savoir le rabais de 20 % du prix par rapport au prix du Rwanda et le titrage à moins de 30 % de minerais de tantale.

Rattrapée par le devoir de diligence, la SMB SARL trouva fin décembre 2018 refuge auprès du BSP afin de couvrir les incidents pour lesquels l’ITSCI ne pouvait fermer les yeux, sous prétexte que le coût des services de cette dernière était exorbitant. C’était déjà le début de la guerre entre ces deux programmes de diligence et de traçabilité. Au vu de ses intérêts, BSP s’est gardé d’ouvrir des incidents même pour des cas documentés par le groupe des experts des Nations unies. C’est le cas de l’assassinat en juin 2019 des trois habitants de Rubaya dont les corps sont gardés jusqu’à ce jour à la morgue de l’Hôpital général de référence de Goma. Il a passé aussi sous silence les créances de plus de 4 millions de dollars des creuseurs dont la SMB SARL ne s’est toujours pas acquittées, alors que les minerais fournis ont été vendus. Outre le fait que sa concession (le PE 4731) découle d’une superposition des titres sur celle de la SAKIMA SA (le PE 76) contrairement aux code et règlement miniers congolais, celle-ci ne dispose ni d’un cahier de charges indiquant les obligations sociétales vis-à-vis des populations locales impactées par ses activités, ni d’une étude d’impact environnemental. Et depuis 22 ans, elle se complait dans l’exploitation artisanale en lieu et place d’une exploitation industrielle.

Le rapport d’avril 2022 de Global Witness intitulé «LA LAVERIE ITSCI : Enquête sur un programme de diligence raisonnable apparemment impliqué dans le blanchiment des minerais de conflits» a étalé au grand jour cette guerre entre, tellement l’ONG britannique ne s’était pas offusquée à y jouer à l’agent des relations de SMB SARL, dont le véritable patron Edouard Mwangachuchu Hizi est présentement déféré devant la justice militaire congolaise pour des faits ayant trait à l’atteinte à la sécurité. En réaction à ce rapport, le gouverneur militaire du Nord-Kivu Constant Ndima avait, dans sa lettre du 1er juin 2022, attiré l’attention de Global Witness sur son enquête réalisée sur base d’une méthodologie discutable sur leplan tant du droit que de la science. Ceci d’autant plus que la concurrence déloyale que se livrent les programmes de diligence raisonnable et de traçabilité BSP et ITSCI, la compétition entre les multinationales pour le contrôle des minerais congolais, et, dans une certaine mesure, le conflit commercial opposant SAKIMA SA et SMB SARL constitueraient le centre d’intérêt de certaines officines et ONG, tel Global Witness, agissant pour le compte de certains lobbies aux fins de déstabiliser particulièrement la chaîne d’approvisionnement des minerais des 3T à l’Est du Congo. 

La délégation congolaise au Forum 2023 de l’OCDE sur les chaînes d’approvisionnement en minerais responsables à Paris a donc du pain sur la planche.        

                                                                                                                                             Paul Kasereka Paluku